Pas toujours évident de s’affirmer! D’où ces cinq questions pour progresser dans la bonne direction… et leurs réponses pour sortir enfin de l’ombre!
Que ce soit au travail, dans nos activités de bénévolat, en famille, avec les enfants ou notre conjoint, il nous arrive de rester silencieux devant une situation qui nous rend mal à l’aise. Or, en demeurant dans l’ombre, on ne prend jamais la place qui nous revient. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour amorcer un exercice d’introspection et apprendre à exprimer nos besoins.
1 Que veut dire «s’affirmer»?
«Ça signifie être capable de s’exprimer et de faire comprendre à la fois ses opinions et ses besoins, de poser ses limites et de ne pas faire de compromis qui nous sont nuisibles, résume Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ). Par conséquent, ça veut dire aussi de savoir communiquer – une base saine et indispensable aux relations qu’on entretient avec les autres.»
Il s’agit carrément d’un besoin fondamental, renchérit Colette Portelance, thérapeute en relation d’aide, auteure et pédagogue comptant 55 ans de pratique: «S’affirmer, c’est exister. Je dirais même que c’est notre devoir en tant qu’être humain, parce que si on se cache dans un garde-robe, on n’apportera pas grand-chose au monde et on ne recevra pas grand-chose non plus. On risque donc fort d’être malheureux.»
2 Pourquoi est-ce si difficile?
Le plus gros frein à l’affirmation de soi est, sans surprise, la peur de déplaire, de heurter, voire d’indisposer – par exemple, la personne qui nous coupe dans la file. «Pour être capable de s’affirmer, il faut absolument assumer cette peur de déplaire, accepter que l’autre ne soit pas nécessairement d’accord avec nous, et ne pas chercher l’assentiment de tous en tout temps», prévient Christine Grou.
Difficile d’y arriver quand on n’a ni une bonne estime de soi ni confiance en soi… Or, on ne naît pas tous égaux à cet égard. «Grandir dans un milieu où on est aimé inconditionnellement, où nos parents croient en nos capacités, nous font confiance, nous rassurent et nous épaulent favorisera de toute évidence le développement de notre estime de soi, note la psychologue. En revanche, grandir avec le sentiment qu’on dérange, qu’on ne répond pas aux attentes de nos parents, ou encore avec un père ou une mère instable vient la brimer. Les expériences relationnelles vécues dans notre enfance et notre adolescence sont fondamentales dans notre estime de soi, dans la croissance de notre confiance en soi, et donc dans notre capacité à nous affirmer.»
Même si on croit en soi et qu’on n’a habituellement pas de difficulté à prendre sa place, il peut arriver qu’on s’efface dans un contexte donné, notamment lorsqu’on se trouve dans un environnement hostile et toxique. Parmi les cas classiques: un supérieur avare de compliments mais prodigue de critiques pernicieuses, une belle-mère qui nous fait toujours nous sentir inadéquate, des enfants qui abusent de notre générosité. Paradoxalement, certains de ces contextes persisteront justement parce qu’on n’a jamais osé manifester nos besoins et sentiments. Et si on a déjà tenté d’exprimer notre avis et qu’on a été mal reçu plusieurs fois, on peut être échaudé.
3 Qu’arrive-t-il si on ne s’affirme pas?
Tout d’abord, nos besoins risquent de ne jamais être satisfaits. Ensuite, on s’expose à «des effets délétères à long terme, souligne Christine Grou. Quelqu’un qui ne s’affirme pas, c’est quelqu’un qui refoule colère, frustration, chagrin, et qui accumule, accumule, accumule. À la fin, plutôt que d’exploser, on implose. Et, en retour, ça pave la voie aux troubles anxieux et à la dépression, les deux conséquences les plus fréquentes de ne jamais s’exprimer.»
Pour Colette Portelance, ne pas s’affirmer revient ni plus ni moins à «donner aux autres tout le pouvoir sur notre vie. On vit en état de frustration constante. On a le sentiment d’être incapable, de ne rien valoir, de ne rien décider.» Car s’affirmer est libérateur. Et cette motivation devrait l’emporter sur la peur. «On ne banalise pas cette peur pour autant: on la regarde en face, parce qu’elle est réelle, ajoute la thérapeute. Il y a un travail sur soi à faire en amont pour arriver à l’affirmation de soi».
