Mario Jean: la vie du bon côté

Mario Jean: la vie du bon côté

Par Véronique Alarie

Crédit photo: Francoeur Peretto

À 54 ans, l’humoriste présente au public son sixième spectacle solo. Rencontre avec un sympathique gaillard qui porte l’affection du public depuis plus de 25 ans déjà.  

Avec Mario Jean, on se sent un peu en famille. Il a cette énergie apaisante qui nous rappelle ce bon voisin avenant, ce cousin rigolo, cet ami rassurant. Celui qui a en horreur la controverse et qui, de son propre aveu, ne sacre presque jamais est un peu l’archétype même du «bon gars», en fait! Pas étonnant que le public le suive tout naturellement à l’annonce de chacun de ses nouveaux projets.

Alors qu’il présente Aller de l’avant, son sixième one man show, qu’il se prépare à jouer au théâtre tout l’été (dans Un souper d’adieu, à L’Assomption) et qu’il cartonne dans les téléséries Léo (Club Illico) et Les pays d’en haut (ICI Radio-Canada Télé), on a voulu lui parler de son travail, de sa vie, de son lien avec le public. Conversation avec un talentueux humoriste et comédien qui brille par sa simplicité, son humilité et sa lucidité. 

Avez-vous toujours été un «petit comique»? Mon intérêt pour la comédie remonte à l’enfance. J’adorais regarder les films de Jerry Lewis, de Louis de Funès… et j’écoutais les cassettes d’Yvon Deschamps en m’endormant le soir. Ça me berçait. Certains enfants rêvent de devenir des vedettes rock. Moi, je me visualisais sur scène à faire des jokes! À la maison, j’étais le clown de la famille. Et à l’école, je faisais rire les autres pour me faire des amis, des blondes…

Tout au long de votre parcours, y a-t-il eu des mentors qui vous ont pris sous leur aile? Pierre Légaré a toujours été très gentil avec moi. On a souvent fait des spectacles, des festivals ou des épisodes de Piment fort ensemble. On a beaucoup échangé sur le métier et il m’a constamment encouragé. Sinon, j’ai toujours été très inspiré par Michel Barrette et Daniel Lemire. Je suis très conscient que c’est grâce à des gars comme eux que j’ai pu faire carrière. Ils ont été des locomotives pour les humoristes de ma génération. En faisant passer une belle soirée au public avec leurs propres spectacles, ils faisaient en sorte que les gens aient envie de voir plus de shows d’humour et, donc, de miser sur les humoristes de la relève que nous étions. 

De quelle façon l’humour a-t-il évolué au Québec depuis vos débuts? J’ai l’impression qu’on a de moins en moins besoin d’artifices, de décors, de personnages, et je pense que c’est en réaction à ce qu’on vit. Depuis l’arrivée des médias sociaux, on se parle moins de face à face et les communications sont plus impersonnelles. À l’inverse, en humour, le public veut qu’on le regarde dans les yeux, qu’on lui parle directement. C’est quelque chose que les jeunes de la relève ont compris. Je les trouve très bons, d’ailleurs. Meilleurs que nous à leur âge. 

Vous faites carrière depuis plus de 25 ans. Qu’est-ce qui caractérise votre rapport au public, selon vous? Dans le passé, j’ai déjà entendu un jeune humoriste sortir de scène en disant: «Le public est à chier!» Je lui avais répondu: «Ne dis jamais ça. Le public n’est peut-être pas en forme, il ne t’offre peut-être pas le contexte idéal, mais on doit le respecter.» J’ai un respect très sincère pour le public. Je pense aussi que je sais sortir de mon nombril pour parler aux gens de ce qui les touche. Je propose un peu une psychanalyse de groupe! Et je n’essaie pas forcément de rajeunir mon public. J’aime avoir des spectateurs de tous les âges. Certains d’entre eux me suivent depuis le début… La preuve, c’est que je suis en train de donner une entrevue à Bel Âge! (rires) 

Envisagez-vous de prendre votre retraite bientôt? J’ai encore beaucoup de fun! Je ne dis pas que je n’ai pas hâte d’aller passer mes hivers dans le Sud! (rires) Mais je trouve que je fais le plus beau métier du monde. Je reçois plein d’amour et très peu de commentaires virulents. Franchement, si les infirmiers et infirmières se faisaient applaudir comme moi à la fin de leurs shifts, ils auraient pas mal plus envie de rentrer au travail le lendemain matin. 

Dans votre nouveau show, vous avez décidé de parler du mouvement #MoiAussi après une conversation avec votre épouse sur le sujet. Vous a-t-elle souvent inspiré dans votre carrière? Les dénonciations survenues avec #MoiAussi m’ont beaucoup ébranlé. Je savais qu’il y avait des épais sur la Terre, mais pas autant. Je m’en excuse auprès des victimes, d’ailleurs. Que les gens «s’envoient en l’air», selon leurs propres termes, ça ne me concerne pas. Mais de là à forcer, à agresser, à violer… Ça m’a frappé, parce que je n’avais rien vu! Ma blonde m’a dit: «Il me semble que ce serait important que les gars en parlent plus pour faire évoluer les choses.» Ça m’a donné envie d’écrire un numéro sur ce thème. Un numéro qui parle aux gars, mais qui fait rire aussi, évidemment. Ça a demandé pas mal d’ajustements, mais au final, ça fonctionne super bien. 

