Je l’ai rencontré sur Internet

Je l’ai rencontré sur Internet

Par Josée Larivée

Crédit photo: iStockphoto.com

Au Québec, près d’un million de 50 ans et plus sont célibataires. Cela représente 3 hommes sur 10; chez les femmes, c’est presque 5 sur 10! Pas étonnant qu’elles soient tentées par certains sites de rencontre. L’amour est-il au rendez-vous?



L’histoire d’Évelyne et Jacques

À 55 ans, lorsque Évelyne s’est enfin décidée à surfer sur le Web pour trouver l’amour, elle a découvert qu’elle devait d’abord s’attribuer un pseudonyme. «J’ai choisi Liberté 55. Je me pensais très originale, avant de m’apercevoir qu’il y en avait des dizaines qui avaient ce surnom-là! Prise au dépourvu, j’ai écrit le nom d’une ancienne perruche!»

Évelyne avait peu d’affinités avec les prétendants du site qu’elle fréquentait. Elle a donc changé de site – et de pseudo! Puis une amie lui a fait comprendre qu’elle n’allait pas trouver un plus grand nombre de princes sur le Net que dans la vraie vie. «Mais ceux qui cherchent sont là, alors qu’on ne les voit plus dans l’allée des fruits et légumes de mon supermarché», lance Évelyne.

Cette spécialiste du marketing, toujours en poste, a alors accepté de jouer le jeu, et de s’adonner à l’exercice du tri obligé. «J’étais très difficile. Une fois retranchés ceux qui ne me disaient rien en photo ou en mots, il ne restait… presque plus personne! En fait, j’allais crier au désespoir lorsque Jacques m’a écrit.»

Jacques sourit en écoutant le récit de «son» Évelyne, et avoue avoir une expérience similaire. «J’ai rencontré une dizaine de femmes en un an, avoue ce très bel homme, adepte de voile. Statistiquement, c’est plus que ce que j’aurais rencontré par mes contacts. En résumé, mes correspondantes ne ressemblaient presque jamais à leurs photos. Et je ne parle pas du grand mal qui sévit sur le Net: les gens déstabilisés, qui traînent de vieux bobos, un divorce non réglé, un ex-conjoint violent, une famille en chicane, des problèmes financiers…» Malgré ce tableau plutôt négatif, une idée fixe a pourtant retenu Jacques sur le Web pendant plus d’une année, et Évelyne pendant huit mois. «Si moi, je m’y trouvais, explique Jacques, eh bien, d’autres personnes qui me ressemblent pouvaient aussi s’y trouver. Quand Évelyne a répondu à mon message, j’ai aussitôt senti qu’il se passait quelque chose.»

Le couple a correspondu pendant une semaine, puis Jacques a proposé un café. «Je lui ai répondu que je ne prenais du café que le matin, relate Évelyne en riant. Il m’a alors écrit qu’un jour, si nous avions de la chance, il aimerait vraiment prendre un café avec moi! En attendant, il m’offrait donc un verre…»

«Le Web nous a servi de mise en contact, mais c’est tout, insiste Jacques. Le reste, ça doit absolument se dérouler comme dans la vraie vie. On a fait les choses par étapes. On a respecté le temps, on a écouté nos attentes respectives et on a appris à se connaître. Ce n’est ni un coup de foudre, ni une relation platonique. On est tombés amoureux au ralenti, en réalisant chaque jour qu’on avait envie de se revoir le lendemain. Et c’est comme ça qu’on poursuit, quatre ans plus tard. Le Web, ça ne fait que forcer le destin. Le reste, c’est dans la vraie vie que ça se passe.»

L’histoire de Lise et Jean-Luc


L’histoire de Lise et Jean-Luc

Lise évoque en riant le nombre de fiches qu’elle a éliminées, du temps où elle cherchait son homme sur le Net, allergique qu’elle était à ceux qui prétendaient avoir tout réglé de leur passé et exigeaient la même chose de l’autre. «Comme si c’était un gage de réussite», s’exclame-t-elle. C’est ainsi que, pendant toute une année, Lise a vivoté sur Internet, tantôt gonflée d’espoir, mais plus souvent découragée. Elle avait d’ailleurs écrit, dans sa fiche, que les hommes au passé réglé ne l’impressionnaient pas.

