On souhaite insuffler de la magie dans la vie de nos petits-enfants et faire en sorte qu’ils se souviennent longtemps de leurs premiers Noëls… Faut-il pour autant aller au-devant de leurs moindres désirs?
Pourquoi tant de cadeaux à nos petits-enfants?
Pourquoi nous faut-il couvrir nos petits de cadeaux ou leur offrir ces trucs hors de prix que leurs parents ne peuvent ou ne veulent leur donner? Pour être aimé? Pour leur faire plaisir? Pour se racheter? Un peu tout cela.
On désire être unique pour nos petits-enfants, on veut qu’ils nous aiment comme on les aime. «On a beau savoir que l’amour n’a rien à voir avec l’argent ou la grosseur des présents, on a l’impression que la valeur de nos cadeaux témoigne de la force de notre amour», remarque Francine Ferland, grand-mère, professeure émérite à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, conférencière et auteure de plusieurs ouvrages sur le développement de l’enfant et la vie familiale, dont Grands-parents d’aujourd’hui, plaisirs et pièges (Éditions du CHU Sainte-Justine).
On les gâte donc sans retenue et sans se demander s’ils perçoivent vraiment cela comme un gage d’amour. En cherchant tant à leur plaire, il se peut qu’on veuille d’abord se complaire, bien égoïstement, de leurs éclats de joie. «On veut les voir heureux et être la cause de ce bonheur-là, sans même penser aux valeurs que cette surabondance véhicule», note la spécialiste. On leur transmet alors le message que cadeaux, argent et biens sont synonymes d’affection et qu’ils importent davantage que l’attention, que le geste d’offrir, que le bonheur d’être ensemble.
Il est possible que, en les comblant ainsi, on tente de se racheter des frustrations de sa propre enfance ou de compenser ce qu’on n’a pu offrir à ses enfants. Plus à l’aise financièrement, les grands-parents peuvent donner à leurs petits-enfants ce qu’ils ont dû refuser à leur progéniture. Et ils ne s’en privent pas. D’autant que, sans s’en rendre compte, certains sont poussés par la rivalité: en achetant ce que les autres grands-parents ne peuvent offrir, ils croient s’assurer la préférence!
Tout offrir à nos petits-enfants: une bonne idée?
La surabondance fait baisser l’intérêt et le plaisir. Le soir de Noël, au moment du dodo, demandez à l’enfant qui a déballé une dizaine de cadeaux de vous dire ce qu’il a reçu. «Il y a de fortes chances pour qu’il n’en indique que quatre ou cinq, soutient Francine Ferland. C’est probablement qu’il y en avait trop.»
Combien de fois entend-on des jeunes dont la chambre est bondée de jouets se plaindre qu’ils ne savent pas quoi faire? «Il y en a tellement que le désintérêt s’installe», constate Francine Ferland en suggérant d’instaurer une rotation: on range certains jouets et on les ressort plus tard pour qu’ils les redécouvrent. «Particulièrement avant Noël, afin que les nouveaux prennent la vedette.» Et pourquoi ne pas profiter des fêtes pour inviter les petits à confier les jouets dont ils ne se servent plus à des organismes (les pompiers, Réno-Jouets à Québec, les centres de la petite enfance, la Saint-Vincent-de-Paul, Jeunesse au Soleil, les hôpitaux…) qui sauront les distribuer?
Noël arrive après des semaines d’incitation à la consommation. Soumis à cette pression, les jeunes réclament ce qu’ils croient indispensable à leur bien-être. En ne voulant pas les léser, on confond parfois besoin réel, effet de mode et envie passagère. On se ruine pour les objets convoités, souvent détrônés sitôt obtenus…
De plus en plus d’enfants voient même leurs désirs comblés non seulement à Noël, mais tout au long de l’année. Ils courent deux risques: devenir de jeunes blasés qui croient que tout leur est dû, et n’être plus capables de rêver. Un marmot qui espère quelque chose depuis longtemps est heureux quand il le reçoit enfin. L’attente et le désir font partie du plaisir. C’est pour ça que le calendrier de l’avent existe! En comptant les jours qui les rapprochent de Noël, les enfants anticipent et s’excitent. C’est pour ça aussi qu’ils écrivent au père Noël des listes qu’ils étirent à souhait. «Mais c’est le père Noël qui choisit, rappelle Francine Ferland. Comme il doit penser à tout le monde, il ne peut apporter tout ce qu’on veut…» Que les petits se le tiennent pour dit!
