Quand faut-il arrêter de conduire?

Quand faut-il arrêter de conduire?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Ce n’est pas l’âge qui est le facteur déterminant, mais bien la santé des conducteurs. Dans ce cas, comment savoir s’il est temps pour un proche de dire adieu à son permis de conduire? Et de quelle manière aborder ce sujet délicat quand son comportement en voiture nous donne des sueurs froides? Conseils de pros pour mener cette discussion inévitable avec brio.

Il est démontré que les conducteurs âgés de 65 ans et plus ne sont pas plus dangereux que les autres. En effet, ils causeraient même moins d’accidents de la route que les 25-34 ans et la majorité des collisions les impliquant n’occasionneraient que des dommages matériels.

Chez les aînés, les accidents surviennent principalement aux alentours des centres commerciaux (27 %), aux intersections (15 %) et en milieu urbain (14 %), et la plupart sont causés par l’inattention ou la distraction.

Toutefois, l’idée répandue selon laquelle les aînés représentent un danger au volant fait encore l’objet d’un débat. Certains individus suggèrent de suspendre le permis, d’imposer des restrictions ou d’exiger un examen pratique annuel à partir d’un certain âge, ce que déplore la Dre Christine Roy, médecin-conseil à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

«Il ne faut surtout pas faire preuve d’âgisme, dit-elle. En réalité, il n’y a pas d’âge précis où la conduite devient moins sécuritaire. Certaines personnes peuvent conduire adéquatement jusqu’à un âge avancé, tandis que d’autres, encore jeunes, éprouvent des difficultés. Ce n’est pas l’âge du conducteur qui détermine sa capacité de conduire, mais plutôt son état de santé.»

Les signaux d’alarme à surveiller

Conduire un véhicule est un exercice complexe qui exige d’exécuter simultanément plusieurs actions, comme changer de voie, tourner la tête pour surveiller les angles morts, repérer et éviter les obstacles, mentionne Christine Essiembre, ergothérapeute en service d’évaluation à la conduite automobile. Ces tâches exigent une bonne vision, de la concentration, de la coordination et des réflexes aiguisés, entre autres.

Or, si tout ça va de soi à 20 ans, il peut en être autrement en vieillissant. Les fonctions cognitives, motrices et visuelles diminuent, tandis que les problèmes de santé tendent à s’accentuer. Et chacun de ces changements risque d’avoir des répercussions sur la conduite. Des raideurs articulaires ou une perte de force musculaire peuvent rendre difficiles certaines manœuvres.

Par ailleurs, des troubles de la vue peuvent inciter la personne à rouler trop lentement, rétrécir son champ de vision et nuire à sa conduite le soir ou la nuit. Une baisse des capacités cognitives risque d’affecter le temps de réaction, l’attention, le jugement, la mémoire et la prise de décision.

Enfin, certains médicaments vendus avec ou sans ordonnance peuvent avoir des effets sur la vigilance, la vision, la coordination des mouvements et le comportement.

Heureusement, le déclin des capacités n’arrive généralement pas du jour au lendemain, ni au même rythme pour tout le monde, affirme la Dre Christine Roy. Mais parce qu’il s’installe graduellement, plusieurs conducteurs âgés ne se rendent pas compte de ses conséquences sur leur conduite. Plusieurs vont simplement éviter de conduire le soir ou durant les heures de pointe, par exemple.

C’est le plus souvent le médecin traitant ou les proches qui font le constat de ce déclin.

Quand il est temps de dire adieu à son permis

L’an dernier, Julie Latour a noté des changements alarmants chez son père, alors âgé de 82 ans. «J’étais inquiète lorsqu’il prenait le volant, avoue-t-elle. J’avais remarqué des égratignures et des bosses sur sa voiture. Le rétroviseur côté passager tenait avec du ruban adhésif. Quand je questionnais mon père, ses réponses étaient ambiguës. J’avais aussi noté des modifications dans ses habitudes de conduite. Un jour, en sortant de l’épicerie, il n’a pas reconnu sa voiture dans le stationnement. Il était confus. Les policiers ont dû intervenir et faire un signalement à la SAAQ. Mon père a échoué aux tests et son permis a été révoqué. Ç’a été un grand soulagement pour mon frère et moi. Entre-temps, on a dû lui retirer ses clés, car il s’obstinait à conduire.»

Vous vivez la même chose avec une personne de votre entourage? Selon Christine Essiembre, plusieurs indices devraient vous mettre la puce à l’oreille: implication dans des accrochages ou des accidents, infractions au Code de la route, inattention, diminution des réflexes, changement des habitudes de conduite, tendance à «serpenter» ou à chevaucher deux voies.

Autres signes qui ne trompent pas : oublier d’utiliser les clignotants, se perdre, se faire klaxonner, etc.

