La surchauffe immobilière n’épargne pas les chalets. Pour fuir la ville, certains tournent parfois les coins ronds. Petit guide pour prendre une décision éclairée.
Le prix des habitations récréatives au Québec devrait augmenter de 15 % pour atteindre 292 000 $ cette année. C’est du moins ce que nous prédit le sondage printanier de Royal LePage. Et cette plus-value suit une hausse de 18,8 % survenue l’année précédente. À ces vents contraires s’ajoute un inventaire de propriétés qui rétrécit comme peau de chagrin. En d’autres mots, les occasions d’affaires et les belles propriétés se font rares. Les offres multiples abondent et contribuent à la surenchère. Pour en finir, de plus en plus laissent même tomber la clause d’inspection ou achètent sans garantie légale.
Le dernier baromètre trimestriel de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) confirme également cette flambée des prix. Un marché immobilier dit équilibré entre les acheteurs et les vendeurs prend en moyenne de huit à dix mois pour écouler l’inventaire de résidences inscrites. «Il y a aujourd’hui entre quatre et deux mois d’inventaire, ce qui favorise une forte accélération des prix», remarque Charles Brant, directeur du Service de l’analyse du marché à l’APCIQ. Et toutes les régions sont touchées. Par exemple, à Charlevoix, on estimait l’an dernier qu’il faudrait 32 mois pour écouler l’inventaire alors qu’en avril, l’agglomération se rapprochait de l’équilibre avec un délai d’environ 11 mois. Les secteurs de la Côte-Nord, Alma, Matane et Dolbeau-Mistassini sont un peu moins touchés. «Mais là encore, le marché avantage les vendeurs», observe l’analyste. «Il y a une surchauffe en Estrie, tout comme dans les Laurentides, en raison de la distance raisonnable du centre-ville de Montréal», ajoute Joanie Fontaine, économiste principale chez JLR Solutions foncières. Est-il alors trop tard pour faire l’acquisition d’une résidence secondaire? Pas nécessairement!
Cerner nos envies
«Bien avant de magasiner un chalet, on doit s’interroger sur les raisons qui motivent cet achat afin d’éviter des erreurs coûteuses», affirme d’emblée Éric Léger, courtier immobilier Royal LePage Humania, dans les Laurentides. Selon lui, la clé d’un bon achat n’est pas uniquement le prix, mais aussi de bien définir ce qu’on convoite. D’abord, pourquoi souhaite-t-on acheter un chalet? Combien d’années envisage-t-on d’y habiter? Cette propriété deviendra-t-elle notre résidence principale à la retraite? Sera-t-elle un lieu de rencontre familiale avec les enfants et petits-enfants? Veut-on la léguer à notre progéniture?
Certains recherchent la sainte paix, loin des axes routiers. D’autres voudront plutôt se rapprocher des services essentiels comme un hôpital, une pharmacie ou une épicerie de village. Si on rêve d’un chalet en bordure d’un lac, est-ce pour se baigner, pêcher, faire des sports nautiques ou simplement pour observer la faune? Souhaite-t-on, par ailleurs, demeurer à proximité des lieux offrant des activités récréatives comme le ski alpin, le ski de fond, le vélo ou la randonnée en montagne? Un télétravailleur, par exemple, pourrait vouloir une bonne connexion internet même pour sa résidence secondaire. «Le territoire québécois est grand, indique le courtier immobilier. Mieux vaut être le plus précis possible en cernant bien nos désirs. On pourra alors identifier certains secteurs.»
Acheter à l’aveugle?
Présentement, le vendeur a le gros bout du bâton. Il pourrait vouloir céder sa propriété sans garantie légale et donc dans l’état où elle se trouve. Bien qu’il demeure responsable des vices cachés dont il connaissait l’existence, encore faut-il être en mesure de le prouver. «Parfois, c’est l’acheteur qui ajoute ce bonbon au prix offert, un argument convaincant pour celui qui vend», confirme Éric Léger. Même chose pour l’inspection préachat. Plusieurs sont tentés de sauter cette étape. «C’est une bien mauvaise idée, particulièrement dans le cas d’un chalet», observe Pascal Parent, président de l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ). Et c’est d’autant plus vrai lorsque la vente est sans garantie légale. «Une personne de la ville, habituée à tous les services, doit comprendre qu’à la campagne, c’est une autre réalité, confirme Joanie Fontaine. Pensons à la fosse septique, au champ d’épuration, à la qualité de l’eau.»
