Un sein en moins! Et après…

Un sein en moins! Et après…

Par Betty Achard

Octobre est le Mois de la sensibilisation à ce mal qui répand la terreur, le cancer du sein. Et c’est précisément le lundi 24 octobre 2011 que Dany a reçu un uppercut en plein coeur: sur sa propre insistance, elle en convient, le radiologue lui a simplement déclaré que «l’espérance de vie était bonne», précisant que la masse visible sur son sein ne faisait que deux centimètres, sans ganglions à l’aisselle, ce qui était plutôt bon signe. «Ça m’a fait l’effet d’une douche glacée», se souvient-elle. Elle qui ne voulait pas se laisser démonter par une simple fossette apparue au printemps… Mais ce n’était là que le début des longues tribulations qui allaient la marquer à vie. Elle avait alors 52 ans et vivait à 100 milles à l’heure. 

Coïncidence – Dany appelle ce genre de situations «des hasards nécessaires» –, le soir même, elle tombe sur une entrevue télévisée. Denis Lévesque, qu’elle n’écoutait pratiquement jamais, recevait le médecin oncologue Christian Boukaram, auteur du Pouvoir anticancer des émotions. Elle se procure sans tarder ce précieux ouvrage et, dès le 25 octobre, elle comprend clairement qu’elle a sa part de responsabilité dans l’apparition et la progression de sa maladie. «Pendant 13 ans, j’avais pris des hormones tout en étant persuadée que ce n’était pas la bonne chose à faire.» Dany refusait d’entendre la voix de son intuition profonde, préoccupée qu’elle était alors par l’apparition de nouvelles rides et désireuse de repousser le plus possible les effets du vieillissement. Mais ce qu’elle apprend également, ce soir-là, et qu’elle va bien garder en tête, c’est qu’elle a tout aussi bien «un pouvoir sur [sa] guérison». 

Le verdict: une mastectomie

Fini le temps «des mensonges, des faux-fuyants, des faire semblant». Dany Tremblay doit faire face à une réalité brutale: on va lui annoncer officiellement qu’elle a un cancer et, ce qu’elle ne sait pas encore, c’est qu’il est à un stade avancé. Le 23 novembre, le verdict tombe: il faut qu’on enlève le sein, qu’on procède donc à une mastectomie, car il y a risque de propagation des cellules cancéreuses. À partir du prononcé de ce terrible diagnostic, il y aura pour Dany, l’Avant, le Pendant et l’Après cancer. 

Malgré des lectures apaisantes telles que Dialogue avec les cellules, partie 2, et Revivre de Guy Corneau, ou encore les conseils avisés du Dr Boukaram, elle sait très bien que, comme l’aurait dit son père, «elle aura encore des croûtes à manger». Dès lors, elle change totalement sa façon de voir la vie. «Je veux devenir vieille. Je ne suis pas prête à mourir.» Dany connaissait la mort pour l’avoir côtoyée de près: Mabel, sa petite soeur, avait perdu la vie à l’aube de ses 20 ans, un mois avant son mariage. Des amis aussi étaient partis. On sait bien qu’on est juste de passage, mais entre le savoir et le vivre, il y a un abîme dans lequel Dany ne veut pas être engouffrée. 

Dany Tremblay me confie combien le regard des autres lui a pesé à la suite de la violente mais nécessaire intervention chirurgicale. «J’étais regardée comme une pestiférée, comme si j’avais eu le mot “mort” étampé sur le front. J’ai alors pensé à tous ceux qu’on avait contraints à porter la terrible étoile jaune à une certaine époque.» De plus, pleins de bonne volonté pourtant, les gens racontent des histoires sordides, ou bien ils restent cois, ne sachant que dire. 