Puis, un bon matin, est venu le fameux message de Jean-Luc. «Il m’a écrit pour me dire qu’il n’avait pas tout réglé de son passé, notamment un reste d’hypothèque, et quelques apprentissages qui lui servaient encore, à 56 ans. J’ai adoré! À mes yeux, après 50 ans, on arrive forcément avec un passé: dans le cas de Jean-Luc, c’était avec une jeune famille! Est-ce qu’on peut “régler” ça, une famille?»

Leur relation, qui a maintenant huit ans, a commencé sur les bases de l’humour, une forme d’esprit bien ancrée entre eux. Jean-Luc avoue que rien n’a pourtant été facile. «Quand j’ai connu Lise, j’avais un enfant de 9 ans à ma charge, à temps plein, une ado et un jeune adulte que j’aidais encore financièrement. Idéalement, je cherchais une femme qui était dans ma situation. Lise n’a jamais eu d’enfant. Cela me faisait très peur. Avec du recul, j’avoue que j’étais dans le champ! Une famille, c’est déjà difficile à gérer; vouloir en arrimer deux sous un même toit, c’est presque mission impossible!»

Lise n’hésite pas à avouer que cette relation lui a demandé beaucoup de souplesse, et une certaine dose d’abnégation. «Avec une famille, on cesse d’être au centre de son propre univers. Mais quand ce ne sont pas nos enfants, disons que ce fameux “don de soi” ne vient pas tout seul! Mais il a toujours été clair pour moi que Jean-Luc était important, et je voulais qu’il soit au centre de ma vie. Or, Jean-Luc était offert “en paquet de quatre”. M’entêter à nier cette réalité m’aurait menée à l’échec. Moi, je voulais une réussite, et j’ai tout fait pour ça. Finalement, c’est un gain immense. Après huit ans, j’ai gagné non seulement le cœur d’un homme, mais aussi celui de ses enfants. Si je pouvais livrer un message, ce serait le suivant: en amour, il faut cesser de calculer; ce qu’on donne, on le gagne pour toujours. Ce n’est pas de moi, mais c’est vrai!»

L’histoire de Marie-Paule et Benoît


L’histoire de Marie-Paule et Benoît

À 67 ans, Marie-Paule a vu sa vie changer du tout au tout. «Avec Jean, j’ai commencé à faire de la moto! J’aurais rencontré ça où, moi, un homme qui fait de la moto? On s’est inscrits ensemble à un club de lecture. Il m’a offert les services d’un moniteur de ski en cadeau de Noël. On joue au golf à Myrtle Beach. On a suivi des cours de peinture – j’ai découvert que j’étais pourrie, mais on a vraiment eu du fun. Bref, j’ai rajeuni.»

Marie-Paule relate combien l’écriture leur a été bénéfique. «C’est fou tout ce qu’on peut partager autrement qu’avec le regard ou le toucher! Dans nos sociétés modernes, on a perdu le pouvoir de séduire par l’écriture; mais le Web, à sa façon, le fait renaître. À un certain moment, mon cœur battait quand j’entendais la clochette de mon courriel, et je courais voir si c’était lui! Mes copines me traitaient de folle mais j’étais “partie”. Ce qui m’amène à dire de faire attention au Web. C’est un outil efficace mais aussi très puissant.»

Cela fait deux ans que Marie-Paule a rencontré Benoît. Avec pudeur, elle avoue qu’ils ont maintenu leur correspondance pendant un mois, avant de se rencontrer. «J’avais peur pour ma sécurité», avoue Marie-Paule. La première fois qu’elle a eu rendez-vous avec Benoît, Marie-Paule a fait surveiller leur rencontre par deux amis. «J’étais nerveuse et je levais souvent les yeux vers eux. Benoît s’en est aperçu, et j’ai dû tout avouer. Mais ça n’a pas été la catastrophe. Il m’a pris la main et m’a dit qu’il comprenait. Puis il m’a demandé s’il pouvait inviter mes amis à notre table. On a fini l’après-midi ensemble, tous les quatre, et ç’a été fantastique.»

