Une journée en CHSLD

Une journée en CHSLD

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: Photo: Charles Briand

Environ 40 000 personnes vivent en CHSLD au Québec, soit un peu plus de 2 % des personnes âgées de 65 ans et plus. Le mandat actuel de ces institutions est d’héberger essentiellement des aînés souvent lourdement affectés, physiquement ou psychologiquement. Comment y vit-on? Le CHSLD de Valcourt, en Estrie, a généreusement accepté de nous ouvrir ses portes.

6 h 45

Nicole Flibotte, infirmière auxiliaire, commence sa journée. Cela fait 25 ans qu’elle travaille au CHSLD de Valcourt, qui héberge une quarantaine de résidents. «Mes conditions de travail sont meilleures qu’elles l’ont déjà été.» Sa plus grande motivation? Les gens, tout simplement. «J’aime interagir avec eux et savoir que, grâce à mes soins, ils se sentent un peu mieux.» Nicole commence sa tournée: médicaments, prises de sang, pansements à faire ou à changer. Et réagir à l’inattendu, souvent. «Une chute, un malaise, une blessure… il arrive régulièrement des imprévus qui font que nos journées sont toujours bien remplies!» 

Nicole Jobin/Photo: Charles Briand

Photo: Charles Briand

7 h 15

C’est au tour de Nicole Jobin d’entamer sa journée. La préposée aux bénéficiaires travaille ici depuis quatre ans. «En équipe de deux, on commence par faire le tour des chambres et lever les personnes réveillées. Les autres, on les laisse dormir: on essaie le plus possible de respecter le sommeil de chacun.» La toilette suit, à la débarbouillette. «Mais on s’assure de bien nettoyer les gens partout», insiste Nicole. Chaque résident reçoit un bain ou une douche par semaine. Pour pouvoir donner le bain plus souvent à un résident qui le souhaiterait, il faudrait soit couper d’autres services, soit avoir plus de personnel, car ceux qui travaillent ici ne peuvent guère en faire davantage. «Il faut comprendre que donner un bain à un résident peut être long et pas toujours évident. Certains ne veulent pas et se braquent. On doit y aller avec beaucoup de douceur. Un seul bain prend parfois plus d’une heure.»

La plupart des résidents portent une culotte d’incontinence, changée trois ou quatre fois par jour. «Personnellement, je ne pourrais pas laisser une personne dans une culotte très souillée. Mais la nuit, on ne réveille pas non plus les gens pour les changer, à moins d’un dégât vraiment important.» Après la toilette, c'est le déjeuner. Certains auront besoin d’aide pour manger, d’autres toucheront à peine à leur assiette. Comme Mme Paulette Desgagné, 84 ans, qui n’a pas beaucoup d’appétit, peut-être à cause de ses médicaments, dit-elle. Mais elle est contente: sa fille doit venir la chercher cet après-midi. 

8 h 30

Julie Desfossés est chef de service. Son défi? Arriver à coordonner les différents services – préposés, infirmières, personnel de maintenance, d’hygiène et de salubrité, équipe de loisirs, cuisinières – et à faire en sorte de partager un seul et même objectif: le bien-être des résidents. «On essaie d’appliquer la philosophie de milieu de vie, de respecter le plus possible les habitudes de chaque personne et de favoriser ce qu’il leur reste d’autonomie.» 

9 h 30

À cette heure-ci, tout le monde a fini de déjeuner. Ou presque. Une dame mange une rôtie, assise dans son fauteuil roulant, près du poste central. «On n’est pas très stricts à cet égard», commente Julie. Une dizaine de résidents sont rassemblés près de ce lieu stratégique où transitent infirmières, préposés, personnel d’entretien et autres. C’est le système nerveux de la maison.

10 h 30

Avec un autre groupe de résidents, Paulette s’en va jouer au ballon. Hier, elle est allée à la messe. En plus des deux messes hebdomadaires, une activité est organisée presque chaque jour. Elles sont d’ailleurs affichées sur un tableau, dans un couloir: cinéma, jeu de raquette, bingo… «J’adore ça ici, raconte Paulette. Surtout pour les gens qui y travaillent, ils sont vraiment gentils et sourient tout le temps.» Paulette aussi sourit beaucoup. Elle confie qu’elle est contente parce que sa fille vient la chercher régulièrement pour passer une ou deux journées chez elle. 

