J’entraîne ma mémoire!

J’entraîne ma mémoire!

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: Olav Ahrens Røtne via Unsplash

Notre mémoire nous joue des tours? Il n’y a peut-être pas lieu de s’inquiéter pour autant… et on peut éviter que ces oublis ne se multiplient. Quelles stratégies faut-il adopter? 

Où ai-je laissé mes lunettes? Où est passé mon téléphone? Que suis-je venu faire dans cette pièce? Rien n’est plus frustrant que de ne pas se le rappeler! Évidemment, quand notre mémoire commence à déraper, on s’inquiète.

C’est notamment le cas de Nicole, 61 ans. «J’ai l’impression que j’oublie plus souvent qu’auparavant. Hier, j’ai oublié d’appeler une amie pour son anniversaire. La semaine dernière, j’étais incapable de me souvenir du titre d’une pièce de théâtre que j’ai vue; ça m’est revenu une heure plus tard. Aujourd’hui, je ne me rappelais plus le nom d’une ancienne collègue.»

Il faut dire que Nicole supervise actuellement des rénovations à sa maison et planifie une fête-surprise pour son conjoint, en plus d’occuper un emploi exigeant. Pas surprenant que sa mémoire flanche plus souvent! Cela dit, comment savoir si nos oublis sont anodins ou s’ils doivent être pris au sérieux? 

Est-ce normal?

Plus on vieillit, plus on remarque nos trous de mémoire. Il faut dire qu’en vieillissant, on redoute le déclin cognitif et on est donc davantage à l’affût des premiers symptômes. Pourtant, a priori, il n’y a pas là de quoi s’affoler. «Souvent, les gens ont tellement de choses en tête qu’ils oublient forcément certaines informations», affirme le Dr Alain Robillard, neurologue spécialisé en cognition à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal.

«C’est comme dans un bol de soupe: si on en met trop, il déborde, ajoute l’expert. L’inattention explique aussi de nombreux trous de mémoire. Si on pense à autre chose en déposant un objet, par exemple, le cerveau n’enregistrera pas le geste. La mémoire peut également être perturbée de façon ponctuelle par certains facteurs, dont le manque de concentration, les horaires surchargés, la fatigue, la dépression, l’apnée du sommeil, des médicaments, une déficience en vitamine B12, la maladie ou le stress. Cela dit, il est tout à fait normal d’oublier davantage en vieillissant, notamment parce que la capacité à récupérer les données en mémoire ralentit. Mais qu’on se rassure: les informations ne sont pas disparues, elles sont juste plus difficiles à retrouver. Quand on oublie le nom d’une personne ou ce qu’on a mangé la veille, l’information nous échappe sur le moment, mais elle finit par revenir. En général, lorsque les gens sont conscients de leurs oublis, ils ne souffrent pas d’une pathologie dégénérative.» 

En d’autres mots, ce n’est pas parce que notre mémoire nous joue des tours que la maladie d’Alzheimer nous guette. On ne s’alarme donc pas si nos trous de mémoire restent occasionnels et sans incidence sur notre vie. C’est plutôt fâchant, parfois gênant, mais pas dramatique. En revanche, il faut consulter lorsque nos oublis augmentent (surtout concernant des faits récents), qu’ils s’accompagnent de troubles du jugement et du raisonnement, qu’ils affectent nos activités quotidiennes et qu’ils alertent notre entourage. Ça pourrait indiquer un problème sérieux, dont une démence (alzheimer) ou une maladie apparentée (dégénérescence fronto-temporale, maladie à corps de Lewy, maladie de Creutzfeldt-Jakob, etc.). «Les gens souffrant de troubles cognitifs irréversibles n’arrivent pas à se souvenir, confirme le DRobillard. L’information reste manquante, même si on les remet dans la situation ou qu’on leur fournit des indices.» 

Info: Société Alzheimer du Canada, à alzheimer.ca.  

Pour renforcer mes neurones

En maintenant notre esprit alerte, on peut réduire les risques d’être atteint de démence ou, du moins, retarder sensiblement l’apparition des symptômes. Voici 10 stratégies pour préserver notre vivacité d’esprit. 

1 Je stimule quotidiennement mes méninges. Tous les spécialistes s’entendent pour dire que la meilleure façon de conserver nos neurones, c’est de s’en servir le plus souvent possible. Jouer aux échecs, au bridge, au sudoku, au scrabble ou à des jeux de mémoire, faire des casse-tête et des mots croisés, lire, écrire, suivre des cours (danse, langue, musique, etc.) ou bricoler sont autant d’activités qui aident à rester mentalement actif. Plus on met notre cerveau à contribution, plus il se crée de connexions entre les neurones. Attention: ce n’est pas en faisant des sudokus toute la journée qu’on préservera notre santé cognitive. «Les neurones sont comme les muscles, ils doivent être sollicités pour bien performer, rappelle le Dr Alain Robillard. Mais pour activer tous les circuits du cerveau, il faut varier les activités, car chacune ne stimule qu’une partie du cerveau à la fois. Et les circuits peu stimulés finissent alors par s’affaiblir.»

