Union de fait: le contrat

Union de fait: le contrat

Par Françoise Genest

Crédit photo: iStockphoto.com

Vous vivez en union libre depuis plusieurs années. Or, voilà que rien ne va plus et que la rupture semble inévitable. Que ferez-vous des meubles, du chalet, de la maison? Qui gardera le condo? Après toutes ces années à investir ensemble dans des projets communs, à acquérir des biens, à accumuler des objets, comment séparer tout ce qui vous tient à cœur?

Les lois matrimoniales régissant le mariage prévoient de nombreux mécanismes de partage des biens au moment d’un divorce ou du décès d’un conjoint. Mais pour les conjoints de fait, la loi ne prévoit aucune règle. Chaque conjoint de fait est responsable de lui-même et de ses dettes et reste propriétaire des biens qui lui appartiennent en propre.

De nombreux conjoints de fait se croient à l’abri des «tracasseries» et de la «paperasserie» occasionnées par un divorce. On s’aime, on vit ensemble, on ne s’aime plus, on se quitte. Les choses, hélas!, ne sont pas aussi simples. La vie à deux se tricote serrée et les biens accumulés pendant ces années sont souvent difficiles à départager... En l’absence de contrat, de règles et de lois précises, il peut devenir beaucoup plus difficile de conclure une séparation et de faire respecter ses droits.

Au Québec, plus de 425 000 couples vivent en union de fait. De ce nombre, un infime pourcentage aurait signé une convention d’union de fait. Pour plusieurs, l’union libre doit se vivre sans contrainte et sans contexte juridique; d’autres ignorent l’existence de cette possibilité ou font tout simplement confiance à la vie. Pourtant, les juristes sont de plus en plus nombreux à croire aux avantages d’un contrat de vie commune. C’est au moment où tout va bien, alors que règne l’harmonie, que l’on devrait prévoir ce qu’il adviendra en cas de rupture.

Un contrat sur mesure

Un contrat sur mesure

Contrat d’union de fait, convention d’union de fait, contrat de cohabitation ou d’union libre, la formule a plusieurs noms, mais elle a surtout plusieurs visages. En réalité, dans la mesure où les clauses respectent les lois en cours et les bonnes mœurs, vous pouvez y inclure les arrangements et les clauses qui vous conviennent et qui reflètent votre situation.

Le contrat pourrait librement s’inspirer de la Loi sur le patrimoine familial ou encore ne viser que le partage des meubles et des REER. On peut y déterminer qui aura le droit d’habiter la maison, accorder un droit d’achat à l’un des deux conjoints ou déterminer que le chalet sera à l’un et la maison à l’autre. On peut même envisager l’octroi d’une pension alimentaire au conjoint qui sera resté à la maison pour l’éducation des enfants. On peut aussi y prévoir des clauses pour la durée de la vie commune : partage des responsabilités financières, mandat pour l’éducation des enfants, etc. Bref, le contrat peut être très simple et ne couvrir que quelques aspects ou être détaillé et prévoir plusieurs dimensions de la vie commune.

La convention pourra être modifiée par consentement mutuel et les modifications devront être ratifiées par les deux conjoints. Il est donc possible de faire évoluer le contrat si, au cours de la vie commune, la situation financière, familiale ou personnelle évolue et l’exige. On peut aussi mettre fin au contrat mais, tout comme pour les modifications, cela doit se faire par consensus et être autorisé et signé par les deux conjoints. Si vous n’avez pas renoncé par écrit au contrat, vous serez tous deux tenus d’en respecter les clauses au moment de la rupture.

Effectivement, si un conjoint de fait refuse de respecter les engagements de la convention d’union de fait, l’autre conjoint pourra exercer un recours en justice. Le tribunal qui sera saisi d’une telle affaire traitera la cause comme toutes les affaires touchant les contrats entre particuliers.

Contrat de rupture

Tout sauf les enfants

Comme nous le précisions dans notre premier volet sur l’union de fait, les enfants nés de parents non mariés ont exactement les mêmes droits que les enfants nés de parents mariés. Et les parents non mariés ont, quant à eux, les mêmes droits et les mêmes obligations que les parents mariés.

La garde des enfants en cas de séparation et le montant de la pension alimentaire aux enfants ne peuvent donc être inscrits dans une convention d’union de fait pas plus que dans un contrat de mariage. Ces aspects devront être décidés au moment de la séparation et entérinés par un jugement de la Cour supérieure du Québec dans l’intérêt des enfants.

D’ailleurs, les parents non mariés ont également droit aux services de médiation familiale. Cette médiation doit essentiellement porter sur la garde des enfants; cependant, le médiateur peut également vous aider à trouver des terrains d’entente sur la séparation matérielle, dans la mesure où votre situation financière influencera aussi la qualité et le niveau de vie des enfants.

