Manger gras, ça fait vraiment maigrir?

Manger gras, ça fait vraiment maigrir?

Par Isabelle Huot

Crédit photo: iStock

Le livre Perdre du poids en mangeant du gras avec l’alimentation cétogène et faible en glucides a propulsé cette diète au sommet des régimes à succès. Mais miser sur le gras, est-ce réellement recommandable?

Popularisée dans les années 1920 pour traiter l’épilepsie chez les enfants, la diète cétogène est encore utilisée aujourd’hui pour soigner l’épilepsie réfractaire chez les petits. Elle suscite beaucoup d’intérêt depuis la récente publication de divers ouvrages alléguant ses bienfaits sur la perte de poids et certains problèmes de santé, dont le diabète, le cancer et les troubles cognitifs.

Le principe de base

Une alimentation normale est composée de la répartition énergétique des nutriments: de 45 à 65 % sous forme de glucides, de 10 à 35 % sous forme de protéines, et de 20 à 35 % sous forme de lipides. Il s’agit du modèle prôné par plusieurs instituts de santé publique, dont l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Ce que propose la diète cétogène, c’est de réduire l’apport en glucides à 5 %, et d’accroître le taux de lipides jusqu’à 70 à 80 % de l’apport calorique. Un renversement total de ce qu’on propose habituellement, alors que seulement 20 à 50 g de glucides sont recommandés au quotidien!

Le corps utilise essentiellement les sucres (glucides) comme source d’énergie; or, quand on suit la diète cétogène, les réserves de sucres s’épuisent rapidement (en 24 à 36 heures). L’organisme doit donc subvenir à ses besoins énergétiques autrement, c’est-à-dire en utilisant les corps cétoniques, issus de la dégradation des graisses par le foie, au lieu du sucre pour nourrir les cellules musculaires et celles du cerveau. Ces corps cétoniques ont aussi la propriété de couper l’appétit, si bien que, lorsqu’ils sont abondants, on ne souffre plus du tout de la faim. Cela explique pourquoi les personnes qui suivent cette diète maigrissent: elles mangent tout simplement moins! 

Une journée type

La diète cétogène exclut tous les produits céréaliers, les légumineuses et le lait. Elle restreint la consommation de fruits, à part les petits fruits contenant peu de glucides (les fraises, par exemple). Les légumes priorisés sont aussi ceux qui renferment le moins de glucides, comme les légumes verts feuillus. Le menu est donc axé sur la viande, le beurre, la margarine, la crème, l’huile de coco, le lait de coco, les noix, les avocats, les graines et les huiles. 

EXEMPLE DE MENU QUOTIDIEN DE LA DIÈTE CÉTOGÈNE

Déjeuner

– Omelette avec fromage cheddar et crème

– Boisson d’amandes non sucrée

– 125 ml (½ t) de fraises

Dîner

– Sauté de bœuf avec asperges, huile de canola et sésame

– Avocat et mayonnaise

– Yogourt nature à 10 % de matières grasses

Souper

– Saumon au pesto, au kale et à la crème fraîche

– Spirales de courgettes au lait de coco 


Si certains adeptes misent sur les bons gras (noix, graines, avocat, olives), d’autres n’hésitent pas à consommer bacon, saucisses et autres aliments riches en gras qui ne sont pas considérés comme sains. Cette diète peut par ailleurs rapidement devenir monotone et limiter sérieusement les activités sociales (sorties au restaurant, soupers chez des amis). 

Les effets secondaires

La diète cétogène entraîne chez plusieurs des effets immédiats assez incommodants: mauvaise haleine, nausées, vomissements, migraines, fatigue et hypoglycémie, surtout en début de processus. À long terme, des problèmes de constipation chronique, de calculs rénaux (pierres aux reins), de baisse de densité osseuse, d’altération du bilan lipidique et de carences en vitamines et minéraux comptent parmi les inquiétudes soulevées par les professionnels de la santé.

Les résultats

L’approche cétogène amène une importante perte de poids à court terme (dans les 3 à 6 mois), comme toute autre diète restrictive. Par contre, les études à long terme (plus de 12 mois) sont très décevantes: on parle de 2 kg et moins de perte de poids.

L’apport élevé en gras (surtout en gras saturés) risque d’augmenter le taux de mauvais cholestérol (LDL), au détriment de la santé cardiovasculaire. La hausse du HDL (bon cholestérol) et la chute des triglycérides pourraient en partie compenser la hausse du LDL, mais le faible apport en antioxydants (fruits et légumes) et en fibres n’est guère favorable à une bonne santé cardiaque.

Une alimentation très faible en glucides peut en revanche favoriser un meilleur contrôle glycémique chez les personnes diabétiques. La glycémie et l’hémoglobine glyquée (HbA1c) se trouvent assurément améliorées par cette approche. Les données récentes n’indiquent cependant pas que la diète cétogène soit préférable à une diète contrôlée en glucides (de 20 à 45 % de l’apport énergétique) misant sur les aliments à faible indice glycémique (légumineuses, grains entiers).

Des essais préliminaires semblent démontrer un impact positif de la diète cétogène sur les problèmes cognitifs, notamment sur les cas d’alzheimer. Chez les gens atteints de cette maladie, le sucre et les glucides à indice glycémique élevé affecteraient négativement les performances cognitives. Si une alimentation faible en glucides pourrait donc leur être favorable, il n’est toutefois pas clair encore qu’elle doive être aussi sévère que la diète cétogène. 

L’analyse des études est complexe, car les chercheurs n’adoptent pas tous le même protocole pour évaluer l’approche cétogène, certains utilisant une diète très faible en glucides, et d’autres, modérée en glucides. Bien que des études aient été publiées au sujet de ses effets sur des problèmes de santé mentale (dépression, anxiété), aucun consensus scientifique n’existe sur cette approche diététique. Les données chez l’humain sont encore insuffisantes pour établir des recommandations.

Que faut-il en conclure?

À ce jour, il existe trop peu d’études sur la diète cétogène pour se prononcer sur la question. Cela dit, exclure les grains entiers et les légumineuses de son alimentation va à l’encontre des recommandations de prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers. Si on ajoute à ces deux faits les nombreux effets secondaires de la diète cétogène, on ne peut conseiller cette approche alimentaire. Les diètes qui ont déjà fait leurs preuves (méditerranéenne et végétarienne, notamment) recueillent beaucoup plus d’appuis scientifiques, sans compter qu’elles sont aussi associées à une longévité accrue et à une réduction du risque de maladies chroniques. Mieux vaut donc continuer de s’y fier.

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