11 h 30

Et les repas? «C’est souvent bon, assure Paulette. Mais des fois, c’est moins bon.» Aujourd’hui, filet de porc ou poulet à l’origan, gâteau cappuccino. «Une nutritionniste élabore les menus, en essayant de tenir compte des goûts de chacun, explique Julie Desfossés. Il y a toujours deux choix offerts.» Les plats qui ne sont pas passés dans le mixeur ont une allure plus que correcte. Les autres présentent une texture moyennement appétissante, mais quel autre choix auraient les cuisinières? Plus de la moitié des résidents ont de la difficulté à déglutir. Le dîner se passe sans heurt. Certains se font aider pour manger. Deux préposés se promènent d’une table à l’autre, répondant aux besoins et en devinant plusieurs.

Gaétan Nadeau/Photo: Charles Briand

Photo: Charles Briand

13 h 30

Le dîner terminé, plusieurs se reposent dans leur chambre – ici, chaque résident a sa propre chambre – ou près du poste central. Gaétan Nadeau a aussi fini de manger. Intervenant en soins spirituels, il s’arrête à Valcourt une fois par semaine. «Je suis là pour accompagner les résidents et leur famille, quelle que soit leur confession, pour les écouter et les soutenir, selon leurs besoins.» Une oreille et un soutien moral…

14 h 30

Une résidente se fait coiffer au salon de coiffure, aménagé dans un petit local. Dans le couloir, Paulette est visiblement agacée par la ceinture qui la maintient dans son fauteuil roulant. «Elle sonne pour rien!» Problème technique. Une préposée détache la ceinture. «On n’utilise pas la contention, explique Julie Desfossés. S’il faut maintenir une personne attachée momentanément, c’est vraiment exceptionnel. Par contre, on dispose de ces ceintures pour certains résidents, surtout ceux qui sont sujets aux chutes, comme Madame Desgagné. Lorsqu’elle détache sa ceinture, cette dernière émet un bip, et une préposée vient l’assister.» 

Nicole Flibotte achève son quart de travail. Tout au long de sa journée, elle a profité de ses quelques petites fenêtres de temps libre pour aider une préposée, faire marcher une résidente, jaser avec un autre. «J’aime vraiment mon travail, mais ce que je trouve difficile, ce sont les cas d’agressivité. Quand un résident se montre violent, même si ce n’est pas sa faute, ce n’est pas toujours évident.» N’empêche. Demain, Nicole sera là à 6 h 45. 

15 h 30

Dans le passage, deux personnes, visiblement de l’extérieur. Peut-être des visiteurs puisqu’ici, il n'y a pas d’heures de visite. «Familles et amis sont libres de venir quand ils veulent», confirme Julie. Il pourrait aussi s’agir de la travailleuse sociale, qui vient de temps en temps, de l’ergothérapeute ou de l’un des 125 bénévoles qui partagent leur temps entre les différents CHSLD de la MRC Val-Saint-François. 

16 h 30

La salle à manger recommence tranquillement à s’animer à l’approche du souper. Cuisinières et préposés s’affairent. Une résidente souhaite manger dans sa chambre. Un autre n’a pas faim. Un autre encore mangerait par contre pour deux. La fille de Paulette est venue la chercher à 16 h. Sa maman en avait parlé toute la journée, les yeux brillants…

18 h

«Juste après le souper, c’est le gros rush, témoigne Nicole Jobin. Rendus à cette heure-là, la plupart des résidents sont fatigués et veulent aller dormir. La routine du coucher commence. Des fois, à cause de la fatigue justement, il y a de l’impatience, et même des crises de la part de certains. Le défi, c’est d’essayer de toujours garder mon calme et de rester empathique. Les sourires qui parsèment la journée et les expressions de satisfaction m’aident en revanche. Sentir qu’on fait du bien à quelqu’un, ça a beaucoup de valeur!» 

19 h 30

Le jour, ils sont six préposés aux bénéficiaires, une infirmière en charge et deux infirmières auxiliaires. Le soir, quatre préposés, une infirmière en charge et une infirmière auxiliaire. Et la nuit, deux préposés et un infirmier. Suffisant? Personne ici ne rechignerait à l’idée d’avoir quelques bras de plus. «On travaille avec des personnes, et tout le monde souhaiterait avoir plus de temps pour encore mieux s’en occuper, convient Julie Desfossés. Dans cette optique-là, c’est sûr qu’on souhaiterait avoir encore plus gens qui travaillent ici.» Du cœur, par contre, il n’en manque pas… 

21 h

La nuit enveloppe les lieux. La plupart des résidents dorment. Quelques-uns écoutent la télévision. Peut-être, derrière une porte, l’un sonnera sa cloche parce qu’il a besoin d’aide pour aller à la salle de bains. L’autre fera une petite promenade dans les couloirs, incapable de trouver le sommeil. Le personnel veille. 

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