Il est encourageant de voir que les médias portent plus d’attention à la question des changements climatiques et de ses effets sur les systèmes de survie de la planète. Le lien entre le cancer du sein et l’environnement est, toutefois, négligé.
Les femmes en préménopause exposées à de forts niveaux de pollution de l’air ont un risque de cancer du sein de 30 pour cent plus élevé, selon un article de Environmental Epidemiology publié par Paul Villeneuve, professeur en santé professionnelle et environnementale à l’Université Carleton, et son équipe de recherche l’an dernier.
Ceci devrait déclencher une prise de conscience, étant donné que nous tendons à croire que le cancer du sein est une maladie qui frappe les femmes plus âgées.
De fait, la science du cancer du sein nous dit que «la prédisposition génétique ne contribue que légèrement à modérément» au cancer du sein. Les facteurs de risque connus — comme l’historique familial, l’âge, le genre, l’ethnie et les hormones — ne comptent que pour environ seulement trois cas sur 10.
Les 70 autres pour cent sont probablement reliés à l’environnement — incluant l’air, l’eau et le sol, les endroits où nous vivons et travaillons et les produits que nous consommons — selon la recherche actuelle.
Au Canada, le cancer du sein a été diagnostiqué chez plus de 26 300 femmes en 2017 de sorte que ce 70 pour cent représente de nombreuses femmes.
Agents cancérigènes en milieu de travail
Nos environnements de travail font partie de cette histoire.
Un article publié en novembre dernier dans New Solutions Journal identifie les expositions en milieu de travail comme la cause du cancer du sein d’une femme.).
À l’aide des éléments de preuve présentés lors d’une audience sur les accidents de travail, Michael Gilbertson, un ancien biologiste du gouvernement fédéral qui a étudié les effets des produits chimiques toxiques sur la santé, et Jim Brophy, un chercheur en santé professionnelle, ont découvert qu’ils pouvaient identifier une relation causale entre le diagnostic de cancer de cette femme et son exposition élevée à la pollution de l’air — en tant que garde-frontière sur le pont reliant Windsor, en Ontario à Détroit, au Michigan.
Malgré la preuve scientifique soulignant les facteurs environnementaux et le rôle important qu’ils ont probablement joué en causant le cancer du sein, la femme du poste frontalier n’a pas obtenu d’indemnisation.
Elle n’a rien obtenu même si les cancers du sein dans cette région sévissaient à un taux 16 fois plus élevé que dans le reste du pays, et dans un environnement avec des polluants contenant des agents cancérigènes du sein connus comme le benzène et les hydrocarbures polycycliques aromatiques.
Ce n’est pas étonnant, étant donné que l’environnement est régulièrement négligé lorsque nous parlons de cancer du sein.
Une maladie de nos communautés
Quand les chercheurs étudient ce que les femmes savent à propos du cancer du sein, ils constatent qu’elles portent attention aux remèdes, à la détection et aux traitements. Ce qui manque souvent à leur liste, c’est la prévention, et la prévention est souvent confondue avec la détection précoce.
La prévention primaire signifie de stopper le cancer avant qu’il apparaisse — non pas le découvrir et le traiter tôt, quoique cela aussi soit important. Les connaissances des femmes sur le cancer du sein sont considérablement connectées aux médias et aux messages des médecins.
Les prévisions sur l’avenir du cancer nous révèlent qu’un Canadien sur deux recevra probablement un diagnostic de cancer au cours de sa vie. Les projections démontrent un taux croissant de plusieurs cancers, dont le cancer du sein.
Le Dr Ted Schettler, qui a écrit The Ecology of Breast Cancer soutient: «Le cancer du sein n’est pas seulement une maladie des cellules anormales, mais aussi des communautés que nous créons et où nous vivons.»
Si nous suivons son raisonnement, cela signifie que nous pouvons créer des conditions pour réduire à l’avenir les cancers du sein. La question devient alors comment?
On ne peut blâmer les femmes
Pour commencer, nous devons rendre la prévention au moins aussi prioritaire que la détection précoce, les meilleurs traitements et la recherche de remèdes. Nous devons aussi bien envisager toutes les causes présumées.
