Repenser les rituels funéraires

Repenser les rituels funéraires

Par Dominique Lamy

Crédit photo: Alfred Dallaire Memoria

Exposition du défunt ou de l’urne, inhumation ou crémation, cérémonie à l’église ou au salon funéraire… On est désormais souvent loin de ces questions. Depuis quelque temps, les obsèques prennent un tournant inédit… et inspirant! Visite guidée des nouveaux rituels offerts. 

Les rites funéraires ont définitivement évolué au cours des dernières décennies. «La crémation, de plus en plus populaire, a probablement multiplié les possibilités quant aux rituels de deuil proposés», affirme d’emblée Julia Duchastel, vice-présidente, opérations et développement, chez Alfred Dallaire Memoria. En effet, la crémation s’associe désormais, plus que jamais, à de nouveaux rituels qui permettent de rendre hommage à la personne disparue et d’apaiser la souffrance de ceux qui restent. «D’ailleurs, un doute trouble souvent ces derniers concernant l’acte de dispersion. Ils demandent: « De quelle façon pourrions-nous libérer les cendres? »» poursuit Mme Duchastel, qui fait partie de la quatrième génération de la famille Dallaire, une entreprise québécoise en activité depuis 85 ans. Bien souvent, les proches recherchent un endroit ou un geste symbolique. Qu’est-il possible aujourd’hui de choisir?

Une urne de glace

«L’eau est un symbole de pureté, elle signifie le renouveau et la vie», explique Julia Duchastel. Comme son nom l’indique, cette urne est un réceptacle fait entièrement de glace, permettant de disperser les cendres de la personne décédée dans le cours d’eau désiré. Au moment de sa création, les cendres sont incorporées au réceptacle, qui se transforme ainsi en urne de glace. En fondant, la glace libère les cendres lentement dans l’eau. Il est également possible de diviser les cendres du défunt et de n’en utiliser qu’une partie pour ce rituel. «Malgré le caractère éphémère de l’urne, il reste possible de la transporter en voiture pendant quelques heures, pour effectuer la dispersion à l’endroit désiré. Chaque mise à l’eau est unique et varie en durée selon la température de l’eau et la force des courants.» Lors de ce rituel de mise à l’eau, la famille est accompagnée par un célébrant.

Une urne botanique

«Le retour à la terre demeure le plus ancien des rituels funéraires, et l’action de planter un arbre est un geste symbolique fort en souvenir des êtres disparus», explique Julia Duchastel. Le principe est similaire à celui de l’urne de glace. Fabriquée dans un matériau biodégradable, l’urne botanique se dissout dans le sol au fil du temps. Les cendres se retrouvent ainsi libérées dans la terre à l’endroit où les racines de l’arbuste puiseront les nutriments nécessaires à leur croissance, devenant un arbre à la mémoire de la personne décédée. «Il est possible, là aussi, de diviser les cendres pour en conserver une fraction dans un bijou reliquaire.»

Un sentier

Situés à Prévost, dans les Laurentides, les Sentiers commémoratifs de la Rivière sont un cimetière unique. «Nous offrons un lieu de commémoration et de dernier repos mettant l’accent sur la vie, la lumière et la paix, plutôt que d’assaillir les gens avec l’omniprésence de la mort», décrit le vice-président et cofondateur John Tittel. Des columbariums sont proposés, mais il est aussi possible d’enfouir les cendres au pied d’un des arbres qui se dressent le long des deux kilomètres de sentiers boisés. Amant de la nature? La beauté des lieux est à couper le souffle. «L’aménagement des décors, le choix des plantes, des arbres et des arbustes sont continuellement réévalués et repensés.» Et, grâce à une association avec Magnus Poirier, tous les services funéraires traditionnels sont offerts.

