La force tranquille des veuves

La force tranquille des veuves

Par Linda Priestley

Crédit photo: Maude Chauvin

Dans l’entrevue qu’elle a accordée au Bel âge (procurez-vous notre numéro de novembre 2024 pour la lire), l’autrice Louise Penny, dont le personnage principal, l’inspecteur-chef Armand Gamache, est en partie inspiré de son défunt mari – l’écriture, dit-elle, lui permet ainsi de passer tous les jours du temps en compagnie de son cher Michael –, nous confiait qu’elle recevait des courriels de gens qui venaient de perdre leur bien-aimé et qu’elle leur répondait ceci: «Je pense à Michael assis au bistrot en train de m’attendre. Et que c’est aussi là que se trouve peut-être leur mari. Et qu’ils sont ensemble devant la cheminée. Pour moi, ce ne sont pas que des mots.»

Perdre son compagnon des 10, 40 ou 60 dernières années est une dévastation en soi. Le cœur brisé, il faut ensuite affronter la réalité, les corvées autrefois partagées, le malaise des autres. Pour quelques-unes, la question se pose: qui suis-je sans époux?

Dans certains pays, le veuvage n’est pas qu’une désolation ou une perte d’identité, c’est une condamnation. Dans certains coins de l’Afrique centrale, les femmes dont le mari vient de mourir doivent se raser le crâne et pleurer à des heures fixes. En Inde, une veuve est «physiquement vivante, mais socialement morte», dit Vasantha Patri, une psychologue de Dehli. En Jordanie, un beau-frère peut s’emparer des biens matériaux de sa belle-sœur endeuillée et devenir le tuteur de ses enfants.

Or, ces épouses qu’on dit éplorées à tout jamais lèvent le voile sur le tabou du veuvage. Au Nigéria, où les veuves se voient expulsées de leur domicile, des groupes comme WiDO (Widows Development Organisation) ont émergé pour les aider à retrouver leurs droits économiques et sociaux. En Inde, Vrindavan, la «cité des veuves», accueille celles que leurs familles ont rejetées après le décès de leur conjoint pour leur offrir un peu de solidarité et un repas chaud à l’occasion. À l’échelle internationale, la Fondation Loomba se dévoue auprès des quelque 260 millions de veuves à travers le monde.

Là où les coutumes ne sont pas aussi viles et discriminatoires, mais où les veuves ont tout de même besoin de renfort et de réconfort, des organisations se sont formées pour les appuyer dans leur quête d’autonomie et d’identité. Près de nous, l’Association des veuves de Montréal ainsi que diverses organisations communautaires à travers la province jouent ce rôle.

Croire à la fragilité des veuves, c’est refuser de voir qu’en vérité, et pour autant qu’elles le reconnaissent elles-mêmes, elles sont une véritable force de la nature. Particulièrement lorsqu’elles s’unissent, dans un bistrot, devant une cheminée, pour saluer leurs époux disparus et trouver le courage de continuer à vivre leur vie, dans la joie malgré tout.

Vidéos