Le brouhaha d’un resto, une salle de réunion où le bruit de la climatisation s’ajoute à l’écho des discussions, les tête-à-tête sur une terrasse avec en musique de fond le tapage de la rue: autant de situations où il faut avoir l’oreille fine pour ne pas perdre le fil et tout comprendre. Mais ces cacophonies du quotidien peuvent s’avérer très frustrantes pour ceux qui souffrent de presbyacousie.
Sournoise, insidieuse, cette perte d’acuité auditive due au vieillissement ou aux traumatismes subis par certaines composantes de l’oreille a de fâcheuses conséquences qui vont de la contre-performance jusqu’à l’isolement social et la perte d’autonomie chez les personnes plus âgées qui n’entendent presque plus.
Toutefois, même si la presbyacousie est une conséquence normale du vieillissement – environ 30% des personnes âgées auraient une déficience auditive –, elle ne nous affecte pas tous de la même façon ni au même âge. De fait, le niveau de presbyacousie et son évolution dépendent d’une part de l’acuité auditive à la naissance, qui varie d’un individu à l’autre, et, d’autre part, du traitement que nous avons fait subir à notre système auditif. Il n’est pas rare que des quadragénaires souffrent de presbyacousie…
L’oreille
Pour comprendre la presbyacousie, il faut d’abord comprendre le fonctionnement de l’oreille. Vue de l’intérieur, elle a la complexité technique d’une chaîne haute-fidélité. Elle est formée de trois parties: l’oreille externe, avec le pavillon et le conduit auditif, l’oreille moyenne, incluant le tympan et trois osselets, puis l’oreille interne avec la cochlée, le nerf auditif et le labyrinthe, responsable de l’équilibre.
Le son voyage dans les airs sur des ondes qui font vibrer les composantes de l’oreille. La longueur de ces ondes, leur fréquence, varie selon qu’il s’agit de sons aigus ou de sons graves. On calcule la fréquence des sons en hertz (Hz); ainsi, le son grave de la plus basse note d’un orgue est d’environ 20 Hz, mais le son aigu d’un sifflet pour chien est d’environ 20000 Hz. L’oreille humaine capte des sons variant de 20 à 8000 Hz.
Les ondes sonores sont d’abord captées par le pavillon externe qui les fait dévier vers le conduit auditif. Le son va ensuite frapper le tympan, dont les oscillations transmettent les ondes aux trois osselets, lesquels les transmettent à la fenêtre ovale à l’entrée de l’oreille interne. En vibrant, celle-ci fait bouger le liquide contenu dans la cochlée. Ce liquide contient de minuscules cellules nerveuses qui ressemblent à des cils et qui, sous l’effet des vibrations, s’agitent et transmettent les ondes au nerf auditif. C’est aussi dans la cochlée que se fait la répartition des sons selon leur fréquence (graves, moyens et aigus). Ils sont ensuite acheminés par le nerf auditif vers le cerveau où se fait le décodage final. Voilà pour la mécanique!
Diagnostic: presbyacousie
Diagnostic: presbyacousie
Au fil des ans, à force de vibrer, les cils qui baignent dans le liquide cochléaire s’usent et réagissent avec moins d’efficacité aux vibrations sonores, particulièrement aux ondes de haute fréquence, plus difficiles à capter. La perte d’audition dans les hautes fréquences provoque à son tour une distorsion dans les sons de plus basse fréquence. C’est la presbyacousie. Résultat: on entend, mais on perd les fins de phrases, certaines consonnes ou certains sons. Il devient plus difficile de bien distinguer les mots qui contiennent des consonnes de hautes fréquences comme le s, f, sh, ch, h ou un c doux. Ainsi, on parvient difficilement à bien comprendre et à distinguer des mots comme serre, faire, chair et cerf.
«Les pertes sont d’abord très subtiles. La presbyacousie s’installe graduellement et évolue différemment d’une personne à l’autre selon son état, explique le Dr Sylvain St-Pierre, président de l’Association des otorhinolaryngologistes (ORL) du Québec. Ceux qui ont travaillé longtemps dans des milieux très bruyants, qui ont abusé des baladeurs à plein volume, qui ont été souvent exposés à des bruits intenses répétés et à long terme, risquent de souffrir précocement de presbyacousie et leur situation s’aggravera avec l’âge.»
Selon le Dr St-Pierre, plus que les différentes maladies de l’oreille, c’est le bruit qui est la cause principale de l’usure précoce et des problèmes de presbyacousie. «Le bruit est le mal du siècle. Malheureusement, il y a plus de 30 ans, la plupart des travailleurs qui étaient exposés au bruit n’étaient pas protégés adéquatement. En revanche, les jeunes d’aujourd’hui utilisent davantage les casques d’écoute, parfois plusieurs heures par jour.»
Pour comprendre cette usure en accéléré, il suffit de vous rappeler de l’une de ces soirées où vous êtes sorti d’une discothèque particulièrement assourdissante. Pendant quelques minutes ou quelques heures, les bruits vous paraissaient lointains. Cette baisse de l’ouïe est due à une inflammation des cellules qui baignent dans le liquide de la cochlée. De fait, sous l’impact d’ondes sonores de forte intensité ou prolongées, celles-ci vibrent trop intensément, ce qui aboutit à une inflammation qui provoque, à son tour, une fatigue auditive.
Lorsque ce scénario se répète trop souvent, on risque non pas une simple inflammation, mais une destruction des cellules et un vieillissement précoce de l’appareil auditif. D’où l’importance de protéger ses oreilles lorsqu’on manipule des appareils bruyants et de baisser le son des écouteurs du lecteur MP3.
