Pas toujours facile de rebondir après une rupture amoureuse, un licenciement ou une réorientation manquée… Mais même si notre ego blessé en a pris un coup, on peut récupérer notre confiance en soi d’avant l’épreuve et surmonter cet échec.
«Une blessure d’ego, c’est quand il y a atteinte à l’estime de soi, à notre intégrité. En psychologie, on appelle ça une atteinte au narcissisme, à la représentation qu’on a de soi-même et la façon dont on pense que les autres nous voient, explique la Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. Quand on ressent une blessure à l’ego, on éprouve une perte de confiance en soi ou d’estime de soi. On a l’impression qu’on ne mérite plus nécessairement l’estime d’autrui.»
Évidemment, lorsqu’on vit un rejet ou un échec, les impressions sont souvent exagérées. «Plus on a l’ego fragile, plus on sera sensible, mais c’est souvent une mauvaise perception, car le jugement le plus sévère porté sur nous, c’est toujours le nôtre», ajoute Mme Grou. Cela dit, essuyer une critique, rater notre coup ou voir notre ego blessé ne détruit jamais toute l’estime que les gens nous portent. «Et il faut toujours croire au processus de réparation, insiste la psychologue. C’est très aidant aussi de pratiquer un peu plus l’auto-indulgence, l’autocompassion.»
Intervenante dans le milieu associatif, Diane De Thibault accompagne des personnes qui traversent toutes sortes de situations. «C’est difficile de généraliser quand on parle de résilience, cette faculté de rebondir lorsqu’on vit une épreuve qui met en péril notre équilibre», souligne-t-elle. Chaque personne est différente, et sa façon de s’adapter positivement à un contexte difficile le sera aussi. Cependant, les spécialistes s’entendent sur des attitudes qui peuvent s’avérer salutaires pour bon nombre d’entre nous. «Par exemple, lorsqu’une situation est bouleversante comme peuvent l’être une rupture ou un licenciement, il est important d’accepter les émotions qui s’y rattachent, souligne Diane De Thibault. Il est normal, voire indispensable, de vivre de la colère, de la culpabilité, de la tristesse, bref, toute une panoplie de sentiments, alors qu’on pourrait avoir tendance à vouloir s’évader. Par contre, si ces sentiments persistent et tournent en idées noires récurrentes, consulter un spécialiste peut devenir nécessaire.»
Trouver l’équilibre entre accueillir ses émotions et se changer les idées est loin d’être évident, poursuit l’intervenante sociale. L’entourage peut alors jouer un rôle positif en cas d’épreuve. «Se sentir entouré et soutenu par ses proches peut vraiment aider, car les sentiments de solitude non consentie et d’isolement sont souvent des facteurs de fragilisation, affirme Mme De Thibault. Chacun a en soi des ressources qui lui sont propres pour rebondir. Certaines personnes s’en sortiront par l’écriture, d’autres en pratiquant des activités sportives ou en s’adonnant à la méditation. Se faire du bien ou apprendre à le faire par de nouveaux moyens peut se révéler salutaire.» Aussi, on a souvent besoin de comprendre ce qui s’est passé, d’en tirer un enseignement, d’y trouver du sens… «Dans cette perspective, une épreuve ou une crise peuvent devenir l’occasion de faire le point sur nos valeurs, sur ce qu’on veut vraiment», ajoute l’intervenante.
Notre ego en a pris un coup? Voici les conseils de la psychologue Christine Grou pour rebondir… selon ce qui nous est arrivé.
Se relever d’une rupture amoureuse
Peu importe la durée de la relation, une rupture amoureuse fait mal parce qu’on y croyait et qu’on s’y est investi émotionnellement. Mais la vit-on plus douloureusement quand on est plus âgé? Est-ce pire que si on était plus jeune? «C’est pire si notre âge nous donne l’impression que c’est la fin du monde, mais normalement, ça devrait l’être nettement moins parce qu’on a plus de recul, estime Mme Grou. Quand on est jeune, une rupture amoureuse peut sembler assez dramatique, car on n’a pas l’expérience de comment ça se vit, comment ça se transforme et comment on se reconstruit après. Quand on a 50 ans ou plus, on a généralement acquis cette expérience. Et quand on est confiant de ce qu’on a à offrir, de qui on est, la blessure d’ego ne devrait pas être irréversible, on devrait pouvoir la relativiser.»
L’état affectif dans lequel on se trouve après n’importe quelle perte est habituellement assez désastreux. «Il faut toujours faire confiance au temps, quelle que soit la blessure d’ego, et essayer, quand on en est capable, de faire un pas de recul en se demandant quels conseils on donnerait si on parlait à un ami dans la même situation», propose la psychologue. Prendre soin de soi aide aussi beaucoup: faire des choses qui nous intéressent, aller vers les autres et s’engager dans des activités au lieu de s’isoler comme on a le réflexe de le faire en pareil cas.
«Cela dit, il ne faut pas que ce soit une façon de masquer la perte. Une rupture amoureuse, c’est un processus de deuil, et ce processus est long et douloureux. Il faut se donner plusieurs mois, voire une année, pour s’en remettre.» Mieux vaut éviter aussi de se précipiter dans une nouvelle relation: «C’est une tentative d’éviter le deuil ou de le masquer, mais ce dernier finit toujours par nous rattraper», souligne Christine Grou.