L’écriture: une forme de thérapie

C’est justement pour ces raisons que Dany a décidé de publier ce témoignage, franc, direct, sans fioritures, tout au long duquel on la suit depuis les débuts de sa maladie jusqu’au déroulement détaillé de son processus de guérison. «J’ai éprouvé le besoin de désensibiliser le public au mot et au fait.» Elle ne cache pas que rien n’a été simple. «Pendant un temps, je me suis même demandé si j’avais bien fait d’accepter cette opération.» Après tout, elle qui pensait mourir à 40 ans, compte tenu du rythme infernal qui était le sien, en avait maintenant 52… donc pourquoi ne pas continuer? Et puis, il y avait Martial, l’homme de sa vie, toujours présent et aimant dans les bons comme dans les mauvais moments. Dany avait choisi «le parti de vivre», et elle continuerait de mener sa lutte. Ce qu’elle fait encore d’ailleurs, puisque, après l’opération, les traitements de chimio et de radio, elle doit poursuivre une prise de médicaments, et ce, pour les trois ans à venir.

«Au début, me raconte-t-elle, l’écriture constituait pour moi une sorte de thérapie», ajoutant qu’elle était également consciente d’avoir à libérer un peu Martial, son plus proche témoin et son meilleur psychologue, car «lorsqu’on est habité par la maladie, et même après, il est difficile de parler d’autre chose». Il y avait aussi Caroline, l’amie de toujours, la grande oreille, celle que Dany ne remerciera jamais assez.

Et comment ne pas parler de ses médecins traitants, en particulier de l’extraordinaire Dr Hudon, au comportement comparable à celui des médecins de campagne d’autrefois, «toujours exact, empathique, à l’écoute»? Ne vous attendez pas à ce que Dany Tremblay critique le personnel médical et hospitalier en général: tous sont pour elle des héros. Non seulement des gens compétents et professionnels, mais aussi et surtout des gens de coeur. Elle n’hésite pas à déclarer: «Quand on a le cancer, le système est fabuleux.» Une de ses remarques me touche particulièrement: «N’oubliez pas que le sein est près du coeur.»

Carpe diem et plaisir

Tous les quatre mois, Dany Tremblay passe sa mammographie sans appréhension: «Je ne veux pas me laisser envahir par la peur.» Bien sûr, il faut s’aider soi-même: «Qu’il fasse – 30 ou + 30, je sors et je respire!» Son épreuve lui a permis de constater qu’auparavant elle ne respirait qu’à moitié. Elle laisse maintenant l’air de Chicoutimi lui emplir les poumons. S’ajoutent à cette routine quotidienne la méditation et, peut-être au-dessus de tout, le Carpe diem: savoir vivre intensément le moment présent. C’est donc le «ici et maintenant » qui prévaut? «Absolument!» La réponse est catégorique. 

Mais le choix de la non-reconstruction mammaire est-il lui aussi définitif? «Sans aucun doute. Je trouve que mon corps a eu assez de tracasseries. Avant, je m’attardais surtout à mes défauts. Aujourd’hui, je trouve que j’ai de beaux yeux (qui ont changé de couleur), que j’ai un beau sourire. J’ai durant trop longtemps manqué d’indulgence envers moi-même. Maintenant, je fais ce que j’aime. J’ai du plaisir à écrire (un roman est en chantier), mais aussi à cuisiner, à faire du vin, à fumer mon saumon… Tous ces plaisirs de la vie, on peut les goûter avec un seul sein, et je me sens très féminine.»

Martial est d’accord avec toutes les décisions de Dany. Cela s’appelle l’amour, ce qui n’empêche pas l’humour, lui qui avait suggéré à sa conjointe d’intituler son livre 36 B mono! «Je n’ai pas souhaité avoir le cancer. Je ne le souhaite à personne. Mais le cancer m’a rappelé qui je suis, ce que je vaux, et je vaux de l’or, croyez-moi! Aucune chance que j’oublie.» Nous non plus, Chère Dany.

 

Dany Tremblay, Un sein en moins! Et après…, Les éditions JCL inc. 

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