Argent: que faire en temps de récession?

Argent: que faire en temps de récession?

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

En entrevue, Stephen Jarislowsky, le réputé financier montréalais, a dit craindre une récession à l’échelle de la planète. «La situation aux États-Unis est pire que celle des crises de 1929 et de 1932. Et c’est une illusion de croire que ça va s’arrêter.»

Bref, rien ne semble plus aller dans le merveilleux monde de la finance. Le drame, c’est que la tourmente touche de plein fouet les retraités et les travailleurs qui préparent activement leur nouvelle vie. «Deux journées de mauvaise Bourse ont effacé 12 000$ de mon REER. Moi qui comptais prendre ma retraite l’an prochain, je devrai rester au travail au moins une année de plus», se désole Jacques, 59 ans, travailleur autonome à Verdun. Que faire quand les marchés déraillent à la suite de menaces de récession?

Quelques conseils

Résistez à la tentation de bazarder vos fonds communs. Quand les Bourses plantent, de nombreux épargnants effrayés se débarrassent de leurs portefeuilles REER et hors REER afin de limiter leurs pertes. «Double erreur, soutient Andy MacLean, premier directeur, placement pour les particuliers, à la firme Partenaires Financiers Richardson. Au cours des journées noires, vous êtes pratiquement assuré d’obtenir le plus mauvais prix pour vos actifs. Et lorsque les cours se mettront inévitablement à remonter, vous ne serez plus dans le marché pour en profiter.»

Remontée inévitable? «Les dégringolades de prix chassent les investisseurs nerveux et craintifs. Ne restent que ceux qui désirent réellement y demeurer», explique Andy MacLean. Ils profitent des aubaines pour faire le plein de titres, et ce magasinage intensif a pour effet de pousser les cours à la hausse. Le lundi 29 septembre 2008, la Bourse de Toronto a reculé de 7%. Le lendemain, elle récupérait presque tout le terrain perdu, avec une progression de 5%. Les investisseurs qui auront eu le courage d’attendre le rebond avant de vendre n’auront perdu «que» 2%.

Mais au-delà de ces stratégies ponctuelles, la débâcle boursière de septembre et d’octobre 2008 renforce cette loi d’airain en investissement: si votre horizon de placement est de moins de cinq ans, tenez-vous loin des fonds communs de croissance et du marché des actions lorsque vous cotiserez à votre REER. Optez pour les placements sécuritaires.

D’autres précieux conseils!

Mettez à jour votre plan financier. Si vous avez 50 ans et plus, vos placements devraient être en mode «préparation de la retraite». Cela signifie qu’une part grandissante de vos investissements doit servir à générer des revenus, comme des dividendes et des intérêts. Vous n’avez pas fait le point sur votre situation financière récemment? Vous auriez avantage à rencontrer votre conseiller le plus tôt possible afin de discuter de vos objectifs financiers.

Remboursez vos dettes. Au Canada, l’endettement des ménages équivaut à 150% de leurs revenus disponibles annuels. Or, tous les experts en planification de la retraite le disent : il faut quitter le marché du travail avec le moins de dettes possible. Par ordre d’importance, voici ce à quoi il faut s’attaquer en premier: les soldes de cartes de crédit, les marges de crédit personnelles, les marges de crédit hypothécaire, les hypothèques de deuxième rang et de premier rang. Commentant la crise financière américaine, Jacques Nantel, professeur aux HEC, écrivait récemment: «Les ménages canadiens devront réapprendre (ou simplement apprendre dans plusieurs cas) les vertus de l’épargne ainsi que celles de la gestion du budget familial […]. Ces ménages devront diminuer leur consommation s’ils veulent réduire leur niveau d’endettement.»

N’hésitez pas à encaisser des profits. À ses clients qui manifestent de l’inquiétude, la planificatrice financière Lison Chèvrefils recommande de vendre une partie de leurs fonds qui ont été rentables et de placer leurs gains dans des produits du marché monétaire. «S’ils ont des fonds de croissance depuis un certain temps, ils ont connu de belles années récemment. Je leur dis que c’est peut-être sage d’encaisser quelques profits et de mettre cet argent en sécurité», note l’experte.

Les fonds du marché monétaire offrent un haut degré de sûreté, mais ils sont peu payants, car ils sont composés d’obligations des gouvernements provinciaux et fédéral, de même que des titres d’emprunt de grandes banques et de sociétés d’État comme la SCHL.

Également, on trouve des produits qui garantissent des revenus de retraite réguliers. L’un des plus populaires est le programme RevenuPlus, de la Financière Manuvie. Le Mouvement Desjardins, SSQ Investissement, L’Empire Vie et Sun Life offrent aussi de tels fonds.

SOS régimes de retraite?

Faites attention à l’immobilier. Échaudés par la tourmente boursière, plusieurs lecteurs nous ont dit que l’aventure de fonds communs, c’était terminé. Leur argent, ils vont désormais le placer dans l’immobilier. Est-ce une bonne idée? Dans notre numéro d’octobre, nous avons vu que de belles occasions d’investissements se présentent en Floride à la suite de l’effondrement de l’immobilier aux États-Unis. Mais seule une minorité d’épargnants ont les moyens d’acheter un condo en Floride.

Pour sa part, Lison Chèvrefils incite à la prudence. Comme celle de toute autre marchandise, dit-elle, la valeur des propriétés est soumise à la loi de l’offre et de la demande. «Les prix des maisons et des chalets ne peuvent pas monter éternellement. Il arrive des périodes de stagnation, comme au début des années 1990, où les propriétés perdent leur valeur.»

