Être marié est-il vraiment lié à un risque accru de démence?

Être marié est-il vraiment lié à un risque accru de démence?

Par Avinash Chandra, Queen Mary University of London

Crédit photo: iStock

Me croiriez-vous si je vous disais que rester célibataire ou mettre fin à votre mariage pourrait réduire les risques de développer une démence? C’est ce que suggère une vaste étude publiée par des chercheurs de l’Université d’État de Floride au printemps 2025. Selon ses conclusions, les personnes célibataires sont moins susceptibles de souffrir de démence.

Un résultat surprenant quand on sait qu’une étude américaine de 2019 affirmait le contraire. À l’époque, on rapportait que les personnes non mariées avaient «des risques significativement plus élevés de développer une démence au cours de la période d’étude que leurs homologues mariés».

D’ailleurs, il est généralement admis que les personnes mariées jouissent d’une meilleure santé. Des études ont montré qu’elles présentent un risque réduit de maladie cardiaque et d’accident vasculaire cérébral et qu’elles ont tendance à vivre plus longtemps.

Alors, comment expliquer ce revirement? Regardons cela de plus près.

Les chercheurs ont analysé les données de plus de 24 000 Américains sans démence au début de l’étude. Les participants ont été suivis pendant une période allant jusqu’à 18 ans. L’équipe a surtout comparé les taux de démence selon le statut conjugal : mariés, divorcés, veufs et célibataires.

Au départ, il semblait que les trois groupes de personnes non mariées présentaient un risque réduit de démence par rapport aux personnes mariées. Mais après avoir pris en compte d’autres facteurs qui pourraient influencer les résultats, comme le tabagisme et la dépression, seules les personnes divorcées et jamais mariées affichaient un risque plus faible de démence.

Des nuances selon le type de démence

L’étude a aussi révélé des différences selon le type de démence. Par exemple, être célibataire était systématiquement associé à un risque plus faible de maladie d’Alzheimer, la forme la plus courante de démence. En revanche, cette association n’a pas été observée pour la démence vasculaire — une forme plus rare de la maladie.

Les chercheurs ont également constaté que les personnes divorcées ou jamais mariées étaient moins susceptibles de passer d’une déficience cognitive légère à la démence. De plus, celles devenues veuves au cours de l’étude présentaient un risque plus faible de démence.

Des explications possibles

L’une des hypothèses avancées est que les personnes mariées sont peut-être diagnostiquées plus tôt, leur conjoint étant en mesure de détecter rapidement les signes de troubles de mémoire et de les inciter à consulter. Cela pourrait donner l’impression que la démence est plus fréquente chez les personnes mariées, même si ce n’est pas le cas.

C’est ce qu’on appelle le biais de constatation — lorsque les données sont faussées en raison de la personne qui est diagnostiquée ou remarquée plus facilement.

Cela dit, cette explication reste à prendre avec prudence, puisque tous les participants ont bénéficié d’une évaluation médicale annuelle, ce qui aurait permis de détecter les premiers signes de démence de façon systématique.

Par ailleurs, il est possible que l’échantillon utilisé — issu de l’étude du National Alzheimer’s Coordinating Center (NACC), aux États-Unis — ne soit pas représentatif de la population générale. L’échantillon a montré de faibles niveaux de diversité ethnique et de revenus, et près de 64 % des participants étaient mariés, ce qui pourrait limiter la portée des conclusions.

Un portrait plus nuancé des relations

Il est plus probable que ces résultats viennent rappeler à quel point les effets des ruptures, des transitions et des choix conjugaux sur la santé du cerveau sont complexes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mariage n’est pas un facteur de protection garanti contre la démence. D’ailleurs, une méta-analyse précédente avait déjà montré des résultats mitigés à ce sujet.

La nouvelle étude, l’une des plus vastes jamais réalisées sur le sujet, apporte un éclairage précieux. Elle remet en question certaines idées reçues : par exemple, que le veuvage et le divorce seraient des événements si stressants qu’ils augmenteraient systématiquement le risque d’Alzheimer ou que les célibataires, isolées socialement, seraient plus à risque de démence.

La réalité est plus nuancée, soulignent ainsi les chercheurs. La qualité des relations, le sentiment de soutien et de connexion, le niveau de satisfaction personnelle, les normes culturelles et le mode de vie sociale comptent sans doute davantage que le statut matrimonial en soi.

En sommes, ce n’est peut-être pas votre situation conjugale qui influence votre risque de démence, mais plutôt la qualité des liens et le bien-être émotionnel qui en découlent.The Conversation

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. 

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