Dangereuses, les ondes?

Dangereuses, les ondes?

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: rawpixel via Unsplash

Les ondes électromagnétiques ont toujours existé, mais les progrès technologiques les ont multipliées de façon exponentielle. Sont-elles devenues une menace? On fait le point sur le sujet. 

Les ondes électromagnétiques proviennent d’un champ électrique couplé à un champ magnétique. Le premier se crée lorsqu’un appareil est mis sous tension sans néanmoins être en marche. Le second existe lorsque l’appareil est allumé, et sa puissance dépend de l’intensité du courant électrique. Une chose essentielle à retenir: plus on est près de la source d’exposition, plus intense est notre exposition, et le contraire est aussi vrai.

«Si les ondes causaient des effets néfastes, ils proviendraient essentiellement d’une source locale, soit notre téléphone, explique Mathieu Gauthier, conseiller scientifique à la Direction de la santé environnementale et de la toxicologie à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). On s’inquiète des lignes à haute tension, mais le téléphone nous expose bien davantage aux ondes. Même notre réveille-matin émet plus d’ondes que la ligne à haute tension qui se trouve à 300 mètres à l’extérieur!» Un autre exemple? Un rasoir électrique en marche génère un champ d’environ 800 microteslas à un centimètre du visage. Mais cette exposition est de courte durée et n’a donc pas d’effets nuisibles pour la santé. 

Pas toutes égales

Parmi les ondes électromagnétiques, on trouve les ondes radio, les micro-ondes, les infrarouges et la lumière visible. Ces ondes sont émises par nos appareils électriques, nos écrans, nos cellulaires, le wifi, le Bluetooth, les lasers, etc. Ces ondes se classent selon leur longueur et leur fréquence, c’est-à-dire qu’elles transportent plus ou moins d’énergie sur une plus ou moins longue distance. Dans ce spectre, il y a aussi les ondes ionisantes, comme les UV, les rayons X et les rayons gamma.

Le danger des ondes ionisantes a été maintes fois prouvé et reconnu: elles peuvent causer des brisures dans les chaînes d’ADN et augmenter ainsi les risques de cancer. Les autres sont-elles inoffensives pour autant? Bien qu’un nombre important d’études sur les dangers des ondes électromagnétiques pour la santé humaine avancent qu’elles n’ont pas d’impacts significatifs, leurs détracteurs estiment le contraire. Pourquoi? «Parce que les données et les résultats des différentes études sont ambigus et parfois contradictoires, explique le DJack Siemiatycki, professeur en médecine sociale et préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Ça laisse donc beaucoup de marge à l’interprétation, et les experts peuvent interpréter les mêmes données de différentes façons. Il y a parfois aussi des intérêts précis derrière ces interprétations.» Mathieu Gauthier en convient: «Derrière certaines recherches se trouvent des géants des télécoms, d’où la suspicion de certains, mais de nombreuses études indépendantes arrivent aux mêmes conclusions.» 

Certaines recherches ont néanmoins semé le doute… surtout en ce qui concerne l’utilisation des téléphones cellulaires. Des scientifiques, mais également des groupes de citoyens, affirment que le danger est bien réel. Certaines personnes, qualifiées d’électrosensibles, se considèrent intolérantes aux ondes électromagnétiques et disent souffrir, à cause d’elles, de divers symptômes comme des maux de tête, de la difficulté à se concentrer, des troubles du sommeil, etc. Selon Santé Canada, environ 3 % de la population canadienne a d’ailleurs reçu un diagnostic médical d’hypersensibilité environnementale (chimique ou électromagnétique). 

Risqué ou non?

«Les études des dangers potentiels des ondes électromagnétiques pour la santé humaine ont commencé en prévention de ces dangers et non en réaction à des cas précis, explique Mathieu Gauthier. Une faible exposition à ces ondes n’a pas d’effets nuisibles sur la santé.» De nombreuses études abondent dans le même sens, avec parfois quelques nuances. Le Dr Siemiatycki faisait partie des scientifiques responsables de la recherche Interphone, commandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au début des années 2000 sur l’impact de l’utilisation du cellulaire relativement aux risques de cancer. Résultat? «On avait noté qu’après un cumul de 1640 heures d’utilisation de l’appareil, les risques de développer un cancer du cerveau – un gliome – augmentaient légèrement», explique le spécialiste. À la suite de cette étude épidémiologique menée dans 13 pays, l’OMS avait déclaré les cellulaires comme étant de possibles agents cancérigènes. 

Le Dr Paul Héroux, physicien et directeur du programme de Santé au travail de l’Université McGill, s’intéresse depuis longtemps à l’impact des champs électromagnétiques sur la santé. Son opinion est claire: les dangers des ondes sont réels. «Avec notre téléphone collé sur notre tête, on est plus que jamais exposé aux ondes électromagnétiques.» Un sondage mené par l’Agence canadienne pour les enregistrements Internet indiquait que les Canadiens utilisaient leur téléphone intelligent quatre heures quotidiennement pour parler, mais surtout pour accéder au Web.