Mais l’histoire de Marie-Paule n’est pas que lisse. La dame a dû faire face aux préjugés. «Certaines de mes amies ont mal accepté de me voir changer, notamment quand j’ai enfourché une moto. Aussi, je me suis sentie plus jeune et, doucement, j’ai perdu du poids et j’ai modifié mon look. En soi, ce n’est pas mal, mais j’ai pourtant fait face à beaucoup de résistance. Et c’est là que les préjugés reliés au Web se sont fait entendre… “Dans le fond, le connais- tu vraiment cet homme-là?” me demandait-on sur un ton réprobateur au début de ma relation. Si j’avais rencontré Benoît par l’entremise d’amis, la réaction aurait été différente, croit la belle amoureuse. Aujourd’hui, une partie de nos vies est virtuelle, il est donc normal que certaines rencontres le soient aussi. L’important, c’est de passer du virtuel au réel de façon prudente, mais assumée.

Attention aux escrocs


Attention aux escrocs

Johanne est catégorique: jamais elle n’aurait cru en arriver «là». Elle a fait la connaissance de Bernard sur un site de rencontre. Tout s’est passé en un clic, c’est le cas de le dire. Une semaine après leur premier contact, ils se rencontraient. «C’était juste avant Noël, et la magie des fêtes nous a vite poussés dans les bras l’un de l’autre. En même temps, quand on a 50 ans et qu’on est frappée par le coup de foudre, pourquoi le refuser? J’ai foncé.» Le couple s’est marié l’année suivante. Bernard, originaire du Brésil, travaillait à son compte. Il voyageait presque toutes les semaines, et restait absent pendant de longues périodes. Pour Johanne, longtemps célibataire, c’était un équilibre parfait.

Après trois ans de mariage, le couple est en vacances dans les Alpes, et Bernard est victime d’un accident de ski. «Quand j’ai contacté ses assurances, j’ai découvert que je n’étais pas la personne autorisée à prendre les décisions à son sujet. J’avais beau insister – j’étais sa femme, il y avait sûrement une erreur –, l’agent demeurait catégorique. Bernard, gravement blessé, devait subir une intervention chirurgicale. Quand je suis entrée dans la chambre, j’étais au bord des larmes – quelle histoire ridicule que cette compagnie qui le croyait marié à une femme en Amérique du Sud! Mais j’ai vu la détresse dans ses yeux. Mon cœur a cessé de battre.» L’orage a suivi. Puis le silence. Les aveux. L’horreur. Johanne est partie sur-le-champ. Elle est rentrée seule et a demandé le divorce immédiatement.

«Bernardo» avait deux passeports, et deux identités. Il avait aussi deux épouses. Deux parcours. Deux pays. Deux vies. Aujourd’hui, à 59 ans, Johanne a une opinion mitigée à propos des sites de rencontre. «Il manque quelque chose d’essentiel: le passé de l’autre. Cette partie de la vie que, jadis, les amis, la famille ou les collègues nous confiaient en nous présentant quelqu’un, ça n’existe plus. Sur un site de rencontre, il est si facile pour chacun de s’inventer un passé de la couleur de son choix.» Trop facile, selon Johanne.

Sites et kit de survie sur le Net


Les principaux sites, leurs particularités

E-Harmony, match.com, rencontre sportive, Québec Rencontres… Les agences, virtuelles ou non, sont nombreuses, ne font pas toutes les mêmes promesses et ne fonctionnent pas toutes de la même façon. Certaines, comme Réseau Contact, laissent pleine autonomie au candidat pour créer sa fiche, puis contacter qui bon lui semble. Libre à la personne visée de répondre… ou pas!

