Et si j’épurais?

Et si j’épurais?

Par Caroline Fortin

Crédit photo: Sarah Brown via Unsplash

Faire le grand ménage, c’est bien. Désencombrer son espace, c’est encore mieux… et ça permet aussi de se désencombrer l’esprit! 

Diverses raisons peuvent nous pousser à épurer notre maison: mieux organiser notre logis, déménager dans un plus petit espace, avoir envie de faciliter la vie de nos proches après notre départ. Pour éviter de se laisser décourager par l’ampleur de la tâche, on s’inspire de ces conseils de pro.

D’abord, il faut réaliser que même un intérieur ordonné peut être encombré. «Posséder beaucoup de collections, de bibelots, de coussins, etc., peut s’avérer aussi étouffant et lourd qu’une maison en pagaille. L’esprit est surstimulé par une telle abondance», explique Eve Martel, 48 ans, blogueuse et auteure du livre Tellement swell – petit guide pour transformer sa vie en douceur. Et même si on réussit à rester zen entouré de mille et un objets, nul doute qu’ils exigent un surcroît d’époussetage. 

Pourquoi agir?

Désencombrer sa maison est peut-être éreintant, mais les bienfaits qu’on en retire compensent largement l’effort investi. «Ça procure une clarté et une tranquillité d’esprit, parce qu’on enlève tout ce qui alourdit, est inutile et prend de l’espace, souligne Eve. On peut ainsi mieux voir les choses importantes, au propre comme au figuré. Et puis, il y a l’immense satisfaction d’être passé au travers de ce processus. Prendre soin de son environnement et l’organiser adéquatement fait en sorte qu’on s’y sent bien, apaisé. Autres avantages: on ne se cherche plus et on n’est plus gêné d’inviter des amis!» Bref, comme le dit l’adage, il n’y a que du positif à avoir «une place pour chaque chose et chaque chose à sa place». 

La tendance à accumuler est un mal moderne, souvent exacerbé quand on a vécu la privation durant l’enfance. Les freins les plus communs à un intérieur dégagé? Les «PP» et les «au cas où», illustre Eve Martel avec humour. Les PP, ce sont les «projets potentiels», comme ce vélo stationnaire qui s’empoussière, ce kayak mis à l’eau deux fois, cette sorbetière qui n’a sucré le bec de personne. Des achats impulsifs, ou destinés à ce que l’auteure nomme le «moi imaginé». «Essayons de servir la personne qu’on est actuellement, et si on désire faire une acquisition dans le but de nous améliorer, on doit avoir un plan concret pour l’utiliser.» Le bon vieux truc de se donner 24 heures avant d’acheter reste aussi efficace.

Quant au fameux «au cas où», il s’applique à tout ce qu’on garde dans l’éventualité de s’en servir. Eve en donne un exemple éloquent dans son livre: une machine à pain reçue de son père, qu’elle conservait pour le jour où elle se mettrait à la boulangerie. En pleine séance de triage, elle a trouvé dans l’emballage une carte de vœux datée de… 2005. «Je me suis alors rendu compte que ce “au cas où” était un “pas pantoute” qui traînait chez moi depuis plus de 10 ans.» En se débarrassant des «au cas où», on se déculpabilise en outre de ne pas les employer. Et pour ne pas gâcher le dur labeur qu’implique un tel délestage, on garde ces deux freins potentiels à l’esprit, même une fois le désencombrement fini!

J’établis mon plan de match

Alors, par où commencer et comment désencombrer efficacement? Eve Martel est une grande adepte de la méthode KonMari, élaborée par la célèbre Japonaise Marie Kondo. L’un des principes de base: procéder par catégories d’articles au lieu de pièce par pièce. Pourquoi? «Parce qu’autrement, on risque de déplacer des objets d’une pièce à l’autre, sans véritablement écrémer. Si on se concentre sur un type de choses, on se donne une structure, on a une meilleure vue d’ensemble et le tri se fait plus facilement.»

