Fini les angoisses!

Fini les angoisses!

Par Linda Priestley

Crédit photo: iStock Photo

Ça nous arrive à tous d’imaginer que le ciel va nous tomber sur la tête. Certains événements de la vie, comme un pépin de santé, un changement brusque dans notre routine ou tout autre ennui, peuvent nous fragiliser et nous entraîner dans une spirale d’angoisse. En tête de palmarès des éléments susceptibles de nous affoler se retrouvent la mort, l’Alzheimer et les chutes, rapporte Sébastien Grenier, psychologue et directeur du Laboratoire d’étude sur l’anxiété et la dépression gériatrique (LEADER): «Ils constituent les trois principaux sujets d’inquiétude chez les personnes âgées de 65 ans et plus.» S’il est normal de se faire du mauvais sang à l’occasion, et ce peu importe son âge, c’est plus dérangeant quand on s’imagine le pire en permanence. Est-il possible d’apprendre à vivre l’esprit en paix?

Alerte!

Bien entendu, nul n’est à l’abri de craintes après une expérience désagréable, comme une vilaine chute. Mais comment savoir si cela dépasse les bornes? Prenons l’exemple de Marie-France, la cinquantaine vive. Même si l’idée d’une promenade hivernale sur la chaussée glissante lui inspire un léger inconfort, elle enfile ses chaussures à crampons et s’aventure à l’extérieur. «Bien sûr que je songe au fait que je pourrais me faire mal, ça m’est déjà arrivé d’ailleurs il y a quelques années. Mais je n’arrêterai pas pour autant de vaquer à mes occupations quotidiennes, comme aller à l’épicerie ou simplement me dégourdir les jambes.» 

Aux yeux de sa sœur Monique, qui soufflera sous peu ses 68 bougies, les sorties sont par contre toujours une entreprise périlleuse. Convaincue qu’elle chutera et devra ensuite rester alitée jusqu’à l’été, elle préfère tout compte fait s’abstenir de mettre le nez dehors. «Je n’y peux rien, je m’imagine toujours en train de marcher d’un pas tellement hésitant que j’en perds tous mes moyens et que je tombe.» 

Pourquoi la même situation provoque-t-elle une réaction aussi différente chez les deux sœurs? Cela repose en fait sur nos nerfs, selon Sébastien Grenier: «Devant un élément stresseur, positif ou négatif, notre système d’urgence, le système nerveux sympathique, réagit de façon à nous rendre capable de gérer la situation.» C’est le cas de Marie-France, qui, en état d’alerte orange, demeure prudente, sans néanmoins en faire tout un plat. Chez Monique, toutefois, l’état d’alerte vire constamment au rouge: rien n’arrive à endormir ses craintes ou à stopper le feu roulant de ses pensées fatalistes. Elle souffre d’anxiété chronique, un trouble défini par le DSM selon des critères précis et qui affecterait environ 7 % des personnes âgées de 65 ans et plus selon une enquête menée il y a quelques années. «Chez ces dernières, le même système est activé sans qu’il y ait présence de danger réel ou de raison concrète, ajoute le psychologue. Un rien risque alors de devenir anxiogène.»

Des impacts physiques

L’anxiété affecte en plus la santé mentale et physique. «Le stress occasionné par celle-ci risque de provoquer en nous une multitude de symptômes, tels des tremblements, palpitations, étourdissements, augmentation du rythme cardiaque ou problèmes de sommeil», poursuit Sébastien Grenier. On tombe alors dans un cercle vicieux, puisque ces malaises font grimper notre niveau d’anxiété. «Quand ça se met à « spinner » dans ma tête, mon cœur bat la chamade et je ressens des picotements dans les doigts, confie Monique. Je me dis alors: « Ça y est, la crise cardiaque me guette! »» 

L’anxiété est doublement redoutable, car elle peut aggraver certaines maladies déjà existantes, dont le diabète, l’arthrite ou les troubles respiratoires et cardiaques. Sans compter qu’elle joue parfois des tours à notre mémoire et constitue un facteur de risque pour des troubles cognitifs, notamment l’Alzheimer. «Les pertes de mémoire liées au vieillissement sont tout à fait normales, observe Sébastien Grenier. Perdre ses clés, par exemple, ne devrait pas nous déranger outre mesure. La présence de stress, d’anxiété et de dépression peut toutefois amplifier les oublis.» Nos rapports aux autres s’en trouvent également affectés, puisqu’on tend à se couper du monde extérieur quand l’angoisse jette une ombre sur notre vie: «Une personne anxieuse fera tout pour éviter une situation qu’elle juge stressante.»

Choisir sa solution

Comment s’y prendre quand on veut se défaire de nos démons intérieurs? On peut expliquer notre situation à notre médecin, qui nous prescrira alors peut-être un calmant ou un antidépresseur afin de réduire notre niveau de stress. Une autre option serait de se tourner vers la psychothérapie. Le laboratoire d’étude que dirige Sébastien Grenier sert justement à démontrer l’efficacité de celle-ci: «Par exemple, dans le cas d’une personne ayant une peur excessive de tomber sans qu’une condition physique justifie cette crainte, on adopte une approche thérapeutique basée sur la gestion de ses émotions et l’entraînement en gymnase dans le but d’améliorer son équilibre et sa force musculaire.» 