Attention en particulier aux résidences secondaires. Se payer un chalet, c’est du luxe. «C’est une sortie nette d’argent. Il faut voir cela comme un actif à long terme, non pas comme une source de revenu», souligne Lison Chèvrefils. Certaines personnes sous-estiment les dépenses liées à la possession d’une résidence secondaire. Les coûts d’entretien sont parfois onéreux. Quant à la perspective d’acheter dans l’espoir de vendre à profit rapidement, il faut savoir que le marché s’est rafraîchi depuis quelques mois. Les acheteurs ont cessé de se bousculer au portillon, de sorte que les pancartes «à vendre» demeurent parfois longtemps sur les parterres avant de trouver preneur…

SOS régimes de retraite?
«La crise ne met pas en danger les caisses de retraite. Les gestionnaires sont habitués à ce genre de fluctuations des marchés.» Les spécialistes que nous avons consultés, comme Michel Saint-Germain, actuaire à la firme Mercer, tiennent à se faire rassurants, même si les performances récentes des régimes de retraite donnent froid dans le dos. «Il n’y a pas de panique. Il s’agit d’un secteur fortement réglementé, avec des lois et des normes à respecter.» Pour sa part, Jean Bergeron, directeur de la gestion d’actifs au cabinet Morneau Sobeco, note que la plupart des régimes de retraite réussiront à passer à travers cette mauvaise période. «Les Bourses vont se replacer, la situation va se rétablir», affirme-t-il.

Mais tous reconnaissent que 2008 aura été une mauvaise année pour les régimes de retraite au pays. Les mauvais rendements boursiers ont créé des déficits actuariels. Résultat: plusieurs employeurs devront hausser leurs contributions afin de maintenir la solvabilité de leur régime. «Dans certains cas, les employés seront appelés à cotiser davantage», précise Michel Saint-Germain. Si ces derniers refusent, ils risquent de voir leurs prestations de retraite diminuer.

Jean Bergeron souligne que les caisses de retraite déjà en difficulté souffriront davantage des perturbations de 2008. «Par exemple, des employeurs qui songent à fermer leurs portes pourraient être incapables de combler le déficit de leur régime de retraite. Les employés et les retraités risquent alors d’en sortir perdants.»

Faillite et fraude

Faillite et fraude

Aux États-Unis, le réseau bancaire est actuellement mis à rude épreuve. Au plus fort de la crise, personne ne pouvait dire si l’argent des consommateurs aurait été protégé advenant une débâcle complète des marchés. Afin de calmer les esprits, le gouvernement américain a augmenté de 100 000$US à 250 000$US le plafond des dépôts bancaires couverts par l’État fédéral.

Au Canada, la situation est moins dramatique, dit-on. Toutes proportions gardées, on compte beaucoup moins de banques ici qu’au pays de l’oncle Sam. Des lois limitent ce qu’elles peuvent faire avec l’argent des déposants. Même chose pour ce qui est des maisons de courtage. Des mécanismes de protection existent en cas de faillite. Le tableau Votre argent est protégé, ci-dessous, indique quels produits sont couverts et jusqu’à quelle hauteur.

«Pas un seul Canadien n’a perdu un sou en dépôt depuis 1967», affirme Guy Saint-Pierre, président et chef de la direction de la SADC. Les banques canadiennes sont bien capitalisées et ne sont pas exposées aux revers connus aux États-Unis.» La SADC détient des placements de 1,6 milliard de dollars, placés en obligations d’État, pour pourvoir à ses obligations en cas de faillite bancaire. Elle assure ainsi des dépôts de plus de 512 milliards de dollars. En cas de besoin, la SADC peut aussi emprunter des fonds allant jusqu’à 6 milliards de dollars et faire appel au gouvernement fédéral.

Pas de problème en vue, donc. Mais il est important de comprendre que ces garanties ne valent qu’en cas de faillite ou d’insolvabilité. Si vos fonds communs se font piller, comme ceux de Norbourg, il s’agit alors de fraude. C’est tout à fait différent, malheureusement, car ni l’industrie ni les gouvernements ne fournissent d’assurance digne de ce nom contre les escrocs. Voyez comment la vaste majorité des victimes de Vincent Lacroix doivent réclamer leur dû à coups de recours collectifs aussi hasardeux qu’interminables…

Tableau: Votre argent est protégé


PRODUIT PROTECTION OFFERTE GARANT
Compte d’épargne *Jusqu’à 100 000 $ SADC ou AMT
Compte chèque *Jusqu’à 100 000 $ SADC ou AMF
Certificats de placement garanti *Jusqu’à 100 000 $ SADC ou AMF
Dépôts à terme *Jusqu’à 100 000 $ SADC ou AMF
Obligations d’épargne Sans limite de montant Gouvernement du Canada ou des provinces
Fonds commun de placement Jusqu’à 1 million $ FCPE
Autres titres négociables Jusqu’à 1 million $ FCPE

SACD: Société d’assurance de dépôts du Canada
AMF: Autorité des marchés financiers
FCPE: Fonds canadien de protection des épargnants

*En ce qui concerne les banques, la protection de 100 000$ s’applique à l,ensemble des succursales d’une même banque. Si vous avez 75 000$ à la succursale Montréal de la Banque XYZ, et 80 000$ à la succursale Québec de cette même banque, seulement 100 000$ seront couverts. Avec les Caisses Desjardins, c’est différent: chaque établissement ayant sa propre entité juridique, la protection de 100 000$ vaut pour chacune des caisses du Mouvement Desjardins. Notez que ni la SADC ni l’AMF n’offrent de protection pour les comptes en argent américain ou autre monnaie étrangère. 

Mise à jour: janvier 2009

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