Les hormones, responsables de notre bonheur?

Les hormones, responsables de notre bonheur?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Chacun cherche son bonheur, mais certains semblent plus prédisposés à le trouver que d’autres. Et si, pour se sentir plus heureux, la solution se trouvait dans nos hormones? Explications. 

«Ça doit être tes hormones!» Tout le monde connaît la rengaine, largement véhiculée pour justifier les sautes d’humeur féminines. Au-delà du cliché, on ne peut toutefois nier leur influence: il suffit de traverser un déséquilibre hormonal pour comprendre à quel point les hormones mènent notre vie. La Dre Marie-Andrée Champagne, omnipraticienne spécialiste de la ménopause et auteure du livre Le bonheur est-il hormonal? (Les Éditions de l’Homme), a consacré les 25 dernières années de sa pratique à l’étude des hormones et de leurs effets sur le corps, le cerveau et l’humeur. Comment de si petites substances peuvent-elles influencer autant notre comportement? Pourquoi certaines personnes ont-elles le bonheur facile et d’autres pas? Bonheur et hormones vont-ils de pair? Autant de questions auxquelles elle a cherché des réponses... et en a trouvé. «Les hormones m’ont toujours fascinée, confie-t-elle. Il est clair que les hormones, mais aussi les neurotransmetteurs, sont essentiels à notre santé, à notre bien-être et, par le fait même, à notre bonheur.» 

Tant que l’équilibre hormonal est maintenu, tout va bien. Mais une fluctuation ou un débalancement – comme durant la ménopause ou l’andropause – peut tout changer et nous plonger en zone de turbulences, avec des répercussions physiques, psychologiques, sexuelles et relationnelles. Ce qui n’est guère surprenant, puisque hormones et neurotransmetteurs participent directement au bon fonctionnement de l’organisme. Une déficience de l’une ou l’autre de ces substances affecte forcément les autres, déclenchant divers symptômes qui affectent la qualité de vie et l’humeur. Reste qu’il n’est pas toujours simple de faire le lien entre elles et nos malaises…

«Les carences hormonales sont souvent responsables de problèmes mal diagnostiqués, affirme la Dre Champagne. Par exemple, dans ma pratique, j’ai souvent rencontré des femmes qui me confiaient souffrir de fibromyalgie et qui voyaient leurs symptômes s’estomper, ou même disparaître, après la correction de leurs perturbations hormonales. D’où l’importance de prendre en considération l’état hormonal des patients. Malheureusement, certains professionnels de la santé connaissent mal les multiples bienfaits des hormones et l’impact de leur déséquilibre sur la santé et l’humeur. Mais cela tend à changer. Ainsi, les psychiatres commencent à reconnaître leur rôle important et leur interaction avec les antidépresseurs.»

 

Trouver nos alliées

En découvrant les multiples rôles des hormones et en reconnaissant les signes avant-coureurs d’un déséquilibre, on aborde avec plus de sérénité la période entourant la ménopause – ou l’andropause chez les hommes – et on peut en minimiser les inconvénients en consultant rapidement. 


La progestérone

«Elle contrebalance l’effet des œstrogènes au niveau de l’endomètre, la couche intérieure de l’utérus, indique la Dre Sylvie Bertrand, endocrinologue à la Clinique médicale Angus. En prévenant son épaississement, la progestérone réduit le risque de cancer de l’endomètre. Cette hormone agit également sur le sommeil, un des problèmes les plus fréquents de la ménopause.» Ses bénéfices ne s’arrêtent pas là. D’après la Dre Champagne, elle calme et équilibre l’impact des œstrogènes, normalise la coagulation sanguine, transforme le gras en énergie, améliore la digestion, prévient et contrôle l’ostéoporose... et plus encore. 

À la périménopause – l’étape précédant la ménopause –, la progestérone est la première hormone à tomber en panne, rappelle la Dre Champagne. «Au début, le signe le plus fréquent est le changement dans les menstruations, qui deviennent irrégulières, précise la Dre Bertrand. Elles peuvent être plus courtes ou plus longues, et le flux menstruel, plus abondant ou plus léger. Certains mois, il n’y en a pas du tout.» Autres manifestations possibles: exacerbation du syndrome prémenstruel (SPM), fatigue, sautes d’humeur, difficultés de concentration, etc. On trouve également de la progestérone chez l’homme, mais en faibles quantités. 


Les œstrogènes

Le corps est doté de multiples sites récepteurs d’œstrogènes. «Ceux-ci interagissent avec les autres hormones, mais aussi avec les glandes (hypophyse, surrénales, thyroïde, etc.) et différents organes (cœur, vessie, cerveau, os, articulations, etc.), explique la Dre Champagne. Ils contribuent au bien-être, à la santé et à l’équilibre du métabolisme de la femme.» Ces hormones féminines, dont la production décroît à la ménopause, assument plusieurs fonctions: elles préviennent et freinent la perte osseuse, aident à préserver l’intégrité génito-urinaire et à conserver et améliorer la mémoire, stabilisent l’humeur, facilitent la production des neurotransmetteurs, etc. Pas étonnant, donc, qu’on ressente une foule de symptômes quand leur production décline: fatigue, anxiété, irritabilité, insomnie, trous de mémoire, sécheresse vaginale, douleurs articulaires et musculaires, problèmes digestifs, bouffées de chaleur, perte du désir, etc.

