Je perds… et gagne!

Je perds… et gagne!

Par Sophie Stival

Crédit photo: iStock

Un licenciement bouleverse une vie sans parler de nos finances. C’est aussi l’occasion en or de faire le point et d’améliorer notre sort.

Nathalie Pauzé a perdu son emploi dans le domaine du tourisme quelques semaines après que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré dans toute la province. Une pause de quelques mois lui a permis de prendre son destin en main. «J’ai vendu ma maison à Laval et fait le grand saut en déménageant à Québec. Mon nouvel environnement de travail me rend heureuse. Je n’ai aucun regret», confie l’infographiste de 56 ans.

Au cours de l’été 2022, le Québec a perdu plus d’emplois qu’il en a créés (données de juin et juillet). Cela peut surprendre vu la pénurie de main-d’œuvre actuelle. Le taux de chômage a cependant fléchi passant de 4,3 % à 4,1 % en raison d’une diminution du nombre de personnes à la recherche d’un emploi. Ce taux «se situe près du creux historique de 3,9 % atteint en avril 2022», souligne Hélène Bégin, économiste principale de Desjardins dans une recherche publiée le 5 août dernier.

Le marché du travail demeure ainsi très serré, le tout combiné à une accélération des salaires dans la Belle Province, précise l’étude de Desjardins. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour les entreprises qui doivent composer avec une hausse des prix généralisée. Si un ralentissement économique ou une récession devait se concrétiser au cours des prochains mois, on pourrait enregistrer des pertes d’emploi plus importantes.

Réfléchir à notre avenir

Le manque de main-d’œuvre devrait inciter une personne qui a été remerciée à prendre un moment de réflexion. «À la suite d’un licenciement, on aura généralement droit au chômage, affirme Francis Grégoire, conseiller d’orientation de Sainte-Marie-de-Beauce. On a donc le temps et les moyens de s’arrêter afin de découvrir ce qu’on veut véritablement.» On analyse ce qui nous plaisait dans notre ancien travail ou inversement, ce qui nous contrariait. Certains voudront se recaser dans un emploi semblable et aux mêmes conditions, si possible. Pour d’autres, c’est l’occasion de faire quelque chose de différents, de changer de secteur, d’industrie. Un cadre pourrait vouloir devenir un simple employé et avoir moins de responsabilités. Un travailleur à temps plein pourrait désirer réduire ses heures travaillées. Tous les cas de figure sont possibles.

«À 55 ans, on n’aura pas nécessairement les mêmes critères qu’à 25 ou 30 ans alors qu’on fondait une famille, qu’on avait une grosse hypothèque et beaucoup de responsabilités», souligne Francis Grégoire. On pourrait se permettre d’améliorer notre sort, de faire moins de voyages, d’avoir un travail plus gratifiant, ou encore, d’exiger des horaires souples ou davantage de vacances, par exemple.

Évidemment, on devra évaluer si on a les moyens d’opter pour un poste rêvé mais moins lucratif. «Si je gagne 80 000 $, mais que j’en dépense 55 000 $ pour vivre convenablement, je pourrais accepter de baisser mes revenus d’emploi avec une rémunération annuelle de 60 000$», illustre le conseiller d’orientation. C’est parfois une question d’image. Certains ne voudront pas considérer des emplois qui supposent une réduction salariale. Tout dépend aussi du moment de la retraite. Si on est à 5, 10 ou 15 ans de se retirer de la vie active, on devra faire des calculs. On consulte un expert comme un planificateur financier afin de revoir notre planification de retraite.

«Si on a reçu une indemnité de départ, ce revenu sera réduit de nos prestations régulières d’assurance-emploi, selon le nombre de semaines équivalent, dit notre experte et chroniqueuse financière, Josée Jeffrey. Celle-ci rappelle que pour ceux «qui comptent des années de service avant 1996 chez ce même employeur, une partie de l’indemnité versée peut être transférée à un REER, et ce, sans affecter nos droits REER actuels. Ce montant admissible ne sera donc pas imposable immédiatement.» On examine aussi le régime de retraite de notre ancien employeur, s’il y a lieu, en demandant quels seront les effets de notre départ sur celui-ci.

La perte d’un emploi est un bon moment pour refaire son budget et s’assurer d’avoir un fonds d’urgence pour affronter les imprévus. On peut demander une consultation budgétaire auprès d’une Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de notre région. Cela nous permettra de faire un bilan réaliste de notre situation financière et de voir si on peut réduire certaines dépenses superflues. Peut-être décidera-t-on de vendre notre voiture ou encore, de la garder plutôt que l’échanger pour une neuve comme prévu. On veut s’assurer de couvrir les paiements essentiels et, si possible, éviter de nous endetter ou de piger dans notre épargne.