On commence par les vêtements, qu’on rassemble dans une pièce, puis on élimine ceux qu’on n’a pas portés au cours de la dernière année, les trucs démodés, ceux qu’on garde «au cas où» on maigrirait… On continue ce tri avec la vaisselle, les produits de beauté, les livres, les documents, etc. On réserve impérativement tout ce qui est sentimental, comme les photos, pour la fin. «Sinon, c’est un vortex qui nous aspire et nous ralentit considérablement», explique l’auteure, qui conseille de s’y consacrer durant une journée où on se sent en forme.

Pour chaque catégorie d’objets, on fait deux piles: une à donner et une à conserver. Si on craint d’avoir des regrets, on peut ajouter une troisième pile, celle des «peut-être». «Une fois qu’on a terminé, on passe au travers de cette pile à tête reposée, en étant très honnête avec soi-même.» Par exemple, garder un objet juste parce qu’on l’a payé cher est rarement une bonne raison. 

Se fixer des objectifs

Après le décès de son mari, Gaétane, 72 ans, est restée quelques années seule dans sa maison de deux étages. Puis, elle a décidé qu’elle en avait assez de l’entretien. «Je savais que je voulais déménager dans un condo et, par conséquent, que je devais réduire énormément la quantité de meubles, de vaisselle et d’objets que j’emporterais dans mon quatre et demie, explique-t-elle. Mais je n’ai pas attendu d’avoir signé une offre d’achat pour entamer mon tri, je l’ai entrepris deux ans avant mon déménagement. J’ai commencé par tout ce dont je ne me servais pas, comme les outils de mon mari, que j’ai donnés à mon entourage.»

Se fixer un échéancier aide certainement à accomplir la tâche. On part de la date de déménagement, puis on y va à rebours, suggère Eve Martel. «On liste tout ce qu’on devra faire. Pour chaque tâche, on estime le temps dont on aura besoin et on se donne une date d’échéance.» Même si on ne déménage pas, avoir un objectif inscrit dans le temps accroît la motivation, tout comme cocher ce qui est fait.

Que faire des indésirables?

Plusieurs experts, comme Marie Kondo, préconisent de se débarrasser à mesure de ce qu’on veut donner. On évite ainsi la tentation de retourner fouiller dans ses sacs verts. Quand on a la chance de se faire aider par ses proches, on peut en profiter pour leur demander ce qui les intéresse au préalable. Sinon, de nombreux organismes viennent récupérer à domicile les meubles et autres indésirables afin de les recycler ou les redistribuer. 

Si on a le temps et l’espace pour les entreposer temporairement, on peut organiser une vente de garage, une fois le désencombrement terminé. Ici, le mot-clé est «organiser». «Après mon premier tri, raconte Gaétane, j’ai voulu faire une vente de débarras, mais je n’avais pas l’énergie d’accrocher des affiches partout dans mon quartier. Mon fils est allé en poser quelques-unes, mais ça n’a pas suffi. Puisque je demeurais sur une rue non passante, on est restés des heures, lui, ma petite-fille et moi, à attendre des acheteurs potentiels. Je dois avoir récolté 25 $!» 

On s’informe donc auprès de sa municipalité s’il y a des dates précises pour ce genre de vente, ou un endroit désigné pour afficher ou tenir son événement. Et on s’assure d’installer quelques pancartes visibles afin d’inciter les gens à emprunter sa rue. On peut aussi aller porter ses articles à des organismes comme L’Armée du Salut, Fripe-Prix Renaissance ou le Village des valeurs. Ou encore les mettre à vendre sur des sites comme Kijiji, bien que cela demande temps et gestion.

Penser l’après à la suédoise

Il suffit d’avoir eu à vider la maison de parents décédés pour saisir toute la pertinence de l’approche prônée par l’artiste suédoise Margareta Magnusson dans son ouvrage Mettez de l’ordre dans votre vie pour alléger celle des autres. L’idée? Ne pas déléguer à nos proches ce qu’on n’a pas le courage de faire de notre vivant, soit se débarrasser du superflu, trier ce qu’on veut donner à nos intimes et bien organiser ce qui reste. «Vous vous en porterez mieux et vous léguerez en héritage une tranquillité d’esprit qui sera bénéfique à toute la famille», écrit celle qui avoue coquettement avoir «entre 80 et 100 ans».

