5 questions pour comprendre la Bourse du carbone

5 questions pour comprendre la Bourse du carbone

Par Dominique Lamy

Crédit photo: iStock

Vous souhaitez investir dans la Bourse du carbone, où les grandes industries doivent acheter des crédits d’émission pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre? Voici ce qu’il faut savoir avant de vous lancer.

Note aux investisseurs: L’abolition de la taxe carbone du Canada pour les particuliers, en vigueur depuis le 1er avril dernier, n’a pas d’incidence sur les investissements à la Bourse du carbone au Québec, qui est différente du système fédéral.

1. Qu’est-ce que la Bourse du carbone?

Il convient d’entrée de jeu de ne pas confondre Bourse du carbone et marché du carbone. «Il n’y a pas qu’une seule Bourse du carbone, il y en a plusieurs ! explique Pauline Robert, directrice générale par intérim et directrice marché du carbone, pour l’organisme Coop Carbone. Au Québec, elle porte le nom officiel de Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE). Le système fédéral ne s’applique d’ailleurs pas dans la Belle Province.»

Le SPEDE est un marché réglementé, lié à celui de la Californie, et par lequel les entreprises doivent acheter des droits d’émission pour chaque tonne de CO₂ qu’elles rejettent. «Un peu à la façon du pêcheur qui se procure un quota de pêche!» illustre l’experte. Le SPEDE couvre d’ailleurs 80% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec. «Il s’agit d’un des systèmes les plus performants au monde», ajoute-t-elle.

La Bourse du carbone cible principalement les grandes industries polluantes comme les alumineries, cimenteries, papetières, raffineries et usines de produits chimiques. Les distributeurs de carburants et de combustibles, ainsi que certains producteurs et importateurs d’électricité, dont Hydro-Québec, sont aussi concernés. «Ces organisations doivent se réinventer pour réduire leur empreinte carbone», dit-elle.

2. Ça fonctionne comment?

Les droits d’émission (ou crédits compensatoires ou de carbone, selon la terminologie) offerts sur le SPEDE le sont en quantité limitée et en nombre décroissant, année après année. «L’objectif est d’amener ces droits d’émission à zéro en 2050», précise Pauline Robert.

Le gouvernement fixe ce plafond d’émissions pour encourager les entreprises à adopter des solutions plus vertes. Le système repose donc essentiellement sur un double mécanisme: la réduction progressive des droits d’émission et l’encouragement à l’innovation. «Moins il y a de droits d’émission disponibles, plus leur coût augmente, incitant les entreprises à diminuer leurs émissions. À l’inverse, les entreprises qui polluent moins peuvent revendre leurs crédits excédentaires à celles qui en ont besoin.»

3. Qui peut investir dans la Bourse du carbone?

Ce n’est pas aussi simple que d’acheter des actions de la Bourse de Toronto. Pour s’inscrire comme participant au SPEDE, l’investisseur doit d’abord prouver sa résidence au Québec. Une fois l’ensemble des formalités légales accomplies, il peut miser lors des quatre enchères annuelles de crédits carbone, qui se tiennent en février, mai, août et novembre. Malgré tout, comme il s’agit d’un encan silencieux, il n’est pas garanti qu’on obtienne les crédits désirés.

Puisque les crédits deviendront plus rares avec le temps, leur valeur devrait théoriquement augmenter. «Le prix plancher d’un droit d’émission augmente minimalement de 5% plus le taux d’inflation chaque année. C’est une autre composante du rendement potentiel», constate Pauline Robert.  Mais un bémol majeur est à considérer: en achetant des crédits, il faut trouver soi-même un acheteur pour les revendre.

Le rendement n’est peut-être pas une finalité en soi. «Les particuliers actifs dans ce marché sont en concurrence avec les grands pollueurs. Les investisseurs qui conservent sagement leurs droits d’émission coupent donc l’herbe sous le pied des pétrolières, à titre d’exemple. Investir sur la Bourse du carbone, c’est aussi avoir un impact positif sur l’environnement», résume l’experte.

4. Quelles sont les autres options pour investir dans ce filon?

Il est aussi possible d’investir via des produits financiers spécialisés. Certains fonds négociés en Bourse (FNB), tels que le FNB Global X Crédits Carbone (CARB-T) et le FNB KraneShares Global Carbon Strategy (KRBN-A), permettent de miser sur la hausse des prix du carbone sans devoir passer par les enchères complexes du SPEDE ou d’un autre système comparable. Il s’agit certes d’une belle opportunité de diversification, mais la complexité du produit sous-jacent en fait un placement «réservé aux initiés».

Conseil: avant de procéder, les personnes intéressées devraient consulter leur conseiller en placements pour évaluer la pertinence d’un tel ajout en portefeuille.

5. En tant qu’individu, puis-je contribuer à la lutte contre les GES?

Oui! Il n’y a pas que le marché réglementé du carbone à considérer: il y a aussi le marché volontaire. «Les personnes et les organisations qui souhaitent neutraliser les émissions de GES découlant de leurs activités peuvent utiliser des unités du marché volontaire pour atteindre cet engagement. Notre déboursé permet de financer une action climatique. Il suffit d’établir nos critères et de magasiner le projet qui nous convient», conclut Pauline Robert.

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