Quel beau matin!
Enfin, les hommes souffrant de dysfonction érectile ont non seulement une solution à leur portée, mais ils osent parler de leur problème. Après des années de honte et de silence, ce que l’on appelait autrefois l’impuissance n’est plus tabou grâce à la petite pilule bleue. «Parlez-en à votre médecin», lancent d’ailleurs les pubs, plus entraînantes les unes que les autres, concoctées pour le géant pharmaceutique Pfizer, qui donneraient envie à un barreau de chaise de commencer la journée sourire aux lèvres!
Raviver d’abord la flamme…
Si le Viagra – et ses confrères Cialis et Levitra – a redoré l’estime de bien des hommes en les confirmant dans leur identité masculine et a sauvé des couples en leur redonnant une ardeur qu’ils croyaient à jamais éteinte, il ne fait cependant pas de miracle. Pour que le médicament fonctionne et que la performance soit au rendez-vous, il faut d’abord du désir. Pfizer a d’ailleurs aussi produit des campagnes invitant les couples à prendre le temps d’être bien ensemble, à s’offrir des escapades en amoureux, bref à raviver la flamme.
Et les femmes, là-dedans? Leur principale crainte, constate la sexologue Diane Brouillette, c’est que leur mari ne les désire plus vraiment. Plusieurs sont convaincues que leur conjoint voudrait avoir une relation sexuelle, même si elles avaient des bigoudis sur la tête et leur plus vieille robe de nuit sur le dos. «Ce n’est pas moi qui déclenche son désir, c’est la pilule, croient-elles. Alors que c’est faux. La pilule n’agit pas sur le désir, elle ne facilite que l’érection », précise la sexologue. Pour qu’il y ait érection, il faut donc que l’homme éprouve du désir pour sa compagne.
D’autres redoutent «le sexe programmé», note la sexologue Sylviane Larose. Finie la spontanéité, puisqu’il faut prendre sa pilule à l’avance. «Le simple fait de se faire demander: “As-tu envie de faire l’amour aujourd’hui?”, dans le but de planifier la prise de la médication, aura un impact négatif sur le désir sexuel de la conjointe», écrit-elle.
Résistances et demandes…
Résistances
Les résistances des femmes concernant la nouvelle vigueur de leur époux ont fait l’objet de nombre de caricatures et de dessins humoristiques. L’un des plus connus représente un homme qui demande du Viagra à son médecin, alors que sa femme, en retrait, brandit une pancarte sur laquelle on peut lire: «Dites non!»
L’an dernier, alors que l’on célébrait les 10 ans du Viagra, The Observer reprenait une lettre publiée dans le courrier des lecteurs de plusieurs quotidiens américains: «J’ai 62 ans, je suis mère de 6 enfants aujourd’hui adultes. Il y a 2 ans, quand j’ai commencé à voir diminuer l’ardeur de mon mari, qui a 64 ans, ce fut une immense joie pour moi. Et qu’est-il arrivé? On a inventé un médicament du nom de Viagra, et voilà mon satyre de mari à nouveau en selle. J’aime vraiment mon mari, mais j’estime avoir mérité du repos. Sans compter que ce médicament coûte 10$ la pièce. La semaine dernière, il en a pris 4…»
Comme cette dame, plusieurs femmes se sont accommodées de la dysfonction érectile de leur conjoint. En paix avec leur propre libido ralentie, elles n’éprouvent pas le besoin pressant d’une vie sexuelle active et sont désarmées devant les demandes enflammées de leur conjoint. D’autant plus qu’au début, «les hommes vivent souvent une phase Rambo, explique Diane Brouillette. La pénétration leur a manqué. Ils ont envie de faire l’amour tout le temps et se précipitent de peur de perdre leur érection, en oubliant les préliminaires et les jeux amoureux.» Ce qui laisse leur partenaire insatisfaite, alors qu’une telle hâte est injustifiée étant donné que l’effet du médicament dure quatre heures et même davantage! Lorsque le couple est sain, les époux sont capables d’en parler et finissent par s’ajuster.
Demandes…
Après des années d’intimité sexuelle satisfaisante, des couples passent, au fil du temps, à une chaste cohabitation qui leur convient. «Certains couples vivent très bien cette baisse, ou même cet arrêt de sexualité, note Diane Brouillette. Ils ont du plaisir ensemble, ils voyagent, partagent des activités. Ils n’ont plus le goût de faire l’amour et s’en portent bien.» Dans ce contexte, comment réagira un mari que sa femme presse tout à coup de prendre du Viagra? «Si cela crée un conflit, c’est que le couple ne va pas si bien, soutient la sexologue. Il faut voir pourquoi le désir a baissé. Généralement, un couple qui va bien trouvera ensemble des solutions.»
Volage avant, volage après
Volage avant, volage après
Certains hommes ragaillardis et forts de leur nouveau pouvoir se mettront à vagabonder et iront trouver ailleurs, souvent auprès de femmes plus jeunes, ce que leur conjointe ne semble plus vouloir ou pouvoir leur offrir. Ce serait surtout vrai des hommes déjà volages. The Observer mentionnait ainsi que l’on remarquait, dans les communautés de retraités de la Floride, une envolée du taux des infections sexuellement transmissibles chez les hommes âgés qui fréquentent désormais davantage les prostituées. Des avocats spécialisés dans les divorces y affirmaient aussi que le médicament était à l’origine d’une hausse de divorces ayant pour motif l’infidélité.
Certains couples n’y survivront donc pas. Comme si le Viagra précipitait et faisait éclater des problèmes qui existaient déjà, mais que le couple feignait de ne pas voir ou avec lesquels il avait appris à composer. Un homme qui a des problèmes érectiles sera plus enclin à rester tranquillement à la maison, même s’il n’y est pas heureux. Alors qu’un homme qui a retrouvé son estime de soi et sa virilité s’affirmera peut-être davantage et acceptera moins facilement des situations qu’il tolérait parce qu’il se sentait… impuissant.
«C’est souvent comme cela que les hommes qui souffrent de dysfonction érectile se sentent: incapables, impuissants», constate Diane Brouillette. L’impuissance mine non seulement leur vie sexuelle, mais leur vie sociale: les autres peuvent, eux pas. Une scène érotique dans un film les jette dans l’embarras. Ils n’osent plus faire de blagues salées en public…
Le Viagra apporte une aide précieuse aux couples qui vont bien et qui ont connu auparavant une vie sexuelle satisfaisante. Il devient alors un objet d’épanouissement pour les deux partenaires. Mais il peut alimenter ou susciter des conflits chez les couples déjà fragiles, qui tiennent surtout par habitude, comme chez ceux qui ont des failles que les conjoints préfèrent ne pas voir… Il peut alors agir comme «révélateur» et obliger le couple à faire le point sur sa relation.
Mise à jour: juin 2009
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