Je veux changer ma vie

Je veux changer ma vie

Par Caroline Fortin

Crédit photo: Yannes Kiefer via Unsplash

Quand l’envie d’un changement nous prend, faut-il l’écouter? Petit guide pour transformer notre existence avec succès. 

Le sentiment de n’avoir rien accompli. Un environnement de travail qui ne nous valorise plus. La routine qui enlise. Une vie de couple monotone. Un deuil qui force de nouvelles perspectives. Un déménagement lointain. Une orientation sexuelle trop longtemps reléguée au placard. Les raisons ne manquent pas pour désirer changer sa vie. Parfois, c’est la vie elle-même qui dicte le changement.

«Sur le plan du ressenti émotionnel, il y a une grande différence entre un changement imposé et un qu’on choisit pour donner plus de sens à sa vie», souligne d’entrée de jeu Marie Bérubé, M. Sc., retraitée de l’enseignement en psychologie du développement et coauteure d’Oser changer – Mettre le cap sur ses rêves. «Mais au bout du compte, les étapes qu’on traverse finissent par se ressembler. D’abord, le deuil de laisser ce qu’on connaît pour aller vers la nouveauté. Ensuite, on se retrouve entre deux chaises: on a mis un pied en avant, mais il y a encore de l’inconnu. Et cette dernière est franchie quand on est de nouveau à l’aise dans notre réalité.»

Si toute transformation génère de l’angoisse et exige une bonne dose de volonté, elle s’avère gratifiante lorsqu’on s’y attelle avec les bons outils. 

Les signes annonciateurs

Comment savoir si on est mûr pour un changement? «Quand on éprouve un sentiment de prise de conscience ou un inconfort marqué, qu’on commence à se demander si on veut vivre les 10 prochaines années comme on a vécu les 10 dernières. Quand on commence aussi à réfléchir au temps qui reste, aux projets qu’on n’aura pas le temps de réaliser. Ou encore à la suite d’une étape majeure de la vie: les enfants qui quittent le nid, la perte d’un parent ou d’un conjoint, la retraite…» répond la Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. 

Parfois, c’est seulement un aspect de sa vie qu’on veut changer. Par exemple, quand on réalise qu’on manque d’équilibre, qu’on a mis de côté des loisirs, des amis, des passions pour des questions familiales ou professionnelles. «Ou alors, on est en fin de carrière, on ne se sent plus utile et ça nous mine», illustre Magali Legault, qui se définit comme un catalyseur de changement et dont la petite entreprise Magali & Co accompagne les entreprises et leurs équipes. «Si on prend l’analogie d’une maison, on n’a pas toujours besoin de tout démolir pour se sentir mieux. Changer de plancher peut suffire. On pourrait donc, par exemple, revoir d’abord son rapport à son travail. Lorsqu’on sent que certaines compétences ne sont pas mises à profit ou qu’on voudrait agir comme mentor auprès des jeunes employés, le statu quo risque de se maintenir si on n’en parle jamais à son supérieur.» 

Les questions à se poser

Avant de plonger dans autre chose, il faut d’abord plonger en soi. «C’est essentiel de se prêter à l’exercice de l’introspection, de déterminer nos priorités, nos objectifs, ce qui nous fait du bien, ce qui nous rend heureux, ce qui nous irrite, ce de quoi on veut se débarrasser, se soulager, de quoi on est le moins et le plus fier, ce qu’on ne veut pas rater, ce qu’on veut réparer», énumère la Dre Grou. On met tout ça par écrit pour ne pas perdre de vue ce portrait intime.

Pour qui et pourquoi je veux changer? «Est-ce les autres qui décident de l’orientation de ma vie? C’est important de s’y arrêter, parce qu’on devrait se faire passer en premier dans ce genre de démarche, souligne Marie Bérubé. Est-ce que je veux changer pour fuir une situation ou pour aller vers plus de sens, de réalisation?» 

Ai-je ce qu’il faut? On pourrait croire que non, mais… «On peut penser à toutes les fois dans notre vie où on a traversé des changements et ainsi réaliser qu’on a déjà des ressources. Il suffit ensuite de les orienter vers une destination significative», ajoute-t-elle. Exemple classique: un déménagement. Même s’il s’agit d’un des événements les plus stressants dans la vie, on finit toujours par passer au travers!

Comment se préparer?

«Changer un aspect de sa vie demande beaucoup d’audace et de volonté, car le naturel revient vite au galop, rappelle Magali Legault. D’où l’importance d’avoir un plan de match, et ce, même si le changement nous est imposé.»

Ce plan, il se constitue d’objectifs à atteindre. «Je dis souvent à mes clients qu’on ne grimpe pas l’Everest d’un coup, illustre la Dre Grou. On y va par étapes. Et en chemin, on revient même sur nos pas, pour mieux s’acclimater à la prochaine portion de la montagne. Il faut se donner des objectifs réalistes et du temps pour les atteindre.» 

Certains projets, par exemple se lancer en affaires ou s’expatrier, nécessitent une préparation financière. On intègre alors un budget et des objectifs d’épargne à son plan. Mais il n’y a pas que les sous. «Changer, ça demande beaucoup d’énergie, et l’inconnu, c’est paniquant. Il importe de prévoir cet élément, de s’octroyer du temps pour se poser, se recentrer», ajoute Magali Legault.

