On connaît les vertus du Botox pour gommer les rides d’expression. Mais ce médicament est aussi largement utilisé par le corps médical pour soulager de nombreuses affections. Coup d’œil sur ses usages thérapeutiques.
Fait intéressant: la cosmétique n’est pas le premier emploi de la toxine botulique, commercialisée au Canada sous les marques Botox, Xeomin et Dysport. À l’origine, elle servait à des fins médicales pour soigner certains troubles liés à l’hyperactivité musculaire.
C’est par hasard que l’ophtalmologiste canadienne Jean Carruthers s’est aperçue que ses patients traités pour un blépharospasme (mouvements involontaires des paupières) avaient moins de rides autour de l’œil que les autres.
À son tour, l’usage esthétique de la toxine a permis de constater un effet positif sur les migraines. Et c’est ainsi, d’observation en observation, que les indications médicales se sont multipliées. Aujourd’hui, les médecins l’utilisent pour soigner plus d’une centaine de troubles de santé. Et les chercheurs découvrent encore de nouvelles possibilités d’utilisation!
Mais c’est quoi, au juste, le Botox?
À la base des traitements, il s’agit de la toxine botulique de type A, une protéine issue de la bactérie Clostridium botulinum, responsable du botulisme. Qu’on se rassure: la toxine est maintes fois purifiée, puis diluée en laboratoire et administrée à faible dose pour la rendre sécuritaire.
Le médicament agit en bloquant la libération d’acétylcholine, un neurotransmetteur qui induit les contractions musculaires. La transmission de l’influx nerveux étant interrompue, les muscles se relâchent, ce qui permet d’alléger, voire d’arrêter, les symptômes invalidants. Le résultat obtenu varie toutefois d’un individu à l’autre en fonction de la zone injectée, du dosage et de la technique.
L’effet apparaît généralement d’une à deux semaines après l’injection, mais il n’est pas permanent: le corps finit par éliminer la toxine. Il faut donc répéter l’intervention à intervalles réguliers, soit aux trois mois environ. La bonne nouvelle, c’est qu’après quelques séances, il est parfois possible d’espacer les visites entre les traitements.
Les injections de toxine botulique sont habituellement bien tolérées. Elles sont cependant contre-indiquées aux personnes souffrant d’une inflammation ou d’une infection au site d’injection, d’une hypersensibilité à la toxine ou d’une maladie neuromusculaire (ex.: la myasthénie).
Quant aux effets secondaires, ils se limitent généralement à une légère douleur et un œdème au point d’injection. Cela dit, comme dans toute procédure médicale, une réaction plus grave est toujours possible. Mais c’est rare et, surtout, réversible dans la plupart des cas.
Beaucoup plus qu’un antirides
Depuis le début des années 1980, l’utilisation de la toxine botulique a révo- lutionné plusieurs domaines de la médecine et amélioré la qualité de vie de nombreux patients. Pourtant, on connaît encore mal cette utilisation.
Voici quelques domaines médicaux qui en font bon usage.
1. En neurologie
Selon le Dr Sylvain Chouinard, neurologue au CHUM et professeur à l’Université de Montréal, c’est probablement en neurologie que la toxine botulique offre le plus de fonctionnalités. Elle agit sur certains troubles du mouvement, l’hypertonie musculaire (trop de tonus musculaire) et la contraction musculaire involontaire.
Parmi les conditions les plus courantes, on retrouve la dystonie cervicale, le spasme hémifacial, la spasticité, l’hypersalivation et la migraine chronique. Le médicament peut aussi servir à relaxer certains muscles après une paralysie faciale, un AVC ou en présence de sclérose en plaques. « La toxine botulique est injectée, parfois sous guidance échographique ou d’un électromyogramme, directement dans les muscles en cause, en de nombreux endroits, explique le neurologue. Dans plusieurs de ces conditions, il s’agit du traitement de choix pour amoindrir les contractions musculaires qui s’accompagnent parfois de douleur. »
2. En urologie
Les injections de toxine botulique font partie de l’arsenal thérapeutique pour traiter la vessie hyperactive avec ou sans incontinence d’urgence. Le traitement réduit les contractions de la vessie et, par le fait même, les symptômes: envie soudaine et irrépressible d’uriner et mictions fréquentes.
«La toxine botulique permet des améliorations significatives chez environ 70 % des patients qui répondent peu ou pas aux interventions classiques, soutient l’urologue Andrew Steinberg. L’intervention s’effectue sous anesthésie locale. On installe d’abord une sonde, puis on introduit un appareil de cystoscopie par l’urètre afin de visualiser l’intérieur de la vessie. Le produit est ensuite livré en plusieurs injections dans le muscle concerné.»
L’intervention cause parfois une légère douleur et un saignement, augmente le risque d’infection et provoque occasionnellement une rétention urinaire. Ces problèmes sont traitables et temporaires. Les effets durent en moyenne de huit à douze mois.