Contrat de rupture

Vous n’aviez pas prévu de convention d’union? Votre situation est complexe et vous n’arrivez pas à vous entendre sur le partage des biens au moment de la séparation? Rien ne vous empêche de conclure un contrat de rupture statuant le règlement de la séparation. Ce type de contrat doit aussi être préparé par un notaire ou par un avocat et vous engage, comme tout contrat entre particuliers.

Dans certains cas, la rédaction d’un contrat de rupture permet aux conjoints qui se séparent de mieux cerner les choses et de faire tous les deux respecter leurs droits. Cela peut également faciliter la vie aux conjoints de fait qui, au-delà de la séparation, devront continuer à transiger en raison des enfants dont ils partagent la garde. Bien sûr, au moment de la séparation, les émotions sont à vif et il peut être difficile de s’entendre sur un tel contrat. Voilà pourquoi une convention d’union de fait rédigée lorsque tout va reste la meilleure formule.

Se séparer sans contrat

Ce n’est pas parce que vous n’avez pas signé de convention d’union de fait ou de contrat de rupture que vous devez renoncer à vos droits ou vous appropriez ce qui ne vous revient pas. Au sens de la loi:

  • Chacun des conjoints de fait reste propriétaire des biens qui sont à son nom ou qui lui appartiennent en propre.
  • Chacun des conjoints de fait est responsable de ses propres dettes.

Cependant, si vous êtes copropriétaires de la maison, vous devrez vous entendre sur les modalités, le prix de vente et l’usufruit de la propriété dans l’intervalle. Même scénario pour le chalet, le bateau et tous les biens inscrits à vos deux noms. Cela dit, vous séparer ne vous dégage d’aucune de vos responsabilités et d’aucun de vos engagements: vous devrez acquitter les dettes conjointes dont vous êtes solidairement responsables; si vous aviez conjointement engagé des travaux ou signé un contrat de services, vous devrez tous deux respecter ces contrats.

Si vous avez des enfants et que votre conjoint refuse d’acquitter sa part des dettes communes reliées à la vie familiale, vous pourriez, au moment de déposer la requête pour la garde d’enfants, demander au tribunal de le contraindre par ordonnance à s’acquitter de sa part des dettes communes.

Où rédiger un contrat?

Où rédiger un contrat de vie commune?

Idéalement chez le notaire ou chez l’avocat. Mais attention!, assurez-vous que ce juriste a une certaine expérience de ce type de contrat, qui n’est pas encore très répandu. Si vous en confiez la rédaction à un notaire, il en gardera une copie en voûte, ce qui vous garantit qu’il ne se perdra pas. Par ailleurs un contrat notarié a valeur d’acte authentique et peut difficilement être contesté. Avant de signer:

  • préparez une liste de vos questions, de vos attentes et de vos besoins avant de vous présenter chez le juriste pour qu’il puisse avoir une idée claire de ce que vous souhaitez comme entente;
  • assurez-vous de bien comprendre toutes les clauses et tous les termes juridiques;
  • au besoin, demandez un délai de réflexion et de lecture de quelques jours;
  • informez-vous des modalités pour d’éventuelles modifications ou pour mettre fin au contrat.

Contrat maison

Vous pouvez aussi rédiger vous-même ce contrat. Il devra comprendre les informations suivantes: noms et prénoms des deux conjoints, occupations, adresse du domicile, date du début de la vie commune, date et lieu de la signature du contrat, liste des biens personnels respectifs au début de la vie commune, les clauses souhaitées sur la vie commune ou la rupture. Le document doit être signé par les deux conjoints devant deux témoins qui signeront également, mais qui n’ont pas à connaître le contenu du contrat. Toute modification devrait être rédigée et signée par les deux conjoints. La formule est gratuite et simple, cependant, vous pouvez omettre ou inscrire des termes juridiques qui pourraient brouiller les pistes et un tel contrat est plus facilement contestable en cour.

Finalement, il existe une solution Internet. Le site du Réseau juridique du Québec www.avocat.qc.ca propose un contrat de vie commune interactif, modèle rédigé que vous pouvez remplir et enregistrer pour 35$. Le document est bien sûr rédigé dans un vocabulaire juridique précis, mais accessible, et vous pouvez en tout temps obtenir une consultation téléphonique avec un avocat pour environ 40$. Mais le réseau juridique soutient que si ce contrat devrait répondre aux besoins d’une bonne partie des gens, il est tout de même recommandé de consulter un juriste, et ce, surtout si votre situation est le moindrement complexe. À noter que le Réseau juridique est parrainé par le Barreau du Québec.

Au décès d’un conjoint de fait

N’oubliez pas que votre conjoint de fait n’est pas votre héritier légal. Si vous souhaitez léguer vos biens à votre nouveau conjoint, vous devrez le faire par testament. Le contrat de vie commune ne comprend pas de clauses testamentaires.

Mise à jour: juin 2007

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