Le Dr Héroux ajoute que ces effets nocifs dépassent les risques de cancer du cerveau, comme en faisait d’ailleurs état en 2007 la recherche de Bioinitiative, un groupe de 14 scientifiques d’un peu partout dans le monde. L’étude révélait qu’en plus d’augmenter potentiellement les risques de cancers, l’exposition aux ondes électromagnétiques accroissait les risques de développer des maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer, etc.) et avait un impact néfaste sur la fertilité. En 2012, ce même groupe d’experts avait passé en revue 1800 nouvelles études et considérait que certains groupes de personnes étaient plus à risque, comme les utilisateurs de cellulaire, les jeunes enfants et les femmes enceintes.

De plus, Bioinitiative indiquait que les normes de sécurité quant à l’exposition aux ondes électromagnétiques de la plupart des pays étaient largement insuffisantes et qu’elles devaient absolument être resserrées. Ici, Santé Canada a établi ces normes en se basant sur les normes internationales. «Les normes de Santé Canada sont similaires à celles de bien d’autres pays, affirme Mathieu Gauthier. Elles comportent aussi un “facteur de sécurité”, c’est-à-dire qu’aux standards jugés sécuritaires, on ajoute une marge de sécurité en les rendant encore plus strictes.»

On se rappelle le débat autour des lignes à haute tension susceptibles de causer la leucémie chez les enfants ou encore le bogue des compteurs intelligents, ces appareils créés pour remplacer les compteurs électriques et qui relèvent les données grâce aux ondes radio. Ici encore, les constats divergent, mais la majorité n’y voit aucun risque prouvé pour la santé. Et dans 10, 20 ou 30 ans? «On ne peut prédire l’avenir, admet Mathieu Gauthier, mais les études menées sur des animaux ou des cellules en laboratoire n’augurent rien en ce sens. Il est néanmoins pertinent de poursuivre les recherches, tout le monde en convient.»  

Que peut-on faire?

On n’est pas tout à fait convaincu de l’innocuité des ondes électromagnétiques? Comme on ne peut pas vraiment s’isoler sur une île déserte ni se couper totalement de ces ondes, on se rassure néanmoins en adoptant certaines précautions…

 

 On diminue l’utilisation de notre cellulaire et on se dote d’un kit mains libres. Plus on est proche de la source des ondes de radiofréquence, plus celles-ci sont fortes: tenir notre téléphone près de notre oreille entraîne une exposition beaucoup plus élevée qu’avec le wifi ou le Bluetooth. 

 On s’assure que notre four à micro-ondes est en bon état. Aucune étude n’a prouvé que les micro-ondes augmentaient les risques de cancer. Mais si on veut s’assurer que les taux de radiations électromagnétiques respectent les normes, on veille à bien entretenir notre four, comme le recommande Santé Canada. 

 Puisque la «loi de proximité» s’applique à tous les appareils qui émettent des ondes (radio-réveil, ampoule fluocompacte, téléviseur, etc.), on garde ces derniers éloignés à plus d’un mètre des endroits où l’on passe plusieurs heures d’affilée, par exemple notre lit.

Plusieurs recherches concernant les risques potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé continuent d’être menées. Par exemple, des études de cohorte prospective (lorsqu’on compare un groupe exposé à l’incidence d’une maladie et un autre qui ne l’est pas) sur l’utilisation du cellulaire sont actuellement en cours. On éprouve des symptômes liés à l’électrosensibilité (sommeil perturbé, picotements dans le corps, maux de tête, sifflements dans les oreilles, etc.)? Bien que les recherches n’aient pas encore démontré de liens causals entre l’exposition aux ondes électromagnétiques et ces symptômes, cela ne veut pas dire qu’ils n’existent pas. On peut diminuer le plus possible notre exposition aux ondes, améliorer nos habitudes de vie (relaxation, alimentation saine, exercices, etc.) et poursuivre l’investigation des symptômes éprouvés auprès de spécialistes reconnus.

Une des meilleures façons de se rassurer est d’être bien informé. Ce qui n’est pas toujours facile, avouons-le, surtout quand les informations se contredisent. Quelques réflexes à adopter pour nous aider: vérifier la provenance des renseignements, la formation et l’expérience des spécialistes qui les véhiculent, et s’informer auprès de diverses sources valables.

Pour en savoir plus 

• On va sur le site de l’INSPQ (inspq.qc.ca) ou de l’OMS (who.int/fr) et on inscrit «ondes électromagnétiques» dans le moteur de recherche. On obtiendra ainsi pas mal d’informations pertinentes. 

• Le gouvernement du Québec a réalisé une publication sur le sujet: Démystifier les radiofréquences. On la trouve sur le site quebec.ca, dans la section Santé, sous les titres «Conseils et prévention», puis «Santé et environnement» et «Radiofréquences». 

• Sur le site du Pharmachien, une vidéo traite également de la question: Compteurs intelligents, ondes dangereuses et électrophobie, à lepharmachien.com/ondes.

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