Avec d’autres agences, comme Intermezzo, une rencontre a lieu et un intermédiaire jumelle les candidats selon leurs goûts et leurs affinités. Les possibilités de «match» ne sont donc pas infinies, mais disons qu’il n’y a pas trop de risque que notre «non-fumeur-athlétique-professionnel de 51 ans» se présente avec une petite bedaine, un manque total de moyens financiers, une odeur de fumée imprégnée dans son veston et… 10 ans de plus que sur sa photo!



Petit kit de survie sur le Net

Avant de vous aventurer dans le cyberspace de l’Amour, il faut vous armer de… conscience! Voici quelques conseils.

  • Être en paix avec son passé amoureux; rien de pire que de vouloir faire payer au suivant!
  • Assumer sa part de responsabilité dans les rencontres ratées; tout n’est pas la faute des autres.
  • Tenir compte de la réalité: si vous cherchez Brad Pitt, êtes-vous vraiment Angelina Jolie?
  • Définir clairement ce qui importe pour soi; on n’est pas là pour plaire à tout prix. Il se peut donc qu’on soit rejetée. Prête à ça?

L’abc d’une petite annonce efficace


L’abc d’une petite annonce efficace


Parlez de vous-même

Souvenez-vous qu’on ne vous connaît pas. Vous tenez donc à faire ressortir le meilleur, mais surtout le plus touchant et le plus vrai de votre personnalité. Ouvrez votre cœur pour vous décrire. Habituellement, le cœur ne trompe pas!

Soyez précis

Évitez les phrases qui peuvent être dites par à peu près n’importe qui – comme : «J’aime avoir du plaisir.» Précisez votre message – par exemple: «Le week-end, j’adore faire du ski de fond…» Ainsi, les couch potatoes devraient changer de fiche…

Donnez une idée de votre environnement physique et de votre profil intellectuel

Soirées mondaines ou balades en chaloupe, n’hésitez pas à annoncer vos couleurs. Vous êtes une bête sociale éprise de bowling et de bridge, ou un être féru de jardinage et de bricolage? Êtes-vous plutôt du type plein air, ou préférez-vous cuver votre MacDo au fond d’un hamac? Cuisiner, pour vous, est-ce que c’est bien plus que salir la cuisine? Vous aimez le cinéma, mais encore – êtes-vous cet intello qui affectionne les films bulgares ou collectionnez-vous les blockbusters? Un voyage, est-ce une exploration d’un mois dans les Pyrénées ou une semaine dans un quatre-étoiles tout inclus?

N’en dites pas trop…

Personne n’apprécie les gens qui s’éternisent. L’idée, c’est de piquer la curiosité. Vous pourrez ensuite alimenter à loisir l’intérêt de l’autre… lorsqu’il l’aura manifesté!

Soyez séduisant

Vous êtes ici pour trouver l’âme sœur, et non pour régler des comptes avec ceux qui vous ont bafoué dans le passé. Les messages du genre: «J’en ai marre de…» ne sont ni attirants, ni utiles pour atteindre votre but.

Dressez une liste d’expressions-clés

Les expressions-clés sont souvent une avenue intéressante. Par exemple…

 J’aime

  • Jouer au golf sans cart
  • Voyager avec un sac à dos
  • La magie du toucher

Je n’aime pas

  • Les prétentieux «j’ai-un-gros-bateau»
  • Les irréalistes qui ne concrétisent jamais rien
  • Les boudeurs et la mauvaise humeur


Ce sont les livres qu’il me faut!

  • Le prochain, c’est le bon! L’auteure Bénédicte Ann, avec un titre très éloquent, insiste sur l’importance de devenir responsable de sa vie amoureuse. Son approche drôle et réaliste des relations hommes-femmes donne lieu à un livre bourré de conseils pratiques et de pistes efficaces pour limiter les erreurs de casting et les relations bancales. Albin Michel.
  • sex@mour. L’auteur Jean-Claude Kaufmann raconte comment Internet a bouleversé le paysage des rencontres amoureuses. Il pose une question qu’on ne peut ignorer, dans ce nouveau contexte: comment conjuguer sexe et sentiments dans un monde régi par l’instantanéité? Livre de Poche, Hachette.
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