Ce «ménage prémortem», elle a eu à le faire après le décès de son époux. Rétrospectivement, elle dit être soulagée de l’avoir fait seule. «Si j’avais dû dégager ce fatras avec [lui], nous y aurions passé des années. Quant aux enfants, ils ne m’auraient rien laissé jeter. Pas une petite cuillère. Ou, du moins, chacun aurait eu son avis sur ce qu’il fallait ab-so-lu-ment garder, et je n’aurais pas osé trancher.» 

Avant d’emménager dans son deux-pièces à Stockholm, Margareta a mesuré les dimensions de chacune. Puis, sur du papier quadrillé, elle a relevé le plan de l’appartement. Elle a ensuite noté les dimensions des meubles qu’elle comptait emporter, les a dessinés vus de haut à la même échelle, puis les a découpés. Il lui suffisait alors de les déplacer sur son plan pour aménager virtuellement l’espace. Une méthode qui lui a fourni une idée très claire de son futur intérieur.

Désencombrer en ayant en tête les survivants permet également d’éviter les querelles de famille autour d’objets précieux. Margareta donne en exemple un bracelet hérité de sa mère, qu’elle a choisi de vendre pour ne pas susciter de jalousie en le léguant par testament. En contrepartie, elle a offert à chacun de ses cinq enfants un souvenir ayant appartenu à leurs grands-parents. 

Quant aux meubles de famille, «on ne peut ni les imposer [à sa descendance] ni attendre éternellement qu’un candidat se déclare». Il faut donc parfois se résoudre à les laisser aller, «en espérant que leurs nouveaux propriétaires continueront à les faire vivre et à y associer des souvenirs». 

Les objets que j’aime

«On accorde souvent un grand attachement émotif aux objets, presque pour justifier leur présence. Oui, certains ont une valeur sentimentale, mais tous ne nous font pas réellement ressentir une émotion. Il faut tenter de se dissocier des faux attachements», prévient Eve Martel. 

Pour Gaétane, le plus difficile a été de se débarrasser des dessins, des mots d’enfant et des effets de sa fille Mélanie, décédée en bas âge. «Je m’étais fait une petite galerie au sous-sol et ça me coûtait terriblement de jeter tout ça. J’ai finalement décidé d’en garder quelques-uns, que j’ai glissés dans une enveloppe. Puis, j’ai résolu de donner la majorité des choses qui avaient appartenu à ma fille, comme j’aurais dû le faire dans les mois qui ont suivi son départ. Plus on attend pour disposer de ce genre de souvenirs, plus ça devient difficile.»

On a d’innombrables boîtes de photos qui dorment au grenier? En général, ce sont des traces du passé que nos proches aimeront regarder, voire conserver. Mais ce sera beaucoup plus agréable pour eux si elles sont identifiées et classées. Margareta Magnusson a trié les siennes en commençant par «supprimer les doublons, les clichés flous et ceux où les personnages ne sont pas à leur avantage».

Autre astuce: «se libérer en passant un dernier moment avec ses objets et en se remémorant les événements qui leur sont associés», indique Eve Martel. À quoi bon, par exemple, conserver sa robe de mariée ou de bal? «Si on tient à garder un souvenir, on peut en découper un bout et l’encadrer», suggère-t-elle. S’il s’agit d’articles qu’on peut donner, comme des vêtements ou des meubles, on peut s’encourager en pensant qu’ils auront une seconde vie.

Une chose est sûre, écrit Margareta Magnusson: «La vieillesse n’est pas faite pour les mauviettes. C’est pourquoi il ne faut pas attendre trop longtemps pour désencombrer votre maison. Tôt ou tard, les petites douleurs viendront vous empoisonner la vie et vous apprécierez de vivre léger, sans avoir de surface à entretenir et de bazar à ranger.»

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