Se remettre d’un licenciement
La première cause de licenciement, en général, c’est quand une restructuration a lieu, entraînant des coupures de postes. Dans ce contexte, ce n’est pas directement relié à notre talent ou à nos compétences. La deuxième raison d’une mise à pied – dangereuse, elle, pour l’ego –, c’est quand on ne fait plus l’affaire, que l’employeur pense qu’on n’a plus les compétences requises. «Plus les gens surinvestissent dans leur travail, ont peu d’activités sociales, ne voient pas beaucoup leurs amis et se définissent par leur statut professionnel, plus la perte d’emploi sera difficile: s’ils perdent leur emploi, ils perdent tout», explique Christine Grou.
En cas de licenciement, le facteur qui protège, c’est d’avoir construit son estime de soi avant d’avoir des acquis. On fait alors un bilan de nos réalisations et de nos compétences pour mettre les choses en perspective et on examine aussi les possibilités de poursuivre notre carrière. Enfin, on se concentre sur les aspects de notre vie qui peuvent s’avérer valorisants et on s’y consacre davantage. Autre option: la thérapie, avec restructuration cognitive. «Il s’agit d’un travail sur la confiance en soi: ce n’est pas parce qu’une entreprise ne tient pas à nous garder ou que le milieu professionnel cesse d’investir en nous qu’on a moins de valeur pour autant», affirme la psychologue.
Reprendre le cours de sa vie
Quand on décide de tout quitter pour refaire sa vie ailleurs, par exemple, et que ce changement de cap ne fonctionne pas comme on l’aurait voulu, l’ego en prend un coup, d’autant plus que c’était notre choix de partir. «Évidemment, on s’en sortira plus ou moins bien selon notre anticipation de la manière dont ça pouvait se passer, dit Christine Grou. Quelqu’un qui décide de changer de ville, de pays, d’entreprise, bref, de changer de vie, et qui n’a aucun projet en dehors de ça risque d’être beaucoup plus mal pris qu’une personne avec des attentes réalistes et un plan B au cas où ça ne fonctionnerait pas.»
Et si on n’a aucun plan B, justement? «On fait alors un bilan, on se demande comment on veut passer les 10 prochaines années et on explore les possibilités, incluant bien sûr celle d’un retour en arrière. Et on revient, le cas échéant, tout simplement. Le secret dans pareil cas, c’est la flexibilité cognitive: être capable de se retourner», précise la psychologue. Certains s’entêteront, ne voudront pas revenir à la case départ de peur de perdre la face. «Encore une fois, il faut relativiser: ce n’est pas forcément vu comme un échec par l’entourage. La situation est souvent surdimensionnée pour la personne elle-même, qui n’est pourtant pas en procès devant qui que ce soit. On explique qu’on a tenté quelque chose, que l’expérience n’a pas été à la hauteur de nos attentes et qu’on a donc changé d’avis, mais ce n’est pas une catastrophe. Il ne faut pas le présenter comme un échec: c’est une expérience de vie, dont on retire quelque chose, de toute façon.»
Quand devrait-on consulter?
Il ne faut pas hésiter à rencontrer un spécialiste quand on éprouve une détresse psychologique importante, que notre sommeil est troublé, que notre appétit change, qu’on perd de l’intérêt, qu’on a tendance à s’isoler, qu’on est triste tout le temps, qu’on n’a plus envie de s’habiller pour sortir ou aller travailler, bref, quand on sent qu’on s’enfonce. «Le processus de consultation n’est pas forcément long, dit la psychologue Christine Grou, mais il aide à voir la situation autrement, à prendre du recul, à relativiser certaines choses. Ça aide aussi à ne pas rester seul avec la lourdeur émotionnelle du moment.»
Après ma séparation
«Je me suis séparée il y a deux ans, raconte Caroline, 55 ans. Quand je me suis rendu compte que je n’étais plus vraiment bien dans cette relation qui durait depuis 12 ans, j’ai eu l’impression qu’une partie de mon univers s’écroulait. Ce qui m’a aidée à m’en sortir, c’est de réaliser que le deuil est un long processus, pas linéaire. J’ai beaucoup lu sur la question. Et j’ai compris que ça prendrait beaucoup de temps – une relation de 12 ans ne s’efface pas du jour au lendemain – et que je passerais par des moments où je me sentirais mieux et d’autres où je serais submergée par mes émotions. Si, d’un côté, j’avais l’impression qu’une nouvelle vie s’offrait à moi, de l’autre, j’étais aux prises avec une infinie tristesse. Un jour, une amie m’a dit: “Dans le fond, ce que tu vis, c’est réapprendre à vivre autrement.” Cette réflexion m’a beaucoup aidée. Vivre sans lui voulait aussi dire accepter de me sentir seule. Tout un défi pour moi! Heureusement, j’avais des proches pour me réconforter, des gens que je pouvais appeler. Je me suis aussi fait un nouveau réseau. Aujourd’hui, bien que je me sente encore fragile, j’ai trouvé un nouvel équilibre. Pour rien au monde je ne retournerais en arrière!»
Vraiment enrichissant
J’aime lire les commentaires, ça me permet de réfléchir et de prendre conscience de mon être.