2 Je me donne des défis mentaux. Retenir les paroles d’une chanson, mémoriser une courte liste d’épicerie ou un poème, prendre régulièrement un chemin différent pour exercer notre orientation et notre mémoire visuelle, mémoriser les numéros de téléphone au lieu de les récupérer sur notre cellulaire, apprendre une langue étrangère… Voilà autant de façons efficaces de faire travailler notre matière grise!

3 Je fais des liens. Selon le Dr Robillard, créer des associations est une excellente manière de retenir les informations et d’améliorer notre mémoire. «Plus il y a d’entrées menant aux souvenirs, plus on a de chances de les retrouver. Par exemple, si on nous présente Pierrette Chevalier, on peut recourir à l’imagerie mentale en la figurant sur un cheval avec un preux chevalier ou en l’associant à notre cousine Pierrette! On peut lier les quatre derniers chiffres d’un numéro de téléphone à un événement significatif, par exemple 1945 et la fin de la Deuxième Guerre mondiale.» Autre stratégie: regrouper les éléments par catégorie, couleur, grandeur, etc. On utilise également nos mémoires visuelle, auditive, olfactive et tactile: l’évocation d’une odeur, d’une saveur, d’une couleur, d’une musique ou d’une texture peut suffire à réveiller des souvenirs. 

4 Je surveille ma santé. D’après de nombreuses études, les facteurs de risque liés aux maladies cardiovasculaires (hypertension, obésité, diabète, hypercholestérolémie, tabagisme, etc.) prédisposent à la démence. «Le cerveau est alimenté et activé par le sang, explique notre expert. Quand il y a un durcissement des artères, le sang circule plus difficilement, ce qui affecte le fonctionnement du cerveau. Un bon contrôle de ces facteurs permet de retarder l’apparition des maladies cognitives de plusieurs années.» 

5 Je protège ma tête. Les traumatismes crâniens peuvent altérer la mémoire et augmenter le risque de démence. On en limite les risques en portant un casque à vélo et sur les pentes de ski, et en bouclant notre ceinture de sécurité en voiture. 

6 Je bouge. Faire de l’exercice physique active la circulation sanguine et assure, par ricochet, une oxygénation optimale du cerveau, d’où une meilleure santé cognitive. «Des études ont clairement démontré que les gens actifs préservent mieux leurs fonctions cognitives que les personnes sédentaires.» Il suffit d’un minimum de 20 minutes d’exercice modéré par jour (marche rapide, natation, danse, etc.) pour améliorer la mémoire. 

7 Je me nourris bien. On connaît les bienfaits d’une saine alimentation sur la santé en général, mais on oublie souvent son impact réel sur la santé du cerveau. Selon certaines recherches, bien manger peut non seulement activer les neurones, mais également retarder les problèmes cognitifs. La bonne idée? Adopter le régime méditerranéen, riche en poissons, huile d’olive, fruits et légumes, et pauvre en gras et en viande rouge.

8 Je m’ouvre aux autres. Pour dynamiser les méninges, rien de mieux qu’une vie sociale active. «Les gens qui habitent seuls ou qui s’isolent risquent des atteintes cognitives beaucoup plus tôt que ceux qui maintiennent un bon réseau social», précise le Dr Robillard. L’interaction avec les autres garde le cerveau alerte. On pourrait par exemple faire du bénévolat, se joindre à un groupe sportif, voyager, échanger davantage avec nos amis et collègues… Bref, profiter de la vie en s’entourant!   

9 Je diminue mon stress. Ce dernier peut entraver le processus de mémorisation et amoindrir les fonctions cognitives. Durant les périodes de stress, on veille donc à neutraliser ces effets négatifs en pratiquant régulièrement des activités de relaxation, comme le yoga et la méditation. 

10 Je dors bien. Des recherches ont aussi clairement démontré le rôle du sommeil dans le processus de mémorisation. Lorsqu’on dort, le cerveau évacue les substances toxiques accumulées au cours de la journée, intègre les nouvelles informations et consolide les apprentissages. Si on ne dort pas suffisamment ou qu’on ne dort pas bien, notre mémoire fonctionnera au ralenti.

Devrais-je consulter? 

Nos trous de mémoire cachent-ils un problème important? Pour mieux le savoir, on coche les affirmations qui nous concernent.

–  J’ai de plus en plus de mal à me rappeler des événements, des noms et des prénoms de personnes familières, ainsi que des numéros de téléphone ou des codes.

 – Je répète plusieurs fois la même chose parce que j’ai oublié l’avoir déjà dite.

 – J’ai de la difficulté à suivre un film, une émission de télé ou une conversation.

 – Je me perds, même près de chez moi. 

–  Je dois tout noter pour ne rien oublier.

–  J’ai du mal à apprendre des choses nouvelles ou à retenir de nouvelles informations.

On a coché certaines de ces affirmations? Mieux vaut alors en parler à notre médecin. 

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