D’autres utilisations: la vessie spastique due à un trouble neurologique (sclérose en plaques, AVC, Parkinson, etc.), la cystite interstitielle chez la femme, le syndrome de douleur pelvienne chronique chez l’homme et, plus récemment, la dysfonction érectile.
3. En ophtalmologie
Contrairement à ce que l’on croit, la toxine botulique est peu utilisée dans le traitement du strabisme. En revanche, elle est la première option pour traiter le blépharospasme essentiel (clignement et fermeture incontrôlés des paupières), une affection causée par des contractions involontaires du muscle orbiculaire.
«Le traitement consiste à injecter la toxine dans les muscles hyperactifs des paupières inférieures et supérieures, et parfois jusqu’aux sourcils, pour les mettre au repos, explique la Dre Erika Massicotte, oculoplasticienne au CHUM. En général, on obtient d’excellents résultats.»
Après l’intervention, il est possible de noter quelques ecchymoses et une sécheresse oculaire. De rares complications peuvent également survenir, comme une lagophtalmie (difficulté à fermer les yeux complètement), un ptosis (affaissement de la paupière supérieure) et un ectropion (paupière inférieure tournée vers l’extérieur). Mais selon la Dre Massicotte, il est facile de les prévenir en commençant avec une faible dose et en l’augmentant progressivement. F
inalement, la toxine botulique sert aussi dans les cas d’épiphora réfractaire, c’est-à-dire un larmoiement excessif.
4. En gastroentérologie
Dans ce domaine, on en fait usage chez les personnes qui souffrent d’achalasie, de gastroparésie et de fissure anale. «L’achalasie, une hypertonicité du sphincter œsophagien inférieur, est la cause la plus fréquente, mentionne le Dr Alexandre Généreux, chef de service en gastroentérologie au CHU de Québec. Pour ces trois problèmes de santé, le traitement consiste à injecter la toxine par voie endoscopique dans le muscle du sphincter – de l’œsophage, de l’estomac ou de l’anus, selon le problème – pour le détendre et, dans le cas de l’achalasie, faciliter la déglutition. La toxine botulique n’est cependant pas le traitement de première intention.»
L’effet est rapide et dure de trois à six mois. Selon le Dr Généreux, les effets secondaires sont rares.
5. En dermatologie
Pour empêcher la transpiration excessive aux aisselles, il existe des préparations topiques à base de chlorure d’aluminium qui bloquent temporairement les canaux sudorifères. Mais si ça ne fonctionne pas, les injections de toxine botulique représentent la prochaine étape pour traiter l’hyperhidrose.
«La neurotoxine inhibe la production de sueur dans les zones traitées, précise la dermatologue Émilie Bourgeault. On fait une cinquantaine de petites piqûres par aisselle, pour couvrir toute la zone. C’est très efficace. Outre des bleus et un peu d’inconfort, les effets secondaires sont rares.» Le traitement dure environ six mois.
La toxine peut aussi être employée pour l’hypersudation des mains et des pieds. La bonne nouvelle: la dermatologue rapporte que de récentes études ont démontré que la toxine botulique peut également aider à atténuer l’hyperpigmentation et la rosacée dans certains cas.
Des mythes bien enracinés
Beaucoup de choses sont dites et écrites sur la toxine botulique, surtout dans le domaine de l’esthétique, ce qui a généré plusieurs mythes sur son utilisation. Les nombreuses transformations ratées de personnalités hollywoodiennes et les ouï-dire ont largement contribué à nourrir les craintes. Le Dr Sylvain Chouinard le constate d’ailleurs régulièrement.
«Dans ma pratique, je passe beaucoup de temps à essayer de convaincre des patients de l’innocuité de la toxine utilisée dans un cadre médical, déplore-t-il. Il y a des gens qui se privent des bénéfices du traitement parce qu’ils ont peur des effets. En réalité, ce n’est pas le produit qui est dangereux, mais plutôt les personnes qui pratiquent les injections sans formation appropriée. Lorsque la toxine est correctement dosée et injectée, elle est sans danger. Le corps l’élimine après un certain temps.»
Selon le Dr Andrew Steinberg, il faut aussi se rappeler que la toxine botulique de type A est étudiée et testée depuis de nombreuses décennies pour diverses applications.
Depuis sa découverte, des millions d’individus ont reçu des injections sans complication. Sans compter que la toxine est utilisée en très petites quantités et sous forme diluée, ce qui diminue grandement les risques. L’important, c’est de faire confiance à des professionnels qualifiés.
Qui paie?
La RAMQ et la plupart des régimes d’assurance remboursent le médicament, en partie ou en totalité, sur prescription du médecin traitant, lorsqu’il est administré à l’hôpital ou dans une clinique médicale. Par contre, tous les usages ne sont pas reconnus. Il faut s’informer.
S’il s’agit d’une clinique médicale privée, le médicament pourrait être couvert, mais pas les frais d’injection. De plus, les coûts varient d’une clinique à une autre.