Avez-vous, vous aussi, l’impression d’avoir vécu mille vies, ou plutôt mille états d’esprit, depuis un an? Comme si nous traversions différentes périodes historiques condensées sur une ligne de temps en accéléré.
À l’ère du Premier confinement, on a fait du pain ou des tartelettes portugaises, ou les deux, affiché des arcs-en-ciel et des «Ça va bien aller», suivi les points de presse en riant, complices, avec le Dr Arruda qui tapait des deux mains sur la courbe pour l’aplatir, lancé des apéros virtuels entre amis, commencé à écrire nos mémoires. On a aussi assisté, horrifiés, au drame des CHSLD et participé à des chaînes d’appels de solidarité.
Ensuite est venu le Deuxième confinement, juste après l’été, avec nos certitudes sur une fin prochaine de la pandémie ébranlées, plus d’agressivité en vrai et en ligne, les covidiots et conspirationnistes prenant d’assaut les réseaux sociaux, comme galvanisés par les élections américaines, avec nos activités qu’on tente tant bien que mal de poursuivre entre balades à deux mètres, cours en vidéo et rénovations, puis des rêves de Noël en famille avant de se faire péter la balloune.
Quand sommes-nous passés au Troisième confinement? Je ne m’en souviens plus vraiment, les restaurants sont fermés depuis si longtemps. Couvre-feu, ouverture des commerces, des salles de spectacles, des salons de coiffure, quarantaine des voyageurs, on vit au rythme des mesures prises… Avec les vaccins donnés désormais à tour de bras, on s’éloigne clairement d’un Quatrième malgré tous ces variants qui surgissent. Alors, pourquoi tout semble parfois si pesant? Après ces quatorze mois de montagnes russes, la fatigue psychique ôte à beaucoup le goût de tout: plus envie de mitonner des petits plats, ni de sortir de son linge mou. Peut-être que revivre une seconde fois Pâques ou nos fêtes isolés, comme si c’était la nouvelle normalité, nous atteint moralement?
Et c’est là, juste en ce moment, qu’il faut, plus que jamais, admirer les fleurs sauvages. Quel rapport? Kim Thúy!
Lors de la séance photo, cette merveilleuse auteure nous racontait à quel point elle trouvait que l’être humain naît mauvais, mesquin, envieux, cupide, et doit travailler tous les jours pour devenir bon s’il le veut, s’il fait consciemment ce choix. Elle a utilisé un exemple qui nous a marqués: en passant sur l’autoroute, nous sommes naturellement portés à regarder l’accident de voiture qui vient d’arriver plutôt que les jolies fleurs sauvages qui poussent juste à côté, sur l’accotement. Or, nous devrions nous efforcer de voir le beau, de chercher le bon, jusqu’à ce que cela devienne un réflexe. Je me rappelle l’avoir entendue dire, en entrevue, que chaque petit geste forme le grand, que la solidarité est essentielle comme on ne peut survivre seul et que les choses pèsent moins quand on se souvient qu’on les fait par amour, pour ceux qu’on aime et parce qu’on aime les autres en général. Sur l’autoroute de nos pensées, nos proches de plus en plus nombreux à être vaccinés forment le plus magnifique parterre de fleurs, qu’on ne devrait plus quitter des yeux.
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