4 Par où commencer?
On le fait à petits pas. «Une personne qui ne s’est jamais affirmée vivra assurément de l’anxiété», prévient Christine Grou. Mieux vaut donc débuter en douceur, par exemple avec un commis qui se trompe à la caisse, une amie qui rit de notre allure ou devant un mauvais plat au resto. L’important est de sortir de sa léthargie et de faire le premier pas, à notre rythme. En v communiquant clairement et calmement nos besoins et points de vue, on travaille à e-x-i-s-t-e-r. Chaque être humain en a le droit. Et si l’anxiété ou un autre motif nous en empêche, on pourrait consulter un psychologue pour y voir plus clair. «Parce que réussir à s’affirmer permet de se sortir d’une souffrance qui perdure», souligne la psychologue.
5 Comment y parvenir?
Voici quelques clés pour apprendre à s’affirmer, peu importe les circonstances.
✓ Communiquer sainement. On instaure un climat de confiance, on fait preuve de bienveillance, on reste authentique et on met l’accent sur nos sentiments plutôt que sur des faits. «Quand on est capable de s’exprimer correctement, nos relations sont plus équilibrées, plus confiantes et plus sécurisantes», affirme Christine Grou, qui suggère aussi de s’instruire, par exemple en lisant des ouvrages sur le sujet (voir l’encadré).
✓ Adopter le bon ton. Rien ne sert de se montrer agressif, colérique ou accusateur. L’autre risque alors de vouloir se défendre, ce qui entraînera certainement une dispute plutôt qu’une conversation équilibrée.
✓ Trouver le bon moment. On ne règle pas un besoin non satisfait dans notre couple en remplissant le lave-vaisselle, pas plus que si on réagit à chaud, galvanisé par nos nouvelles résolutions, à une remarque blessante de notre belle-sœur dans une réunion de famille. On invite plutôt cette dernière à prendre un café et on lui explique alors les choses calmement, en lui disant par exemple: «J’essaie d’augmenter mon estime personelle, et quand tu ris de mes choix vestimentaires, de mes cheveux ou de mon manque de culture devant les autres, je me sens attaquée, diminuée, et ça me rend triste. Comme je tiens à maintenir une bonne relation avec toi, je voulais t’en faire part avant notre prochain souper de famille.»
✓ Connaître nos besoins et nos limites. Il faut savoir ce qu’on veut et ne veut pas, mais aussi ce que notre collègue, conjoint ou ami peut faire pour y répondre, souligne Colette Portelance. «Il peut être insécurisant pour l’autre de ne pas savoir quoi faire concrètement face à un besoin qu’on exprime.» La belle-famille abuse de notre hospitalité? Au lieu de lui asséner qu’on se sent envahi, on pose nos limites: «En tout respect, j’aime vous recevoir, mais tous les dimanches, c’est devenu drainant pour moi. Je continuerai avec plaisir à vous réunir autour de ma table, mais au moment que je jugerai opportun, selon mon emploi du temps.»
✓ Laisser de l’espace à l’autre. La personne voudra réagir à nos propos. Il importe donc de savoir l’écouter, elle aussi.
✓ Accepter le désaccord. «En psychologie, il existe un concept appelé “altérité”, explique Christine Grou. Ça signifie la capacité de comprendre que l’autre est différent de nous. On ne peut donc pas lui demander de penser comme nous.»
✓ Revendiquer sans ordonner. S’assumer, ne pas se laisser inférioriser, ridiculiser ou culpabiliser parce qu’on exprime un besoin ou une opinion et le manifester clairement, «ce n’est pas donner un ordre, assure Colette Portelance. Ça ne veut pas dire que l’autre acceptera tout ce qu’on lui propose, surtout si ça change ses habitudes. Mais au moins, on se sera exprimé, ce qui donne la chance à notre besoin d’être entendu et, éventuellement, comblé.»
✓ S’occuper de notre propre nombril. Littéralement. «En général, le problème ne vient pas des autres, rappelle la thérapeute. On n’a pas à les rendre responsables de notre insatisfaction si on ne la leur a pas exprimée. On n’a pas non plus à se concentrer sur la responsabilité de l’autre: ça ne donne strictement rien. Tout ce qu’on nourrit alors, c’est notre ressentiment et notre frustration.»
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