 

La testostérone

Contrairement à ce qu’on croit, les femmes produisent aussi de la testostérone, mais en quantité beaucoup moins élevée que les hommes. C’est l’hormone responsable du désir sexuel, souligne la Dre Champagne. Utilisée à faible dose, en combinaison avec l’œstrogène et la progestérone, la testostérone peut avoir un effet positif sur la sexualité et le bien-être des femmes, lorsque la panne de désir résulte d’un manque de testostérone. D’après la Dre Bertrand, elle joue aussi un rôle important dans le maintien de l’énergie, de la vitalité et de la résistance physique. Une carence en testostérone peut ainsi se traduire par une perte de désir sexuel, une diminution de l’énergie, une baisse de la sensation de bien-être, une perte d’intérêt, de l’instabilité émotive, une réduction du tonus musculaire, des douleurs articulaires ou musculaires, une atrophie génitale, des troubles digestifs, etc. Selon la Dre Champagne, le cancer de la prostate est souvent diagnostiqué chez des hommes en déficit de testostérone.

Bien des femmes hésitent encore à recourir à l’hormonothérapie de remplacement pour contrer les perturbations liées aux carences hormonales de la périménopause et de la ménopause. «La fameuse étude Women’s Health Initiative (WHI) sortie en 2002, qui a associé la prise d’hormones à une légère augmentation du risque de cancer du sein et d’AVC chez certaines femmes, est en grande partie responsable de ce malaise, soutient la Dre Bertrand. Aujourd’hui, on sait que l’hormonothérapie est sécuritaire et efficace lorsqu’elle est bien adaptée à la condition de chaque femme. Par exemple, on ne recommande plus d’emblée l’hormonothérapie pour la prévention de l’ostéoporose. Afin de réduire au maximum les risques, on prescrit également la plus petite dose efficace d’hormones, qui ressemble à ce que le corps fabrique généralement. Et on effectue un suivi rigoureux.» À cet égard, les hommes ne sont pas en reste: ils peuvent profiter de la thérapie de remplacement de la testostérone (TRT). On ne devrait donc pas avoir peur de prendre des hormones – lorsqu’il n’y a pas de contrindications – si on en a besoin pour améliorer notre qualité de vie. 


Cibler les trouble-fêtes

Les neurotransmetteurs peuvent aussi jouer les trouble-fêtes dans notre quête du bonheur. Ces substances chimiques assurent la transmission des messages entre les cellules nerveuses. Or, plusieurs neurotransmetteurs – notamment la sérotonine et les endorphines, agissant sur l’humeur – sont sensibles aux œstrogènes, qui stimulent leur production. Une baisse d’œstrogènes influe par conséquent sur eux, d’où l’importance de maintenir l’équilibre hormonal. On peut aider à stimuler la production de nos neurotransmetteurs par nos comportements et nos habitudes de vie. Qui sont donc ces grands influenceurs de notre bonheur? 

 

La dopamine

Hormone de la motivation et du plaisir, la dopamine inspire, motive, énergise et stimule la libido. Selon la Dre Champagne, une baisse de dopamine peut mener à un désintérêt pour le sexe. Rien de mieux pour la réveiller que de recevoir des félicitations pour nos réussites, de se lancer de nouveaux défis, d’écouter une musique plaisante ou de pratiquer une activité sexuelle. 


Les endorphines

On les surnomme les opioïdes du cerveau en raison de leur effet calmant, antidépresseur et analgésique sur le corps. Selon la Dre Champagne, une carence en bêta-endorphine risque de provoquer, entre autres, une grande agitation et de l’insomnie. Le rire, la douleur, le toucher, les pensées positives, l’exercice, le chocolat noir, le yoga, la méditation ou faire l’amour contribuent par exemple à libérer des endorphines. 


La sérotonine

Cette hormone responsable de l’humeur augmente naturellement au printemps et à l’été, jouant donc un rôle dans la dépression saisonnière. Selon la Dre Champagne, la sérotonine contribue également à abaisser l’anxiété et l’agressivité, à rendre plus sociable et à favoriser l’intimité sexuelle. En prime, elle facilite l’action des endorphines et de la progestérone. Les œstrogènes, la mélatonine et les antidépresseurs ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) activent sa production. Autre carburant intéressant: les aliments riches en tryptophane (viande, volaille, poisson, œufs, produits laitiers, fruits secs, etc.), un acide aminé essentiel précurseur de la sérotonine. 


L’ocytocine

À la fois hormone et neurotransmetteur, l’ocytocine favorise l’attachement et le lâcher-prise. Elle augmente la réceptivité sexuelle et favorise le plaisir. La capacité de sécréter l’ocytocine dépend de la présence des œstrogènes et disparaît en leur absence. Les relations sexuelles, l’ostéopathie, l’acupuncture, les massages et le toucher (comme un câlin ou un baiser) la stimulent. À l’inverse, le stress, l’alcool et le tabac compromettent la production des hormones et des neurotransmetteurs. On essaie donc de les éviter ou de les limiter. «L’activité physique aérobique augmente la production des neurotransmetteurs et contribue de façon importante à la diminution du stress ainsi qu’à un meilleur sommeil», note la Dre Bertrand. Les pistes ne manquent donc pas pour se sentir mieux!

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