Les conversations sur la prévention suscitent souvent des débats pour identifier les responsables des taux de cancer du sein actuels. Mais une population vieillissante de femmes qui fait de mauvais choix de style de vie n’explique pas les hausses de cancer du sein chez un nombre de femmes grandissant et plus jeunes.
Cela n’explique pas pourquoi les femmes qui immigrent de pays où le taux de cancer du sein est peu élevé atteignent les mêmes taux dans les 10 années suivant leur arrivée dans leur nouveau foyer. Cela n’explique pas non plus les concentrations de cancers du sein dans les régions ayant des taux élevés de pollution de l’air contenant des agents cancérigènes du sein reconnus.
Nous devons être convaincus de ce que la science nous enseigne déjà concernant le rôle des dangers professionnels et environnementaux dans les causes du cancer du sein.
En effet, des éléments de preuve indiquent qu’il y a des rapports entre de nombreux polluants environnementaux et un risque accru du cancer du sein — incluant les pesticides, herbicides, produits chimiques de synthèse, produits chimiques perturbateurs endocriniens et émissions de véhicules. Le fait de vivre et travailler en étant exposé à ces polluants, particulièrement durant les périodes vulnérables du développement, place les femmes dans une situation à haut risque.
Certains emplois, notamment la radiologie, la pharmacie, les soins de santé, la coiffure, le travail des matières plastiques, l’industrie manufacturière, l’agriculture, ainsi que le travail du personnel navigant de transport aérien et de lutte contre les incendies comportent aussi un risque plus élevé. Ces secteurs professionnels emploient des milliers de milliers de femmes à travers le monde.
Il nous faut une plus grande sensibilisation et des programmes étendus pour se concentrer sur ces causes environnementales et professionnelles. Et il nous faut créer et appliquer des politiques et règlements qui préviennent de telles expositions aux polluants.
Le lien des changements climatiques
Les femmes dans l’étude de Paul Villeneuve ne sont pas différentes de la garde-frontière. Leurs cas sont tous reliés à des niveaux élevés de pollution de l’air. Leurs histoires sont celles d’innombrables autres femmes qui ont été exposées au Canada à des agents cancérigènes du sein dans plusieurs environnements urbains et milieux de travail ayant des niveaux élevés de pollution industrielle et automobile.
Nous avons aussi des éléments prouvant que ces expositions augmentent avec les changements climatiques. Ce lien est complexe, comme c’est si souvent le cas à propos du cancer en général. La pollution de l’air est l’une des nombreuses causes des changements climatiques de même que du cancer du sein.
On croit également que l’accroissement des températures de l’air ambiant peut changer les effets des contaminants chimiques sur les humains et que l’accroissement des précipitations et des inondations va déplacer des contaminants vers des endroits où ils peuvent être davantage exposés aux humains.
Finalement, alors que la fréquence des incendies augmente avec les changements climatiques, les expositions aux produits chimiques associés au développement du cancer du sein qu’on retrouve souvent dans les incendies augmentent aussi. Des études examinent présentement une augmentation possible des cas de cancer du sein chez les pompières. Elles sont nettement un groupe hautement exposé et pourraient être un exemple de femmes courant un risque élevé de développer un cancer du sein.
Faire de la prévention une priorité
En ce moment important de l’histoire, alors que nous débattons de l’état déplorable de l’environnement et des répercussions néfastes qui y sont associées, nous avons l’occasion de faire une priorité de la prévention de plusieurs maladies, dont le cancer du sein.
Plusieurs reportages traitent des nombreux problèmes de santé reliés aux changements climatiques, incluant d’autres cancers, les maladies cardiovasculaires, les problèmes de fertilité, l’asthme, les issues indésirables de grossesse, les infirmités, le diabète et les AVC. Et pourtant, malgré les preuves croissantes d’un rapport entre le cancer du sein et des expositions environnementales, les médias ne couvrent pas cet aspect du dossier.
Nous devons maintenant travailler à créer un avenir où nous n’aurons pas à mettre en péril notre santé en raison d’expositions non réglementées à des agents cancérigènes du sein connus et présumés. Nous devons plutôt mettre en œuvre le principe de précaution — dans nos communautés, nos milieux de travail et à l’échelle planétaire.
Cet article a été publié par La Conversation.
La version originale de cet article a été publiée en anglais.
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