Les deux plus grands ennemis du changement? L’impulsivité et la rigidité! Et la pire erreur? «Agir sur un coup de tête, en réaction à une situation, ou trop vite après un changement important, par exemple une mise au rancart professionnelle, dit la Dre Grou. Il est impératif de prendre un temps d’arrêt pour réfléchir afin de s’assurer d’être heureux dans la direction qu’on va prendre.» Marie Bérubé donne l’exemple d’une connaissance de 75 ans qui a retrouvé un amour d’enfance sur Internet, puis qui a tout quitté brusquement pour le suivre en Europe. «Au bout de quelques mois, elle s’est rendu compte que le quotidien ne se déroulait pas comme elle l’avait idéalisé, sans compter que son départ précipité avait suscité la colère de son fils et de son mari...» Difficile alors de faire marche arrière.

L’autre donnée à ne jamais oublier, c’est qu’un changement ne se produit pas toujours de la manière escomptée. «Changer reste fondamentalement difficile, même quand on l’a voulu. Et ça ne se passe pas toujours comme prévu», souligne Magali Legault. Voilà pourquoi la rigidité nuit grandement. «On doit plutôt accueillir les imprévus, les occasions, et se montrer flexible. Mon but, je peux y arriver par un autre chemin que celui imaginé», fait valoir Marie Bérubé. 

Se préparer et préparer les autres

Doit-on en parler autour de nous quand on entame un changement de vie? «Oui et non, nuance Marie Bérubé. Il faut éviter d’en toucher mot trop vite à notre entourage, parce que certains se feront un plaisir de nous décourager, ou nous aiment tellement qu’ils voudront nous protéger, ou encore viendront aux nouvelles trop souvent, et ça nous agacera. Ceux à qui il importe de se confier, ce sont les gens sur lesquels le changement aura un impact. Si on veut préserver la relation, on doit les aviser et avoir de vraies discussions avec eux. Mon conseil: attendre que les choses soient en marche pour l’annoncer à tout le monde.»

Serge Tremblay, lui, a longuement cheminé avant d’embrasser son homosexualité. Il a fallu un divorce et 10 ans de célibat avant qu’il se découvre et qu’il ait une première aventure avec un homme. Mais pas encore question pour lui de sortir du placard. «Les contraintes sociales, à l’époque…» laisse tomber le semi-retraité de 71 ans. C’est son propre fils, Frédéric, qui agit «comme une bougie d’allumage» en lui révélant qu’il était lui-même gai à l’âge de 18 ans. Alors, à l’aube de ses 50 ans, Serge ose enfin s’assumer. «Ç’a été une libération, qui a rejailli dans toutes les sphères de ma vie.»

Depuis 20 ans, il file le parfait bonheur avec… un autre Serge. «Je ne suis pas aussi fort que lui, raconte Serge Girard, 63 ans. Dans ma quarantaine, j’ai vécu une crise existentielle: ma conjointe m’a suggéré d’aller en psychothérapie, et je l’ai écoutée. Ça m’a pris trois ou quatre ans avant de m’accepter. Elle n’a pas été surprise quand je lui ai annoncé mon homosexualité, elle s’en était toujours douté.» Dans leur famille respective, ce ne sont pas leurs garçons ni leurs conjointes qui ont éprouvé le plus grand choc, mais leurs filles. «En apprenant qu’on préférait les hommes, nos filles ont cru qu’on les aimait moins», confie Serge Girard. Une impasse qu’ils ont tous deux dénouée par de franches discussions. 

Cela dit, comment gérer ses proches? «Il faut s’attendre à des réactions, mais l’important est de ne pas rompre la communication, prévient la Dre Grou. Oui, on peut affliger certaines personnes, mais il vaut peut-être mieux une grosse peine aujourd’hui qu’une vie émaillée de chagrins quotidiens. La meilleure façon de faciliter la transition, c’est de préparer son entourage en lui expliquant clairement nos objectifs, en étant ouvert à ses réactions. Si on ne dialogue pas, on laisse des perceptions s’installer et se cristalliser.» 

Pour s’aider

Tenir un journal de bord. Magali Legault conseille toujours à ses clients d’avoir un carnet de réflexion où consigner leur plan et leurs objectifs. «Ça donne du recul et permet de documenter notre progression. Chaque fois qu’on atteint un      objectif, on peut se récompenser, ne serait-ce qu’en se donnant une tape dans le dos.» 

Trouver un modèle. Lorsque notre projet s’y prête, on peut solliciter une rencontre avec une personne, qu’on connaît ou pas, qui est passée par le chemin qu’on s’apprête à emprunter. «Voilà une excellente façon d’apprendre de l’expérience d’autrui», ajoute Marie Bérubé.

Consulter. Il peut s’agir d’une connaissance de confiance à qui on va relater notre projet. «Ça nous force à l’articuler. En en parlant à voix haute, on se rend parfois compte de ses failles», souligne Magali Legault. Il peut aussi s’agir d’une consultation en bonne et due forme avec un professionnel, comme un psy. «Pas nécessairement sur une longue durée, mais pour se faire accompagner dans une réflexion qu’on ne veut pas faire seule, avec quelqu’un de neutre, qui n’a aucun intérêt dans notre projet et qui n’en assumera pas les conséquences. Ça nous aide à nous poser les bonnes questions et à assumer ce qu’on est», ajoute la Dre Grou.

Connais-toi toi-même, professait Platon, à raison. «La meilleure manière de traverser les étapes de sa vie sans regret, c’est de ne pas se mentir à soi-même, conclut la psychologue. C’est de faire cette réflexion existentielle et non pas se servir du changement comme d’une fuite ou d’un exutoire. Il faut comprendre la source de son mal-être, car s’il est en nous, on le traînera où qu’on aille.» 

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