Ce que dit la loi

Plusieurs raisons peuvent amener un employeur à licencier un employé. Ce pourrait être pour des raisons économiques comme des difficultés financières, des motifs organisationnels tels une restructuration d’entreprise ou encore, une réorganisation des tâches. Certains vont invoquer des raisons techniques, par exemple une innovation technologique qui permet d’automatiser le travail. Pensons à une chaîne de montage dans une usine. «L’employeur qui rompt le lien d’emploi de manière définitive devra être en mesure de démontrer pourquoi il n’a plus besoin de son employé ou ne souhaite plus recourir à ses services», précise Mélanie Vincent, vice-présidente aux normes du travail à la Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui applique la Loi sur les normes du travail (voir encadré).

Il est également important de distinguer le congédiement du licenciement. Dans le premier cas, l’employeur met fin au contrat de travail de l’employé de façon irréversible pour des raisons disciplinaires ou parce qu’il n’est plus en mesure d’exécuter ses tâches. «Pour un congédiement, à moins d’une faute grave de l’employé, l’employeur devra généralement démontrer qu’il y a eu une gradation dans les sanctions», précise Mélanie Vincent. Par exemple avec un avis écrit, une suspension temporaire et ultimement un congédiement. Si le travailleur estime que son employeur l’a fait sans raison valable, il pourrait déposer un recours auprès de la CNESST. Il faut alors cumuler un minimum de deux années de service. L’employeur pourrait donc avoir à se justifier devant un tribunal.

Une modification substantielle et injustifiée des conditions du contrat de travail d’un employé pourrait ainsi devenir un moyen détourné de congédier un employé. C’est ce qu’on appelle parfois le congédiement déguisé. Pensons à une baisse importante et subite du salaire ou la réaffectation à un poste différent à de conditions moins intéressantes. Le travailleur pourrait d’ailleurs être amené à devancer son employeur en démissionnant. Un tribunal pourrait examiner si ce dernier a des motifs valables et réels pour justifier le licenciement et déterminer que le congédiement était justifié.

Bon à savoir: un employeur qui rompt le lien d’emploi d’un travailleur doit lui remettre un avis de cessation d’emploi par écrit et dans les délais prévus par la loi. «Ceci afin de donner du temps à la personne pour rebondir et limiter les impacts de la fin d’emploi», remarque Mélanie Vincent. Si on compte de trois mois à un an de service continu, on doit nous donner minimalement une semaine d’avis. D’un an à cinq ans, ce terme grimpe à deux semaines, cinq à 10 ans: quatre semaines et finalement, huit semaines pour ceux qui ont 10 ans ou plus de service continu. Ceci nous permet de rester en poste et conserver notre plein salaire durant cette période. Si l’employeur omet de remettre l’avis de cessation d’emploi, l’employeur devra alors verser une indemnité compensatrice équivalente aux termes prescrits.

Bien sûr, certains travailleurs, notamment dans l’entreprise privée, reçoivent des indemnités de départ beaucoup plus avantageuses. «Cela dépend aussi des conditions au contrat de travail ou des ententes convenues entre l’employé et son employeur», rappelle Mélanie Vincent. Peu importe les raisons de notre licenciement, on doit nous verser l’ensemble de la rémunération qui nous est due comme notre salaire, nos heures supplémentaires et l’indemnité de vacances.

Quant aux prestations d’assurance-emploi, on y a généralement droit si on a perdu notre boulot sans en être responsable. Il faut toutefois être en recherche active d’un autre travail. Et mieux vaut faire notre demande de chômage le plus rapidement possible après avoir cessé de travailler même si notre employeur n’a pas encore produit de relevé d’emploi. « Ceux qui attendent plus de quatre semaines après leur dernier jour de travail risquent de perdre des semaines de prestations», souligne-t-on sur le site d’Emploi et Développement social Canada.

Pour plus d’infos: cnesst.gouv.qc.ca, 1 844 838-0808.

Employés au fédéral: des différences

Les travailleurs d’une entreprise de juridiction fédérale comme une société d’État ou une banque ne sont pas couverts par les normes découlant de la Loi sur les normes du travail. C’est plutôt le Code canadien du travail qui s’applique. Les protections minimales sont semblables aux lois provinciales bien qu’un peu différentes. Par exemple, un employeur dont les activités sont de compétence fédérale qui décide de licencier un employé doit également lui donner un préavis écrit d’au moins deux semaines.

À défaut de le faire, il doit lui payer une indemnité égale à deux semaines de salaire. Cette période de préavis peut aller jusqu’à huit semaines pour un employé comptant huit années de service ininterrompues ou plus. Il faut minimalement avoir travaillé pendant trois mois pour y avoir droit. Quant à l’indemnité de départ, elle correspond au plus élevé des deux montants suivants: deux jours de salaire par année d’emploi complète ou cinq jours de salaire. Il faut cependant cumuler 12 mois ou plus de service continu avec un même employeur. En cas de congédiement justifié ou si le travailleur met fin à son emploi volontairement, il n’y a pas d’indemnité versée ou de préavis donné.

Pour plus d’infos: canada.ca.

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