«Sinon, vous, les vaccinés, ça va? Vous avez l’air malin avec vos deux doses même pas efficaces maintenant qu’on va vous en imposer une troisième!» Ce statut Facebook hargneux d’une amie depuis 40 ans est venu particulièrement me chercher. Ce vous/nous si clivant… Combien sommes-nous à subir cette polarisation dans laquelle certains proches ont basculé autour de nous? On a commencé par essayer de les comprendre, par démonter patiemment les théories farfelues, les fausses nouvelles et les manipulations de chiffres martelées à longueur de journée, mais on s’est lassés au fil des mois, la même rengaine reprenant sans fin. Alors, les liens se distendent et le fossé se creuse… Cette guerre de tranchées où plusieurs se retrouvent désormais embourbés m’a fait me souvenir d’une autre, une vraie.
25 décembre 1914, près d’Ypres, en Belgique. Depuis trois mois, les Allemands d’un côté, les Anglais et les Français de l’autre, se font face dans des galeries boueuses et détrempées sur des kilomètres. Il règne ce froid humide typique de la région en hiver, les batailles des derniers jours ont été des bains de sang et pour rien en plus: pas le moindre changement de la ligne de front. Les soldats des deux camps, sales, grelottant, découragés, s’apprêtent à passer le Noël le plus triste de leur vie. Mais soudain, des sapins décorés de bougies surgissent partout au-dessus des positions allemandes, et une voix de ténor s’élève dans la nuit, entonnant Stille Nacht (Douce nuit, sainte nuit). Très vite, du côté anglais, des frères d’armes se mettent à accompagner Walter Kirchhoff, officier d’ordonnance et chanteur d’opéra au civil, de leurs instruments. Puis les ennemis sortent le drapeau blanc et se retrouvent spontanément en zone neutre. On s’offre tabac, bière, corned beef ou boutons d’uniforme en souvenir, on joue au soccer, on chante encore… On récupère aussi les corps des compagnons gisant dans ce no man’s land dévasté pour les enterrer dignement et faire son deuil. Ça jase pour une fois de tout sauf de l’éléphant dans la pièce, ce conflit qui les oppose.
Cette année, nous allons pouvoir nous rassembler presque comme avant, reprendre enfin nos traditions de célébration en famille, grâce aux progrès de la vaccination justement. Si on faisait une trêve, nous aussi? Trêve de tensions, un gage à tous ceux qui parlent de COVID, de près ou de loin! A-t-on encore d’autres sujets de discussion, d’ailleurs? Autour de la table ou du buffet, on pourrait le découvrir, revenir à tout ce qui nous rapprochait avant que la pandémie nous isole, au moins pour un moment…
Pas de photo d’équipe cette année encore, télétravail oblige, mais Francine, Linda, Sandrine, Monica, nos collègues et nos collaborateurs se joignent à moi pour vous souhaiter un temps des Fêtes magique, léger et surtout réconfortant.
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