Connaissez-vous Louise Penny? Moi, j’avoue, j’avais à peine entendu parler d’elle lorsque j’ai reçu un de ses romans à l’automne dernier. Dire que j’ai accroché serait un euphémisme: j’ai passé l’hiver à lire les onze qui l’avaient précédé! Je ne suis visiblement pas la seule: cette Québécoise d’adoption en est à plus de 6 millions d’exemplaires vendus dans 26 langues différentes! Et son histoire personnelle sort tout autant du commun que ces chiffres.
Dans sa vingtaine, alors journaliste radio, se sentant trop loin du monde, trop à part, Louise se met à boire. Quand elle réussit à s’en sortir, vers 35 ans, elle rencontre son grand amour, Michael, hématologue pédiatrique à Montréal. Soutenue par celui qui est entre-temps devenu son mari, elle se lance dans l’écriture d’une fresque historique. En vain: des années durant, la page reste blanche ou presque. Puis, un beau jour, en regardant sa table de chevet encombrée de romans d’Agatha Christie, elle comprend: il faut qu’elle écrive un livre qu’elle-même aimerait lire. Ce sera donc un policier.
Happy end? Pas vraiment… Une fois son roman terminé, malgré des centaines de courriers envoyés, il ne suscite l’intérêt d’aucun éditeur. Au bout de deux ans, Louise finit par recevoir une lettre d’Angleterre: elle fait partie des finalistes d’un prestigieux concours de polars. Fébrile, elle part pour Londres, espérant rencontrer à la cérémonie l’un ou l’autre des trois meilleurs agents du milieu littéraire. Mais elle finit deuxième (sur 800, quand même), le premier agent est trop imbibé pour lui parler, le second lui tourne le dos quand elle l’aborde et le troisième n’a pas fait le déplacement.
L’écrivaine en herbe, totalement découragée, se laisse convaincre par son homme d’assister à une vente de charité chez des amis pour se changer les idées. Jetant son dévolu sur un foulard en soie qui y est présenté, elle se le fait pratiquement arracher des mains par une autre invitée. La capitale britannique a beau compter 12 millions d’habitants, cette fameuse invitée se révèle être le troisième agent, absent au concours! De là, tout s’enchaîne pour Louise: publication du roman, ventes qui s’envolent illico et reconnaissance mondiale.
La belle histoire trouverait là un fabuleux point final. Sauf que la maladie s’en mêle. Michael reçoit un diagnostic de démence. Bientôt, l’éminent médecin ne peut plus diviser 20 par deux, dessiner un triangle, écrire une phrase, nouer ses lacets… Dès lors, même s’il se souvient à peine de son propre prénom ou du sien, Louise se dévoue entièrement à son bien-être. Sa mission est claire: que Michael reste celui qu’il a toujours été, l’homme le plus heureux de la pièce. Jusqu’à la fin, jusqu’à ce jour de septembre 2016 où il s’éteint paisiblement chez lui, elle veille.
La Louise que nous avons rencontrée pour ce numéro porte en elle la force de ce combat, la lumière de cet attachement, la bonté de ce don de soi. Cette générosité de tous les instants, malgré l’épuisement, la solitude et la peine, plusieurs d’entre nous la vivent, portant sur leurs épaules ce poids si lourd, par amour d’un conjoint, d’un parent, d’un ami, d’un enfant, d’un frère ou d’une sœur. Si la maladie fait connaître le pire, elle fait aussi ressortir le meilleur: les proches aidants. On pense très, très fort à eux.
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Aline Pinxteren, rédactrice en chef
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