Si un ou plusieurs de ces comportements est observé, une discussion franche s’impose. «Cette conversation est souvent difficile pour les enfants, surtout si leur but est de convaincre leur parent de ne plus prendre le volant, reconnaît la Dre Christine Roy. Pour beaucoup d’aînés, le permis de conduire est synonyme de liberté, d’autonomie et d’interactions sociales. L’idée de l’abandonner est perturbante. Par contre, éviter d’aborder cette question peut avoir des conséquences encore plus dramatiques. Il est bien sûr toujours préférable d’avoir cette discussion avant d’en arriver là. Je préconise même de planifier sa retraite de la conduite automobile de la même façon qu’on se prépare à cesser de travailler. En reconnaissant les signaux d’alerte, il sera plus facile de prendre la décision d’arrêter le moment venu.»

La règle de base pour traiter du sujet: faire preuve de tact, d’écoute et d’empathie. «On cite des exemples concrets de comportements problématiques et on exprime nos inquiétudes pour sa sécurité et celle des autres, déclare Christine Essiembre. Aussi, on propose des options de rechange à l’auto – transport en commun, taxi, covoiturage, services d’accompagnement ou de livraison –, histoire de rassurer la personne et de lui faire comprendre que sa vie active n’est pas finie. On peut aussi rappeler que les économies réalisées sur l’essence, l’assurance auto et les réparations pourront servir à payer ses autres moyens de transport et ses activités.»

Si la personne concernée refuse d’admettre ses difficultés, il ne faut pas hésiter à faire part de nos préoccupations à son infirmière ou à son médecin traitant et à demander une évaluation de son aptitude à conduire. Les aînés font habituellement confiance à l’opinion des professionnels, qui peuvent les aider à prendre de bonnes décisions pour assurer leur sécurité.

Le temps de l’évaluation

À 75 ans, tous les conducteurs doivent remplir le formulaire Autodéclaration médicale et le retourner à la SAAQ. Puis, à 80 ans, et tous les deux ans par la suite, ils doivent se soumettre à une évaluation médicale et visuelle effectuée par des professionnels de la santé. Ça ne signifie pas forcément que les détenteurs de permis devront arrêter de conduire. En fait, très peu de personnes âgées – de 1 à 3 % – se font retirer leur permis à la suite des évaluations de la SAAQ. Par contre, il pourrait y avoir des conditions à respecter, comme éviter de conduire à la noirceur.

Hélas, il peut arriver que les capacités d’un proche diminuent suffisamment entre les contrôles pour nous inquiéter. Dans ce cas, il est toujours possible de demander une réévaluation des capacités à la conduite automobile auprès d’un ergothérapeute. «Cette évaluation permet de déterminer si la personne est encore apte à conduire et, si oui, de cerner ses lacunes et de l’aider à les corriger», explique Christine Essiembre.

Et pourquoi pas un cours de révision? «Pour beaucoup d’aînés, les dernières leçons de conduite remontent à 50 ans, voire davantage, indique Rosana Nudo, superviseure des écoles de conduite de CAA-Québec. Or, bien des choses ont changé depuis! Il suffit de penser aux carrefours giratoires, aux corridors de sécurité et au virage à droite. C’est pourquoi de nombreuses écoles de conduite, dont celles de CAA-Québec, proposent un cours de perfectionnement adapté aux aînés afin de rafraîchir leurs connaissances et de pratiquer certaines manœuvres qu’ils trouvent plus difficiles.»

Il existe également des questionnaires en ligne, notamment sur les sites web de la SAAQ et de CAA-Québec, pour vérifier ses connaissances et ses compétences liées à la conduite.

Nouvelles technologies: un atout ou pas?

De nos jours, les véhicules sont pourvus d’une caméra de recul, de détecteurs d’angles morts, d’avertisseurs sonores, d’un GPS, etc., des options technologiques conçues pour rendre la conduite plus facile et sécuritaire.

Devrait-on alors encourager nos parents à délaisser leur vieux véhicule pour un modèle récent? «Toutes ces améliorations sont aidantes, admet André Durocher, directeur des relations avec la communauté et la sécurité routière à CAA-Québec. Mais elles ne sont pas miraculeuses. Le danger, c’est de perdre ses réflexes et d’oublier, par exemple, de vérifier les angles morts. Il est important de ne pas se fier uniquement à ces nouveaux instruments. Il faut aussi se rappeler que trop d’options risquent de causer un stress supplémentaire aux conducteurs âgés.»

Bref, opter pour un véhicule récent, c’est souvent une bonne idée. Toutefois, si on préfère conserver sa voiture, ce n’est pas plus mal si elle est en bon état et facile à manœuvrer.

En conclusion, le soutien et la patience de l’entourage s’avèrent des outils essentiels pour aider les personnes vieillissantes à prendre la décision de raccrocher leurs clés. Le processus est parfois difficile, mais, à la longue, des facteurs positifs émergent, comme la disparition du stress de conduire et de trouver du stationnement!

Dénoncer est parfois nécessaire

Si on estime qu’un proche représente un réel danger pour lui et les autres usagers de la route, mais qu’il ne veut rien entendre, on peut effectuer un signalement confidentiel auprès de la SAAQ pour faire retirer son permis. La personne concernée devra alors se soumettre à une évaluation. C’est notre responsabilité d’agir avant qu’un drame se produise.

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