Plusieurs chalets sont construits de façon artisanale et pas toujours selon les normes ou les règles de l’art. «Il peut y avoir des agrandissements datant des années 1950, 70, 90, et ces phases de construction se distinguent par l’utilisation de différents types de matériaux et divers niveaux de connaissances des entrepreneurs, explique Pascal Parent. Certaines propriétés sont également moins bien entretenues, puisque ce sont des résidences secondaires. On souhaite donc connaître l’état du bâtiment vu la surenchère actuelle.» Ce dernier rappelle qu’on renonce à certains de nos droits sans inspection, et qu’on pourrait se retrouver sans recours en cas de vices cachés ou de problèmes après l’achat. Les infiltrations d’eau sont particulièrement problématiques dans le cas de chalets au bord de l’eau ou à flanc de montagne puisque les pentes peuvent rediriger l’eau vers la résidence. «On vérifie, par exemple, si le taux d’humidité est excessif ou s’il y a une possible contamination fongique.»
Par ailleurs, on veut s’assurer de la qualité et de la quantité (gallonnage) d’eau du puits artésien, s’il y en a un. Même chose pour la fosse septique: est-elle désuète? «Un bon courtier immobilier devrait demander au vendeur s’il détient des documents tels qu’une analyse d’eau, un test de gallonnage, une lettre d’attestation de la municipalité des installations septiques», remarque Éric Léger. Celui qui met sa résidence en vente doit aussi remplir le formulaire Déclarations du vendeur sur l’immeuble, où il précise l’état de la propriété, autant qu’il le sache. Ce document obligatoire doit être signé par le vendeur, et l’acheteur doit en accuser réception. Mieux vaut donc le lire attentivement avant de faire une offre, même si cela ne remplace en aucun cas une inspection en bonne et due forme.
Louer ou patienter
En règle générale, l’achat d’une résidence secondaire demeure un luxe. Si nos moyens sont plutôt limités, qu’on ne sait pas si notre santé nous permettra d’aller au chalet à longue échéance, peut-être devrait-on songer à la location. «À court terme, il sera habituellement plus intéressant de louer puisqu’on s’évite les frais de notaire, de courtage, les droits de mutation, etc., relève Joanie Fontaine. Et dans le cas d’un chalet, on n’y va pas nécessairement à l’année. De plus, à la vente, on sera imposé sur le gain en capital si ce n’est pas notre résidence principale.»
La location permet aussi de mieux jauger si on aime la vie à la campagne. Avec la fin de la pandémie et la reprise des voyages, on pourrait avoir moins le goût d’aller au chalet. Mieux vaut donc s’assurer d’acheter pour les bonnes raisons.
De plus, soyons francs, les acheteurs pressés ne sont pas avantagés actuellement. «La crise sanitaire qui s’éternise ne nous permet pas de voir la réalité, observe Charles Brant. La capacité d’emprunt liée aux bas taux d’intérêt participe à la spéculation, notamment dans le marché de la villégiature.» Cette folie immobilière devrait néanmoins s’essouffler. Quand la vaccination sera terminée, les gens recommenceront à voyager, à dépenser pour d’autres types de loisirs. Certains acheteurs plus âgés qui ont pu craindre de mettre en vente leur résidence en raison de la COVID pourraient se manifester, contribuant à augmenter l’offre de propriétés et à alléger éventuellement la pression sur les prix.
Quel encadrement?
L’OACIQ est l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier au Québec. Il vise à protéger le public et encadre les courtiers immobiliers. Ceux-ci ont donc des devoirs et des obligations déontologiques à respecter. Ainsi, en vertu de la Loi sur le courtage immobilier, un courtier immobilier doit suggérer de faire inspecter la résidence convoitée par un professionnel ou un inspecteur en bâtiment. Ce dernier devrait détenir une assurance responsabilité professionnelle contre les fautes, erreurs et omissions. Il doit aussi utiliser une convention de service reconnue et effectuer ses inspections selon une norme de pratique reconnue en plus de remettre un rapport écrit. La norme de pratique variant d’une association à l’autre, il faut se renseigner. Par exemple, pour l’Association des inspecteurs en bâtiments du Québec (AIBQ), cette norme consiste à faire un examen visuel de l’état physique des systèmes et des composantes accessibles du bâtiment comme la structure, la toiture et bien plus. L’OACIQ a conclu des ententes avec différentes associations d’inspecteurs en bâtiments qui s’engagent à respecter les critères énumérés précédemment.
Pour en savoir plus: oaciq.com.
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