Choisir le bon cadeau
On désire que les petits-enfants soient contents, surpris si c’est encore possible, ravis de ce qu’on a trouvé en se basant sur leurs centres d’intérêt.
«Il faut s’interroger sur ce qu’on veut transmettre comme valeur, souligne Francine Ferland. Se demander où en est l’enfant dans son développement. Peut-il faire des casse-tête? Se déplacer dans l’espace? Jouer avec d’autres? Cela permet de cibler certains types de cadeaux et de choisir selon ce que cet objet stimule chez lui et ce qu’il lui apporte par rapport à ce qu’il possède déjà.»
Certains décident d’offrir plutôt des bons de sorties, de spectacles, de journées spéciales en leur compagnie… Des mordus de lecture, de sports, de jeux de société choisissent de transmettre leur passion dans la mesure où elle semble vouloir fleurir aussi chez l’enfant.
Une consultation auprès des parents aide à ne pas faire d’impairs. On s’apprêtait peut-être à offrir à notre petite-fille le jeu électronique en vogue qu’ils lui ont refusé pour tel ou tel motif. Ou à donner à notre petit-fils un présent qu’ils lui ont déjà promis moyennant certaines conditions… On leur demande donc suffisamment de suggestions pour avoir le loisir de retenir celle qui nous convient et qui nous plaît, car il importe de préserver le bonheur de donner.
Comment éviter que la distribution se transforme en ruée?
Il y a parfois tant de paquets sous l’arbre que les enfants s’y précipitent à la recherche de ceux qui leur sont destinés, sautant de l’un à l’autre sans prendre le temps d’en jouir.
«Il faut donner une orientation à la distribution, dit Francine Ferland. S’assurer d’une alternance entre enfants et adultes, en veillant à ce que la répartition soit équitable et à ce que tous reçoivent quelque chose. On laisse le temps à chacun de découvrir son cadeau et de se l’approprier, ce qui permet aux autres de le voir heureux de ce qu’il vient de recevoir. On valorise ainsi tant le plaisir de donner que celui de recevoir, et on freine la course.»
À chaque famille d’établir des règles de fonctionnement selon ses valeurs. Mais qu’il y ait quatre, six ou dix enfants à la fête, on voit à ce que tous reçoivent le même nombre de paquets, peu importe la valeur de ce qui est enveloppé. Et si l’on veut qu’ils aient plusieurs cadeaux à déballer sans pour autant nous ruiner, on remplit leurs bas de Noël de petits objets, suggère-t-elle encore. «Tous emballés dans du papier journal, récupération oblige!, ajoute-t-elle. L’enfant est content de les développer, et les grands-parents se réjouissent de le regarder avoir du plaisir longtemps.»
Comment transmettre la magie de Noël?
Les présents ne sont qu’un élément parmi d’autres. Et l’on peut installer la magie de Noël bien avant la fête. «Si l’on valorise les rencontres familiales et le plaisir d’être ensemble, on peut convier les enfants à participer aux préparatifs», suggère Francine Ferland. Les inviter à décorer avec nous l’arbre de Noël, à cuisiner notre dessert traditionnel, à faire des beignes, de la tourtière ou des biscuits, à fabriquer des guirlandes ou à monter une maison en pain d’épice… En instaurant de telles traditions du temps des fêtes, on leur prépare des souvenirs impérissables… au-delà des cadeaux.
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