Les spécialistes
Spécialistes à l’écoute
Si vous avez l’impression de perdre votre acuité auditive, il vaut mieux en parler au médecin. Règle générale, il vous orientera vers un ORL. Ce spécialiste commencera par un examen clinique et s’assurera que vos problèmes auditifs ne sont pas reliés à une maladie de l’oreille ou à un bouchon de cérumen, cet épais liquide jaune sécrété par l’oreille, qu’il retirerait, le cas échéant. Il vous orientera ensuite au besoin vers un audiologiste.
Ce spécialiste des troubles de l’audition effectuera un audiogramme. Il s’agit de tests cliniques en cabine audiométrique insonorisée. Un test tonal permet d’évaluer les pertes d’audition et un test vocal évalue la capacité à discriminer les sons de la voix humaine. «Outre ces examens, nous évaluons aussi les pertes fonctionnelles, explique Rachel Dion, audiologiste à l’Institut Raymond-Dewar. Par exemple, entend-il les sonneries du réveil, de la porte? A-t-il de la difficulté à converser au téléphone? Est-il sujet à des acouphènes qui le perturbent? Éprouve-t-il des difficultés au travail?» Aux termes de cette évaluation globale, l’audiologiste recommandera, selon les cas, une aide de suppléance à l’audition ou le recours à une prothèse auditive.
Cette fois, c’est l’audioprothésiste qui entre en scène. En se basant sur une évaluation des besoins du patient, de ses habitudes de vie et sur les résultats de l’audiogramme, il proposera l’appareil auditif le mieux adapté. Choix de l’appareil, prise d’empreinte et mise en place nécessitent en général deux ou trois rendez-vous et une période d’essai d’environ 30 jours aux termes desquels les ajustements nécessaires sont faits.
Aides auditives
Aides auditives
De plus en plus miniaturisées et discrètes, les prothèses numériques, qui ont fait leur apparition en 1996, sont bien plus performantes que les prothèses analogiques que l’on offrait jusque-là. Et nous en sommes déjà à la huitième génération de ces appareils que l’on ne cesse de raffiner. «Les prothèses analogiques agissaient comme de simples amplificateurs et transmettaient un son métallique. L’arrivée du numérique a tout changé, explique Steve Forget, président du Groupe Forget audioprothésistes. Le son reproduit s’approche de celui d’une chaîne haute-fidélité. Ce sont de véritables petits ordinateurs, programmés selon les besoins du patient. Les modèles haut de gamme offrent jusqu’à 30 canaux différents permettant de distinguer avec précision autant de sons différents. Mais même des modèles standards font une distinction entre la voix et les bruits ambiants ou encore offrent une écoute directionnelle priorisant la voix ou les sons devant soi.»
Casques à contour d’oreille avec ou sans embout ouvert, modèles intra-auriculaires (demi ou complet) modèles péritympaniques pratiquement invisibles: les prothèses se font de plus en plus discrètes. Cependant, ce n’est pas la taille ou la forme de la prothèse qui en détermine le prix, mais bien la technologie utilisée. Il est possible d’avoir des appareils ultra-perfectionnés dans un modèle contour d’oreille ou une technologie entrée de gamme dans un modèle à embout ouvert. «Le choix de la forme dépend davantage de la dextérité à manipuler un très petit dispositif, du fait de porter ou non des lunettes, d’une question de confort et de niveau de presbyacousie, etc.», souligne M. Forget.
Mais tout aussi discrètes soient-elles, les prothèses n’ont pas encore la cote. À peine 22% des personnes souffrant de presbyacousie auraient actuellement recours à des aides auditives. Les professionnels interrogés déplorent tous que de nombreux patients boudent toujours les prothèses au détriment de leur qualité de vie. «Les gens hésitent encore à afficher ce qu’ils considèrent comme un handicap ou un signe évident de l’âge, soutient le Dr St-Pierre. Cela dit, les prothèses ne conviennent pas à tous. Sans compter que les couvertures d’assurance sont restrictives et que de nombreux patients n’y ont pas accès. Or, ces appareils sont coûteux.» Il faut compter en effet de 1000$ à 1200$ pour un modèle entrée de gamme, donc 2000$ ou 2400$ pour les deux oreilles. Mais, bonne nouvelle, plusieurs de ces modèles sont couverts par le programme de la Régie de l’assurance maladie (voir Assurances, ci-dessous).
Peut-on se contenter d’une seule prothèse? Oui, mais mieux vaut opter pour deux prothèses pour un son en stéréophonie. «Environ 70% de nos clients portent deux prothèses, pour une meilleure qualité sonore et surtout parce que la stéréophonie est essentielle pour bien repérer la provenance des sons. Cela dit, tout le monde n’a pas forcément besoin d’un modèle haut de gamme, plusieurs appareils d’entrée de gamme peuvent très bien répondre aux besoins de certaines personnes», explique M. Forget.
Assurances
Depuis 2006, le programme de la Régie de l’assurance maladie couvre les appareils numériques. Il faut cependant une baisse de 35 décibels dans certaines fréquences pour bénéficier de cette couverture. La Régie a dressé une liste d’une trentaine d’appareils couverts à 100% par son programme, comprenant des modèles d’entrée de gamme et quelques appareils milieu de gamme parmi les moins chers. Les autres modèles milieu de gamme et les appareils haut de gamme ne sont pas couverts. Par ailleurs, la CSST, le Programme des amputés de guerre et certaines compagnies d’assurances privées offrent un programme de prothèses auditives.
Mise à jour: juin 2009
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