Depuis combien de temps êtes-vous avec votre femme? Depuis 34 ans. Elle est un roc pour moi. On a eu des bas, ce qui est normal, mais surtout des hauts. C’est une personne extraordinaire; je suis bien avec elle. Non seulement elle est belle, mais elle est intelligente, équilibrée. Elle a de la drive. Nous sommes heureux l’un avec l’autre.

Vous parlez dans votre spectacle de vos garçons devenus adultes qui résident toujours sous votre toit. Comment se passe la cohabitation? Tant qu’ils sont encore aux études, ça me fait plaisir de les avoir chez nous. Ils font leur part et respectent les règles de la maison. Plus ça va, plus je réalise que leur génération ressemble beaucoup à la nôtre. En vieillissant, on peut parfois avoir tendance à porter un jugement sur les plus jeunes, mais… on était pareils! Aujourd’hui, les jeunes sont inquiets à cause de la crise écologique. Nous, c’était à cause de la menace nucléaire. J’ai confiance en eux. Il y a beaucoup de beau dans la jeunesse, et il y en a beaucoup dans la vieillesse aussi. On doit juste ne pas oublier qu’on a tous besoin les uns des autres. 

Quelle partie de votre métier est la plus difficile à assumer? Le stress qui précède les premières. Sincèrement, cette pression-là, ça me tue! J’ai heureusement la chance de ne pas être controversé, donc les critiques sont généralement gérables... De toute façon, moi, si quelqu’un me disait «Ta joke me fait de la peine», je l’enlèverais du spectacle et c’est tout. Rentrer chez nous le soir en me disant que j’ai fait du mal à quelqu’un, ça ne me tente pas. C’est déjà arrivé dans le passé: je m’en suis excusé et j’ai corrigé le tir. J’haïs la controverse. 

Après avoir joué dans la pièce Je vous écoute l’été dernier, vous retournez sur les planches pour Un souper d’adieu. Oui, avec Marcel Leoeuf et Anne Casabonne. Je prends une pause de mon show solo tout l’été pour présenter cette pièce au Théâtre Hector-Charland, à L’Assomption. J’aime beaucoup l’esprit de groupe qu’on trouve au théâtre… Porter un projet à plusieurs, c’est vraiment agréable, ça fait changement!

Pourquoi vous impliquez-vous dans la Fondation Mira depuis plusieurs années? Je suis un grand privilégié. J’aime ce que je fais et je gagne bien ma vie; c’est juste normal de donner du temps et de l’argent aux bonnes causes en retour. Mira ne reçoit aucun financement public et fonctionne exclusivement grâce à des dons. Je suis tombé amoureux de cette Fondation il y a longtemps et j’ai pu constater combien les gens qui bénéficient d’un de ses chiens-guides voient leur vie complètement changée. Ça donne envie d’y contribuer. 

Y a-t-il un rêve que vous souhaitez réaliser, un projet que vous aimeriez concrétiser? Continuer encore un bout de temps comme c’est là, j’haïrais pas ça! Sinon, un fantasme que j’ai, ce serait de jouer dans un théâtre prestigieux, comme Duceppe ou le TNM. Je ne suis pas du genre à rêver de remplir le Centre Bell! On me demande souvent quelle est ma salle de spectacle préférée. Je réponds toujours: «Une salle pleine.» Deux cents personnes dans une salle de 180, la magie pogne. Mais 200 personnes dans une salle de 400, c’est plaaaate… 

Au cours des dernières années, vous avez perdu votre maman et votre beau-frère. Ces épreuves vous ont-elles transformé? J’ai toujours prôné le fait de vivre sa vie à plein régime. Je pourrais mourir à 97 ans ou dans quelques minutes; on ne le sait pas! Alors, je veux avoir du fun et réaliser mes rêves, quitte à prioriser parfois un voyage plutôt qu’un REER. Quand on perd quelqu’un d’important, ça nous confirme l’importance de suivre cette intuition, d’autant plus que je ne crois pas à la vie après la mort. Le paradis est ici, c’est à moi de le vivre au jour le jour. 

Les petits bonheurs de Mario


Une activité qui vous détend? Faire du bricolage dans mon garage. Je travaille le bois recyclé et je fabrique des objets avec. Des lampes, par exemple.   

Un repas ou une boisson auxquels vous ne pouvez pas résister? Je ne suis ni bière ni vin, mais ça me prend mon petit Pepsi Diète tous les jours. Un bon Pepsi Diète bien froid quand il fait chaud, c’est le bonheur!

Un musicien dont l’œuvre vous touche particulièrement? Daniel Bélanger. Et, dans les petits nouveaux, Émile Bilodeau vient me chercher.  

Un film coup de cœur? Mon film préféré à vie, c’est Seven, de David Fincher. Sinon, j’ai tous les films de guerre imaginables à la maison!

Une télésérie? Breaking Bad, Big Little Lies et Curb Your Enthusiasm. 

Une lecture marquante? Je dévore systématiquement tous les romans de Ken Follett. 

Un voyage mémorable? Gravir le Kilimandjaro avec ma blonde. Et faire le tour des États-Unis en motorisé avec nos gars quand ils étaient tout petits. 

Une idole? Yvon Deschamps, évidemment! C’est tellement précieux de pouvoir le côtoyer. J’avoue que, quand je reçois un petit courriel d’Yvon et de Judy, ça remonte un peu mon ego! (rires) 

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