Gilbert Taillon est très inquiet. Autrefois gérant d’un magasin, il voit fondre rapidement ses économies depuis qu’il est à la retraite. Père de 3 enfants et plusieurs fois grand-père, cet homme de 65 ans n’a aucune dette et toutes ses économies – environ 225 000$ – sont placées dans un FERR. Ni lui ni sa femme Murielle, âgée de 62 ans, n’avaient de «fonds de pension» au moment de leur départ à la retraite. Les revenus annuels du couple sont d’environ 35 800$. Ils proviennent:
- du Régime de rentes du Québec (RRQ). Total annuel: 7 200$;
- de la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV). Gilbert touche chaque année 6 070$; Murielle y sera admissible dans 3 ans;
- des retraits de leur FERR: 22 500$ par année, soit 10% du capital initial.
Sachant calculer, Gilbert estime qu’il aura épuisé son épargne-retraite d’ici 12 à 15 ans, selon les rendements qu’il obtiendra sur les placements. Qu’arrivera-t-il ensuite? Les Taillon croient qu’ils seront forcés de vendre leur maison. Cette perspective leur déplaît au plus haut point, mais c’est peut-être la seule solution pour pouvoir vivre sereinement durant les 30 prochaines années. Soucieux, ils ont demandé leur avis à Lise Laberge, planificatrice financière, et Eric Gaudreau, analyste financier agréé au Groupe Option Retraite, à Québec.
Une stratégie en deux étapes
Stratégie en deux étapes
Les spécialistes ont proposé une stratégie surprenante à prime abord, mais optimale sur le plan fiscal, ce qui permet d’éviter la vente de la propriété. Cela nécessitera deux étapes.
Premièrement, le couple doit aller chercher toutes les prestations gouvernementales auxquelles il a droit. Gilbert reçoit déjà la PSV, mais il n’est pas admissible au Supplément de revenu garanti (SRG), son revenu imposable étant trop élevé en raison des importants retraits du FERR. Le SRG, rappelons-le, est un montant non imposable versé aux personnes de plus de 65 ans dont le revenu familial est inférieur à 20 256$. Notez que le seuil d’admissibilité dépend de la situation matrimoniale de chacun. En mettant fin aux retraits du FERR, Gilbert diminuera radicalement son revenu imposable et sera apte à recevoir le SRG. Le montant annuel prévu est de 5 060$ net d’impôt.
Pour sa part, Murielle, trop jeune pour recevoir la PSV, peut en revanche bénéficier de l’Allocation fédérale au conjoint. Cette prestation non imposable est offerte aux personnes à faible revenu âgées de 60 à 64 ans dont le conjoint est admissible au SRG. Murielle peut toucher une allocation de 5 729$ par année net d’impôt.
Bref, en cessant de sortir de l’argent de leur FERR, les Taillon vont chercher près de 11 000$ en SRG et en Allocation au conjoint. «Pour toucher une somme comparable nette d’impôt, ils auraient dû retirer plus de 15 000$ de leur FERR», remarque Eric Gaudreau. Les Taillon encaisseront donc des revenus annuels de 24 059$ (voir le tableau Les revenus des Taillon, ci-dessous).
Les revenus des Taillon
RRQ (Gilbert et Murielle) | 7 200 $ |
PSV (Gilbert) | 6 070 $ |
SRG (Gilbert) | 5 060 $ |
Allocation au conjoint (Murielle) | 5 729 $ |
TOTAL ANNUEL | 24 059 $ |
Mais Gilbert s’interroge: une fois qu’un FERR a été ouvert et que les retraits ont commencé, comment revenir en arrière? Rien de plus simple: il suffit de reconvertir le FERR en REER, opération autorisée aux personnes âgées de moins de 71 ans. Après, il sera trop tard.
La marge de crédit hypothécaire
La marge de crédit hypothécaire
Malgré la réorganisation de leurs revenus, les Taillon, en l’absence de retraits du FERR, feront face à un important manque à gagner. Il faut donc trouver de nouvelles liquidités.
C’est leur maison qui les leur fournira. «Ils peuvent contracter une marge de crédit hypothécaire dont le remboursement du solde n’est pas exigé tant qu’ils demeurent propriétaires de leur maison. La vente de la propriété n’est donc pas nécessaire», spécifie Lise Laberge. Par la suite, s’ils décident de s’installer dans une résidence pour personnes âgées, leur institution financière se paiera à même le produit de la vente de la maison. Advenant un décès entre-temps, la banque ou la caisse exigera le remboursement du solde de la marge de crédit. Ici aussi, on peut utiliser le produit de la vente pour effacer la dette.
Les Taillon auraient pu souscrire une hypothèque inversée. Dans ce type de contrat, le propriétaire de la maison reçoit un paiement initial dès que le contrat est conclu. Des versements supplémentaires sont prévus sur une base périodique. Une hypothèque inversée donne accès à de l’argent non imposable qui n’a pas à être remboursé avant un déménagement ou un décès. Mais son principal inconvénient, c’est que le taux d’intérêt est supérieur à celui d’une marge de crédit hypothécaire. Certes, les intérêts d’une hypothèque inversée doivent être payés seulement lorsqu’on vend la maison, mais ils commencent à courir dès le premier jour, même si l’argent sera dépensé plus tard, dans deux ans, par exemple.
Bien que plus souple, la marge de crédit hypothécaire n’est pas exempte d’inconvénients. Ainsi, les intérêts sont dus dès que l’argent est utilisé. Les Taillon retireront 1 000$ par mois de leur marge de crédit pendant 5 ans. S’ils n’effectuent aucun remboursement de capital ou d’intérêt au cours des 5 premières années, le coût cumulatif en intérêt pour cette période sera d’environ 9 200$, ou 1 840$ en moyenne par année, en supposant un taux d’emprunt de 5,5%. Ils paieront environ 315,70$ par mois d’intérêt.
Pourtant, c’est bien peu comparativement aux dizaines de milliers de dollars dont ils bénéficieront en SRG et en Allocation, estime Eric Gaudreau. «À lui seul, le SRG aura représenté des revenus non imposables de plus de 5 000$ annuellement, sans compter le rendement des placements de leur REER qu’ils auront cessé de retirer», soutient-il.
Par ailleurs, les modalités de remboursement de la marge de crédit hypothécaire sont très flexibles. À partir de 72 ans, les retraits du FERR couvriront leurs dépenses annuelles de même que les intérêts exigibles pour la marge. N’ayant pas touché à leur REER au cours des dernières années, la valeur de leurs placements aura suffisamment crû pour qu’ils songent à rembourser progressivement le capital de la marge de crédit, même si l’institution financière ne l’exige pas. «Cette stratégie peut paraître risquée à cause du coût élevé des intérêts, mais chaque cas est unique. On doit s’assurer que le résultat est positif malgré le coût de l’emprunt, comme c’est le cas pour les Taillon», ajoute Lise Laberge.
Maintenant, Gilbert Taillon a pleinement confiance en son avenir financier. Et il y a plus: Murielle et lui seront toujours propriétaires de leur maison!
Mise à jour: novembre 2008
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