La comédienne et animatrice Marina Orsini ajoute une corde à son arc avec son album Reconstruire les saisons et une tournée qui se mijote. Celle qui croit en l’importance d’avoir des rêves vient d’en réaliser tout un à 58 ans.
Marina, la dernière fois que nous nous sommes parlé, en 2022, vous mentionniez déjà ce projet d’album. Maintenant que Reconstruire les saisons est lancé, quelles émotions cela suscite-t-il?
Beaucoup de joie, beaucoup de «je me pince», de gratitude et d’incrédulité, aussi, de voir ce rêve réalisé. Il y a un lien très fort avec les rêves en ce moment dans ma vie. Premièrement, c’est important d’en avoir. Après, il faut des gens pour nous accompagner et nous entourer. Chaque rêve est différent, chaque rêve a sa réalité. Pour le mien, à chaque étape, on dirait que les gens se sont greffés de façon évidente, naturelle, organique. Ça a rendu le tout d’autant plus extraordinaire. Et puis l’accueil du public, des médias, à bras ouverts… Je flotte!
C’est un disque traversé par plusieurs thèmes – le temps qui passe, la mémoire, la perte, l’acceptation, l’amour, le réconfort – que vous auriez sans doute abordés différemment à 30 ans…
Je ne crois même pas que j’aurais pu les aborder! Ce projet d’album est intimement lié à mon âge et à un timing de vie. Juste le fait de montrer mes textes à des gens, c’est comme ouvrir mon journal intime devant eux. Jamais je n’aurais pu faire ça à 30 ans. Et c’est aussi parce que j’ai l’âge que j’ai que j’ai su m’entourer, avoir confiance en certaines personnes qui m’ont à leur tour donné confiance. Je savais que Jeff Moran était un homme d’une immense tendresse qui saurait sublimer mes écrits. Ma belle amie Catherine Major a agi comme ma capitaine, ma réalisatrice. J’aime son piano, sa musique, son ton. Et ils ont fait ça à travers leur vie de parents de quatre enfants qui ont eux aussi lancé leur disque, Bunker à ciel ouvert, quelque temps après moi ! Mon âge, en plus, me permet d’assumer. J’étais prête à recevoir les critiques.
Il y a des duos avec Manuel Tadros, Richard Séguin et Paul Piché, vous vouliez chanter avec des hommes de votre génération. Pourquoi?
Je tenais à avoir des duos. Il y a plein de belles voix dans notre milieu musical, mais j’avais envie d’un dialogue entre un homme et une femme. Et comme je n’ai plus 20 ans, je voulais le faire avec des hommes qui pourraient être mes amoureux.
Qu’est-ce qui nourrit votre écriture, et à quoi ressemble votre processus?
Ça dépend du moment. J’écris surtout à la campagne. Il y a donc cette influence dans mes textes. Pour moi, l’écriture est le reflet de l’intimité. Et je suis influencée par ce qui se passe autour de moi. Sur une chanson comme La mère, le premier extrait de l’album et la chanson à partir de laquelle il est né, on est dans la confidence, je parle carrément à ma mère. Ce n’est pas juste un symbole. Je m’adressais à ma mère, de qui j’étais extrêmement proche, et qui est partie depuis maintenant onze ans. Elle est encore très présente dans ma vie, elle l’a été tout au long de son existence, de façon quotidienne. Toutes mes joies et toutes mes peines, je les ai partagées avec elle. Bref, cette chanson donnait le ton et l’ambiance globale. C’est un album qui appelle à l’intimité, à une bulle.
On y sent d’ailleurs la présence des éléments. Le rapport à la nature est important pour vous?
Complètement. Totalement. Ma campagne, c’est vraiment mon lieu de refuge. C’est là que je me ressource, que je décroche, que je me soigne aussi, à plein de niveaux. J’ai cet endroit depuis 30 ans. Et c’est prouvé scientifiquement que d’être entouré de vert est bon pour la santé mentale et physique. Marcher pieds nus dans le gazon, sentir la vibration de la terre. Je pense que ça vient de mon père. C’était un homme de la nature, un chasseur, un pêcheur. Et cet amour s’est transmis de père en fille en fils. Thomas a grandi à la campagne. Dès qu’il arrive, la première chose qu’il fait, c’est de déposer ses trucs et de partir marcher en forêt. C’est une grande fierté pour moi d’avoir transmis ça à mon fils.
