Les tests d’ADN maison peuvent-ils nous sauver la vie?

Les tests d’ADN maison peuvent-ils nous sauver la vie?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Ça peut être tentant de se procurer un test pour savoir si on a des prédispositions à certaines maladies. Mais est-ce une bonne idée? On fait le point.

C’est à la suite d’un test génétique que l’acteur australien Chris Hemsworth (qui interprète Thor dans l’univers Marvel) a appris qu’il a une prédisposition à développer l’alzheimer. L’analyse a en effet révélé la présence de deux copies du gène de l’apolipoprotéine E4 associé à la maladie. Bouleversé, l’homme de 39 ans a décidé de faire une pause dans sa carrière afin de procéder à des changements de vie et de mieux profiter des siens.

Son cas porte à réflexion. Et si c’était utile pour tout le monde de connaître les maladies inscrites dans leurs gènes? La réponse n’est pas simple. Explications.

Un échantillon de salive, c’est tout ce que ça prend!

Les tests génétiques à des fins médicales sont généralement recommandés dans un but de dépistage ou de diagnostic. Ils sont prescrits par des médecins et réalisés dans des laboratoires accrédités. Toutefois, depuis quelques années, des entreprises privées telles que 23andMe proposent directement aux consommateurs des tests en vente sur Internet, sans supervision ni prise en charge médicale. Il suffit de commander une trousse et de s’inscrire sur le site de l’entreprise. Le test est simple: en gros, il faut cracher dans un tube, remplir un questionnaire, poster l’échantillon et attendre les résultats via un compte en ligne, quelques semaines plus tard.

Mais comment un simple échantillon de salive peut-il vraiment révéler les prédispositions d’un individu à certaines maladies? Grâce à son ADN. «L’ADN est présent dans chacune des cellules du corps, y compris dans la salive, explique Simon Gravel, chercheur et professeur adjoint en génétique humaine à l’Université McGill. L’ADN contient le code génétique de chaque individu. Tous les humains ont un bagage génétique similaire, mais les gènes hérités des parents font en sorte que chaque personne est génétiquement unique.»

C’est donc en étudiant l’ADN que les entreprises peuvent déceler la présence d’anomalies génétiques. Cela dit, il n’est pas possible de tester toutes les possibilités génétiques. Par conséquent, il est illusoire de penser que la personne connaîtra tout sur son état de santé après avoir passé un test génétique. Le plus souvent, ces tests évaluent le risque de contracter des maladies courantes, dont le diabète, l’asthme, le parkinson, l’alzheimer et certains cancers. D’autres analyses peuvent être effectuées pour identifier, entre autres, des intolérances alimentaires ou des réactivités à certains médicaments.

Ces tests peuvent-ils avoir une incidence sur l’espérance de vie?

De là à croire que les tests génétiques peuvent influencer notre santé et notre longévité, il n’y a qu’un pas… à ne pas franchir. Selon la Dre Maude Lefebvre, médecin généticienne au CHUM, les tests ne donnent pas un portrait global et juste de la situation et ne doivent pas être utilisés comme seul outil de prévention.

En fait, la grande majorité des maladies génétiques courantes sont multifactorielles. «Les gènes influencent le risque de les développer, précise Simon Gravel. Mais d’autres facteurs, comme les habitudes de vie, l’environnement et l’âge, jouent également un rôle majeur dans leur apparition.» Ce n’est donc pas parce qu’une personne reçoit un résultat négatif que son risque de contracter la maladie est nul. L’inverse est aussi vrai. «Les tests génétiques ne peuvent pas préciser si une personne testée positive contractera à coup sûr la maladie ni à quel âge, assure la Dre Lefebvre. Les résultats des tests ADN indiquent seulement une susceptibilité à développer certaines maladies.»

Quant aux bénéfices, ils sont minces. «Pour la plupart des individus, ces tests ne sont pas d’une grande utilité, avoue Simon Gravel. Sauf dans de rares cas de maladies génétiques, comme le cancer du sein et de l’ovaire, il n’est pas possible d’intervenir médicalement avant l’apparition de la maladie. Par contre, les gens peuvent agir préventivement en modifiant leurs habitudes de vie. Mais pour ça, il n’est pas nécessaire de faire un test génétique.»

Par ailleurs, la lecture du rapport peut parfois s’avérer laborieuse. Certaines entreprises proposent une aide pour interpréter les données. Il est aussi possible de demander l’avis de son médecin. «La plupart des médecins de famille ne sont pas nécessairement formés pour interpréter les résultats des tests génétiques, souligne la Dre Lefebvre. Ils peuvent toutefois, au besoin, faire une réévaluation globale des facteurs de risque pour évaluer les risques réels et donner des conseils de prévention.»

Une fiabilité qui n’est pas à toute épreuve

D’après la Dre Maude Lefebvre, les tests d’ADN vendus aux consommateurs n’ont pas la précision des tests génétiques cliniques recommandés par les médecins. «L’interprétation des résultats peut diverger considérablement d’une entreprise à une autre selon les algorithmes utilisés et les marqueurs analysés, dit-elle. De plus, les données ne sont pas toujours exactes. Selon certaines études, lorsque des laboratoires certifiés devaient confirmer les résultats de tests génétiques grand public pour certaines maladies spécifiques, ceux-ci étaient erronés dans près de 40 % des cas.» Il n’y a donc aucune garantie quant à l’exactitude des résultats obtenus.

Il faut se préparer aux résultats

Certaines personnes passent un test génétique par curiosité, d’autres par souci de prévenir les maladies, d’autres encore pour connaître leurs prédispositions génétiques. Mais quel que soit le motif, mieux vaut être prudent.

«Certains individus peuvent se sentir faussement rassurés parce qu’ils ne présentent pas de prédispositions génétiques et ils conservent alors leurs mauvaises habitudes, explique la Dre Lefebvre. À l’inverse, ceux ayant des facteurs de risque génétiques peuvent s’inquiéter démesurément. Il faut être conscient que les résultats obtenus ne seront pas nécessairement ceux anticipés.»

Il est également important d’évaluer les conséquences sur les membres de la famille proche, car les résultats auront aussi un impact sur eux. Mieux vaut les aviser de la démarche pour connaître leur opinion. Certaines personnes voudront savoir, d’autres pas.

ADN et vie privée

Avant de s’engager à passer un test génétique, on devrait se renseigner sur les pratiques et les politiques de l’entreprise en matière de protection de la vie privée et des renseignements personnels. Il faut aussi savoir que la plupart des entreprises vendent les informations génétiques à des sociétés pharmaceutiques, des compagnies d’assurance ou des organismes de recherche.

Enfin, rappelons que c’est une très mauvaise idée de partager les résultats sur les réseaux sociaux, entre autres. L’utilisation des renseignements par des tiers, comme les employeurs, les assureurs et la police, pourraient entraîner des répercussions inattendues. On n’est jamais trop prudent!

Des trousses pour toutes les bourses

Il est possible de commander des tests génétiques à des fins médicales sur les sites Internet des entreprises et, parfois aussi, sur Amazon. Parmi les plus populaires: 23andMe, Easy DNA et TellmeGen. Chaque compagnie propose divers choix de trousses à des prix variés. À titre d’exemple, le Health + Ancestry Service de 23andMe se vend 249 $, le Test DNA de EasyDNA se détaille 199 $ et le Kit ADN Advanced de TellmeGen coûte 219 $.

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