Vieillir est inéluctable. Une fois le choc encaissé, les pertes et les transformations acceptées, on s’aperçoit que l’âge a ses avantages. Plus confiant, souvent plus indulgent envers soi-même et envers les autres, on se connaît mieux. Il faut parfois des années pour cesser de lutter contre sa nature et s’accepter tel que l’on est, ce qui ne veut pas dire que l’on ne cherche pas à s’améliorer, mais que l’on cesse de vouloir être un autre…
On assume enfin qui on est et on peut dire ce qu’on pense sans perdre l’affection de ses proches. «Je n’ai plus besoin de prouver quoi que ce soit: il me faut juste faire ce que je fais avec plus de légèreté (mais pas avec moins de sérieux), avec plus de gaieté. Toujours avec davantage d’exigences, mais sans trop de tension», écrit la traductrice et romancière brésilienne Lia Luft dans Pertes et profits, la maturité. Elle avoue d’ailleurs s’amuser beaucoup plus à 65 ans qu’avant, et dans le travail d’abord. «La vie ne doit pas s’arrêter, il faut voyager avec elle et ne pas être frappé de paralysie ni rester en arrière», poursuit-elle.
Du temps pour soi
Plus léger, libéré de bien des contraintes, on a enfin du temps pour soi. Les inéluctables chagrins et deuils de la vie, ces étapes douloureuses, peuvent être suivis d’un certain soulagement. Les enfants sont partis ? Nous voilà disponible, prêt à découvrir une foule de choses que l’on n’avait ni le loisir ni la sagesse d’apercevoir auparavant ! En avançant en âge, on ressent plus que jamais l’urgence de se concentrer sur l’essentiel, et de vivre, bien. On se défait de ce – et parfois de ceux – qui nous encombre pour renouer avec ses rêves anciens, pour assouvir ses désirs.
Comme l’a fait cette dame qui participait à un atelier sur Le Meilleur de soi – titre de l’ouvrage y faisant suite, paru aux Éditions de l’Homme – que donnait le psychanalyste Guy Corneau sur l’élan créateur. Elle avait toujours voulu peindre, raconte le psychanalyste, mais s’était retenue en se disant que l’on ne commence pas à 50 ans… Mais un jour, lasse de se sentir constamment frustrée et de mauvaise humeur, elle s’est inscrite à un atelier de peinture qui a changé sa vie… Elle s’est alors appliquée à «mettre de la couleur» dans son couple, dans son travail, dans toute sa vie. En se permettant de faire ce qu’elle aimait, elle a transformé son univers et celui de ses proches, ce que son mari a confirmé : il ne l’avait jamais vue de si bonne humeur, si attentive à leur relation.
Vieillir, une étape fantastique?
Il n’est jamais trop tard pour surmonter ses craintes et se permettre de faire ce qui nous plaît, ce qui nous nourrit, jamais trop tard pour dresser des plans, pour élaborer des projets. «Ce qui me fait vivre, ce qui me motive à avancer, ce sont les idées et les choses nouvelles, les projets. La vieillesse est une étape fantastique de renouveau ! Je suis comme dans une seconde jeunesse», affirme à 90 ans la conférencière et auteure Marguerite Lescop dans Nous les vieux, dialogues sur la vie et ses choses, un ouvrage dans lequel elle dialogue avec le sage dominicain Benoît Lacroix, doué d’une rare faculté d’émerveillement devant la beauté de la vie. Il remarque, pour sa part, qu’un «adulte, c’est et ça restera toujours un enfant qui a multiplié les années de sa vie»…
Un enfant dont la vie se met tout à coup à passer si vite qu’elle en acquiert une densité particulière. «On vit de manière beaucoup plus dense à mesure que l’on avance. Ma vie est plus dense maintenant qu’elle ne l’était. Pourtant, dans mon enfance, elle était riche, mais elle n’était pas aussi dense», souligne l’écrivaine Antonine Maillet dans Il faut rester dans la parade. Plus la vie est courte, dit-elle, plus les moments sont denses et moins on souhaite gaspiller de temps.
Le beau côté des choses
Plus de temps à perdre donc avec l’amertume et les rancœurs. «J’ai fait un choix: m’attacher, m’acharner à ne voir que le beau et le bon de la vie et trouver des excuses aux mauvais et laids côtés de la vie. Ça garde en santé et retarde la venue des rides!», écrit Janette Bertrand dans Ma vie en trois actes (Libre Expression, 2004).
«Tout est question de perspective, remarque Hubert de Ravinel, cofondateur des Petits Frères des pauvres de Montréal, conférencier et auteur. Il faut changer notre tournure d’esprit. Plutôt que de dire “dommage, avant je pouvais marcher 8 km par jour!”, dire ”quel bonheur je peux encore faire 4 km par jour!”», suggère-t-il. Et l’on y arrive quand on s’attarde aux petites choses qui donnent à la vie tout son charme, quand on apprend à user d’humour et à rire de soi, et quand on savoure le bonheur de se sentir vivant.
«Chaque jour, tout recommence. J’ouvre les yeux, je revois les saisons et la vie. Au bout de 90 ans, on pourrait penser qu’on va se lasser. Mais non!, s’exclame Benoît Lacroix dans Nous les vieux. On peut en avoir assez de toujours s’asseoir sur la même chaise, de voir les mêmes personnes, mais on ne se fatigue jamais d’observer la vie qui se déroule devant nous tel un tapis roulant garni de marcheurs de tous les âges et de toutes les conditions. C’est beau, la vie!»
À lire
Il faut rester dans la parade, par la journaliste Catherine Bergman, qui a recueilli les confidences de 31 personnalités que nous connaissons bien, dont Lise Payette, Jean Coutu, Hubert Reeves…, sur leur chemin du vieillissement. Flammarion, 2005.
Pertes et profits, la maturité. Lya Luft nous invite à regarder avec elle ce que le temps amène en termes de profits et de développement. Métailié, 2005.
Nous les vieux, dialogues sur la vie et ses choses. Marguerite Lescop et Benoît Lacroix ont tous deux franchi le cap des 90 ans. Avec humour et bonhomie, ils discutent des grandes questions de la vie. Propos recueillis par François Lescop, Fides, 2006.
Un âge nommé désir. Féminité et maturité. Régine Lemoine-Darthois et Élisabeth Weissman dévoilent une réalité nouvelle et dérangeante: la maturité chez les femmes est un âge habité par le désir. Albin Michel, 2006.
Mise à jour: octobre 2007
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