Vous n’avez pas voulu qu’il participe à votre album. Pour quelles raisons?
Je voulais qu’il fasse ses propres apprentissages. Et puis vous savez, c’est déjà difficile dans la vie de trouver sa voie, alors quand on est « le fils de », ça ajoute une autre couche. Thomas a son identité, sa couleur, sa façon de faire de la musique, et c’est merveilleux, il a un immense talent. Mais il faut le laisser faire son chemin.
Livrer votre disque sur scène, ça vous angoisse?
D’abord, je vais produire moi-même mes spectacles. Ça aussi, ça fait partie de l’âge que j’ai là, de décider ce que je veux et de mettre tout en place pour y arriver. J’ai hâte. Je stresse. C’est un vertige incroyable. Pas de rencontrer le public, on se connaît depuis plus de 40 ans. Mais de porter vocalement mon projet sur scène. C’est très exigeant physiquement. Des fois, je me dis: «T’es complètement folle, qu’est-ce que tu vas faire là?» En même temps, mon désir est immense. Et j’ai envie de me lancer dans le vide.
La phrase qui ouvre le livret de l’album est une chose que ma mère m’a déjà dite et qui a guidé toute ma vie: «Mes désirs sont plus grands que mes peurs.»
Une devise qu’elle appliquait à sa vie?
Assurément. Ma mère a perdu sa mère à l’âge de douze ans. Elle a eu une enfance très difficile, a été très peu scolarisée. Mais ça ne l’a pas empêchée de se construire toute seule. Et elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait. À force de travail, de dévouement, de conviction.
Comment est née votre chanson La mère, qui résonne chez ceux qui ont perdu la leur?
Je l’ai amorcée après son départ. Je vivais un grand bouleversement dans ma vie, une grande peine, une grande déception. Et c’est à elle que j’aurais eu besoin de parler! Les paroles le disent: «Me vois-tu chavirer?» Ma vie chavirait, et j’aurais donc voulu que ma mère soit là pour m’aider à remettre mon bateau droit sur la mer! Et puis Jeff Moran a ajouté cette phrase magnifique: «Je ne suis pas de taille pour la peine que j’ai.» C’est exactement ça, quand on vit le deuil de sa mère, notre corps n’est pas assez grand pour contenir notre peine. Je lui parle encore tous les jours.
Sur Instagram, vous avez publié une photo avec Fanny Mallette, qui a fait une exposition de ses photos, en disant que vous viviez toutes deux une mutation. Vous voyez-vous mettre l’animatrice et l’actrice en veilleuse?
Pas du tout! Je voulais dire qu’on ne se résume pas à une seule chose dans la vie, qu’il y a d’autres possibles. La photo pour Fanny, la musique pour moi. J’adore jouer, je suis d’abord et avant tout une actrice, une interprète.
Animer à la radio m’a amenée à animer à la télé. J’ai adoré faire de la radio, je souhaite de tout mon cœur y retourner. Et je travaille présentement à développer des documentaires. Puis je tiens un petit rôle dans le film La dame blanche, de Maryanne Zéhil, qui sortira l’an prochain. La vie est courte, il ne faut pas se contenter de la regarder passer. Quand je parlais de réaliser ses rêves tout à l’heure, ça n’a pas besoin d’être grandiose et de coûter cher. Ma voisine, qui est dans la cinquantaine, réalise le sien de suivre des cours de piano. Les rêves, ça naît dans la tête, dans le cœur et je souhaite à tout le monde d’en avoir et de les concrétiser.
Dans Les cendres de nos étés, vous chantez «Et l’hiver devant moi/Est une page blanche». Qu’aimeriez-vous y écrire?
De continuer à avancer, à être curieuse, inspirée, active, intéressée et intéressante, bien entourée de gens inspirants et inspirés. De garder les horizons ouverts. D’ouvrir les possibilités. De rester dans la vie en ayant la santé. D’en profiter à tous les niveaux.
Marina Orsini partira promener ses chansons en tournée à travers le Québec dès le 6 novembre. Dates et billets