Par ailleurs, entamer une thérapie cognitivo-comportementale permettrait d’apprendre ce qu’est l’anxiété, son fonctionnement, ses conséquences ainsi que différentes stratégies visant à une meilleure gestion de nos émotions, «comme la respiration par le ventre, le yoga et des techniques de détente, telle la relaxation progressive de Jacobson, qui consiste à contracter puis décontracter des muscles précis du corps.» On apprend aussi à déterminer si notre pensée initiale par rapport à une situation donnée est bien fondée, et à remplacer nos pensées anxieuses par des pensées aidantes. «Ce qui ne veut pas dire non plus de voir la vie en rose, nuance le psychologue. On encourage la pensée réaliste: par exemple, au lieu de se dire qu’on va tomber en sortant, on se promet plutôt de faire attention, d’utiliser notre canne au besoin ou de mettre des crampons s’il y a de la glace.» 

Comment soutenir un anxieux?

On demeure attentif à tout changement de comportement.

Chez certains, l’anxiété s’accentue au fil des années. Il n’y a pas d’âge! «Une personne aînée anxieuse l’aura probablement été toute sa vie, observe Sébastien Grenier. Quand une personne semble devenir nerveuse et stressée du jour au lendemain, on se dit souvent que cela doit être lié au vieillissement. Or, ce n’est pas forcément le cas.» Un parent enjoué rendu brusquement amorphe ou irritable doit poser question: certaines personnes âgées ont tendance à somatiser l’anxiété. «Elles ne diront pas qu’elle sont anxieuses, ça ne fait pas partie de leur vocabulaire, et on ne parlait pas de cette condition avant. Elles évoqueront plutôt des maux de tête ou de ventre.» 

On rassure et on dédramatise,

même si ce n’est pas facile de convaincre un parent ou un ami pour qui le moindre souci prend des proportions énormes! «Quand ça dérape chez Monique, c’est comme tenter d’arrêter un train qui roule à pleine vapeur», raconte Marie-France. Encourager la personne à voir les choses autrement ou lui présenter une solution concrète s’avère parfois d’un grand secours. À un parent âgé convaincu que sa chambre en résidence prendra en feu pendant la nuit, on peut suggérer, par exemple, de vérifier les détecteurs de fumée avant l’heure du coucher, ou d’en parler avec les responsables de l’établissement pour trouver une solution qui l’aidera à dormir l’esprit tranquille.

On s’interroge sur son vécu.

Un traumatisme, comme un déménagement, une maladie ou le deuil d’un être cher, peut avoir été l’élément déclencheur. On prête alors une oreille attentive à la personne, tout en l’encourageant à rechercher un soutien extérieur si le problème persiste.

On incite à consulter sans bousculer.

Plusieurs demeurent sceptiques quant aux bienfaits de la psychothérapie. «Celle-ci est pourtant de courte durée: 10 à 12 rencontres suffisent à changer une vie», avance Sébastien Grenier. Les thérapies de groupe aussi sont bénéfiques. «Les gens se rencontrent, se font des amis, ce qui aide à briser l’isolement.»

On se montre prévoyant.

Si jamais le comportement d’une personne anxieuse devient dérangeant, voire dangereux (en cas d’oublis, comme celui d’éteindre le four), on contacte son médecin ou le CLSC pour obtenir de l’aide et des informations. «Comme certains symptômes d’un trouble anxieux (perte de concentration, fatigue, irritabilité, inquiétude excessive) s’apparentent à ceux découlant d’un malaise physique, mieux vaut faire évaluer la personne par un spécialiste, conseille le psychologue. Un neuropsychologue sera en mesure de déterminer s’il ne s’agirait pas d’une maladie neurodégénérative ou cognitive.»

Les bonnes ressources

• Laboratoire d’étude sur l’anxiété et la dépression gériatrique (LEADER) Pour obtenir de l’information, entre autres sur les études menées par le Laboratoire auxquelles il est possible de participer: (514) 340-3540, poste 4788 ou à laboleader.ca.

• Centre AvantÂge de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM) On y tient des conférences, formations et ateliers sur la santé et le vieillissement. À surveiller puisque certains ateliers proposent d’apprendre à gérer le stress: (514) 340-2800, poste 3139 ou à iugm.qc.ca/avantage

• Phobies-zéro Infos, ressources et ligne d’écoute: 1 866 922-0002 ou à phobies-zero.qc.ca.

• Revivre Infos, ressources et ligne d’écoute: 1 866 738-4873 ou à revivre.org. 

• On peut aussi s’informer auprès de son CLSC pour trouver un atelier de gestion de l’anxiété ou un groupe de soutien dans sa région. 

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