Comment dire adieu à nos complexes?

Comment dire adieu à nos complexes?

Par Caroline Fortin

Crédit photo: iStock

Dans un monde qui valorise jeunesse et minceur, il peut être difficile d’entretenir un rapport sain avec notre apparence. A fortiori quand le passage du temps, la grossesse ou la maladie laissent leurs traces. Et si on apprenait à faire la paix avec notre corps? 

«La construction de l’image corporelle débute dès que, bébé, on se reconnaît dans le miroir, et elle se poursuit sur un très long parcours. Elle est nourrie par nos valeurs, nos propres sentiments à notre égard, nos expériences – par exemple l’intimidation à l’école ou des commentaires de notre entourage sur nos attributs physiques –, mais aussi par la société, qui met énormément l’accent sur l’apparence, les vedettes et la perfection», indique Annie Aimé, docteure en psychologie et cofondatrice de la clinique multidisciplinaire IMAVI, à Gatineau, spécialisée dans les problématiques d’image corporelle, de poids et de troubles alimentaires.

Pourtant, comme l’assure le dicton, la perfection n’est pas de ce monde, et même les personnes qu’on juge parfaites se trouvent elles-mêmes des défauts physiques. «L’insatisfaction corporelle est normative, c’est-à-dire qu’il est parfaitement normal d’être insatisfait de certaines parties de son corps», souligne Annie Aimé. Là où elle devient problématique, c’est quand elle nous empêche de sortir, de faire certaines activités par crainte du jugement d’autrui ou qu’elle tourne à l’obsession. Voici donc quelques pistes pour faire la paix avec notre apparence.

Je compare des pommes avec des pommes

Vous savez, cette petite voix intérieure qui nous chuchote: pourquoi n’ai-je pas la silhouette d’Helen Mirren (ou la tignasse de George Clooney, ou la vitalité de Béatrice Picard)? «La comparaison est un élément central dans la construction de l’image corporelle et dans l’insatisfaction qu’on va éprouver, avance la psychologue. C’est un comportement très humain, ancré depuis notre jeune âge. Mais on a tendance à se comparer seulement aux personnes qui ont la caractéristique qu’on désire.» Et, ainsi, à se juger plus sévèrement. Si on se trouve trop enveloppée, par exemple, on ne se mesure qu’aux femmes minces. «Or, c’est avec un ensemble de personnes qu’on devrait se comparer. Et aussi avec des gens de notre âge.» Question de relativiser… et de mieux apprécier ce qu’on a.

Je vois la forêt derrière l’arbre

«Quand on met l’accent sur une seule partie de notre corps, on oublie de regarder les autres, observe Annie Aimé. Et si on passe notre temps à y penser, à chercher des moyens d’y remédier et à se déprécier, on s’enfonce dans un mal-être. On tend aussi à être très sélectif dans les commentaires qu’on reçoit. On retiendra le négatif en oubliant les dizaines de remarques positives.» On s’attarde donc à ce qu’on aime en nous – de beaux yeux, des mains élégantes, un joli sourire, des jambes solides – et qu’on occulte trop souvent au profit de nos «défauts». 

Je me valorise autrement

Le vieillissement est inéluctable. Alors, à quoi bon ruminer au sujet de nos rides? Dans les rares études consacrées à l’insatisfaction corporelle à travers les époques, un des constats récurrents est qu’à mesure qu’on avance en âge, l’importance de l’apparence est minimisée au profit du soi. «Chez les personnes du troisième âge, les plus satisfaites sont celles qui se comparent à leurs semblables, mais qui se trouvent aussi une valeur personnelle autre que leur aspect physique. Elles se définissent par des rôles significatifs», explique Annie Aimé. Faire du bénévolat, être un bon conjoint ou un bon grand-père, par exemple. Après tout, l’être humain ne se résume pas à son physique!

Je dis merci à mon corps

«On remarque que les personnes ayant une image corporelle positive sont reconnaissantes envers leur corps pour tout ce qu’il leur permet de faire, mentionne la psychologue. Il faut rendre grâce au fait d’avoir nos deux jambes et d’être assez en santé pour marcher, faire l’épicerie, rire avec nos petits-enfants, les garder. Ce sont des choses qu’on tient pour acquises.»

Je sors de ma tête pour mieux m’activer

En essayant, par exemple, une activité physique différente. Psychosociologue, massothérapeute et créatrice de Mon Âme Danse, Noémie Dubuc utilise la danse depuis une dizaine d’années pour favoriser le développement d’une relation saine au corps. «La plupart des femmes qui viennent à mes ateliers ne sont pas nécessairement à l’aise avec leur corps, ce ne sont pas des danseuses. Avec bienveillance, je les accompagne et les invite à oser, à essayer de nouvelles façons de s’exprimer. Elles se voient alors autrement, apprennent à aimer regarder leur corps bouger et réalisent qu’elles peuvent en faire plus qu’elles pensaient. Par exemple, dans un de mes groupes, il y a une retraitée atteinte d’une maladie dégénérative qui lui cause beaucoup de douleur. De plus, sa médication lui a fait prendre du poids. Tout ça a été dur à apprivoiser pour elle, qui avait cessé de faire de l’activité physique. Or, prendre part à des ateliers – qui ne sont ni des cours de danse ni de mise en forme, donc sans aucune pression de performance –, lui a redonné le goût de bouger. Et si elle a trop mal, elle s’assoit et continue les mouvements dans cette position. Ça redonne un sentiment de pouvoir accepter nos besoins et nos limites.»

Je consulte

Un psychologue peut bien sûr nous guider dans une démarche de réflexion sur nous-même. «Cependant, il faut avoir des attentes réalistes, nuance Annie Aimé. L’objectif n’est pas de ressortir en étant 100 % satisfait, c’est impossible. Mais on peut en arriver à s’accepter, à avoir plus de respect pour notre corps et, surtout, à ne plus se laisser affecter par nos complexes.»

Des outils pour s’aider

• Le programme Choisir de maigrir?, mis sur pied par l’organisme ÉquiLibre s’inscrit dans une approche de santé globale, qui propose de remplacer l’utilisation de diètes miracle par de saines habitudes de vie. Il est offert aux femmes dans certains centres de santé et services sociaux. Info: equilibre.ca, sous les onglets «Programmes», puis «Choisir de maigrir? (en CSSS)». 

• Le livre Accepter son corps et s’aimer, de François Nef et Emmanuelle Hayward, éditions Odile Jacob. Un ouvrage complet, qu’on peut également acheter en format PDF sur le site odilejacob.fr.

Vidéos