Un jardin

Le Jardin des mémoires, lieu de recueillement et de rassemblement adjacent au Bois Papineau, à Laval, permet la tenue de rituels funéraires écologiques, dans une démarche de développement durable. Idéal pour réunir parents et amis autour d’un feu par exemple, et échanger des souvenirs sur l’être cher. «On peut y disperser les cendres au pied d’un arbre ou avec la fontaine de dispersion, et tenir une cérémonie de mémoire personnalisée adaptée à la saison et au moment de la journée où elle se déroule», souligne Julia Duchastel, à l’origine de ce concept unique. Il est ainsi possible, entre autres, d’organiser une cérémonie extérieure en plein hiver, d’opter pour une envolée de ballons ou de se recueillir en évoquant la mémoire du défunt, un verre de vin à la main.

Chez soi

Plusieurs entreprises s’adaptent à ce besoin de personnaliser les funérailles, comme la Coopérative funéraire du Grand Montréal, avec son nouveau concept Funérailles Flex. L’idée? Des funérailles sur mesure à l’endroit de votre choix, sous réserve, évidemment, d’obtenir les permissions requises. «En offrant de nouveaux points de service pour se rapprocher davantage des gens, il est dorénavant possible d’organiser des funérailles à des endroits qui ne sont pas nécessairement des lieux prévus à cet effet», explique Caroline Cloutier, directrice du marketing et du développement pour la Coopérative funéraire du Grand Montréal. L’espace Fullum et l’édifice où loge la Société Saint-Jean-Baptiste, «deux lieux accueillants avec des installations exceptionnelles», sont notamment disponibles. On peut même organiser des funérailles à son domicile. La Coopérative fournit alors tout le matériel nécessaire pour créer un bel hommage en souvenir du défunt.

Essentiels rituels

L’écrivain, journaliste et philosophe français Jean D’Ormesson pose un regard éclairé sur la disparition d’un être cher. «Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants.» Ne serait-ce pas là l’une des raisons de l’émergence de ces nouveaux rituels de deuil? Pour Catherine Morel, travailleuse sociale en pratique privée, l’importance moindre accordée à la religion au fil du temps a amené les gens à perdre certains repères. «Nous avons maintenant besoin de remettre des rituels dans nos vies. D’où le grand intérêt pour les jardins: mettre du terrestre au céleste.»

Même son de cloche du côté de Murielle St-Jean, bachelière en sciences sociales et coordonnatrice du service aux personnes en perte d’autonomie à L’Entraide Chez Nous. «Dans la société d’aujourd’hui, tout est une histoire de performance. Tout faire, trop vite!» Or, le deuil se veut, en quelque sorte, un temps d’arrêt. «Le rituel est important: il s’agit d’une démarche pour boucler le deuil, d’un geste significatif qui permet de réaliser la perte de l’être cher.» Elle constate dans sa pratique l’ouverture dont font preuve les personnes endeuillées dans le choix du rituel choisi. «Il y a une douzaine d’années de cela, nous ne proposions que deux groupes de deuils par an pour accompagner les personnes souffrant de la perte d’un être cher. Désormais, l’offre est à deux par semaine, et chaque groupe se compose de 5 ou 6 personnes.» Le rituel, quel qu’il soit, est un baume pour la personne endeuillée. «À la dixième rencontre, chaque participant écrit un mot au disparu, tout juste avant l’envolée de ballons.» En poste depuis 2006, elle observe des gens qui participent à ces groupes de soutien plus de 7 ou 8 ans après leur deuil. «Un rituel permet de bâtir, en quelque sorte, un nouveau lien avec la personne décédée.»

Comment faire respecter nos volontés?

La meilleure stratégie demeure toujours de mettre nos volontés par écrit et d’indiquer à l’un de nos proches l’endroit où demeure entreposé le précieux document. On informe notre famille si on a rédigé un testament ou si on a opté pour des préarrangements funéraires. «Le testateur peut choisir le mode de disposition de son corps après son décès ainsi que l’organisation de ses funérailles. L’article 42 du Code civil du Québec prévoit que les frais seront à la charge de la succession», explique Me Michel Beauchamp, notaire au cabinet Beauchamp et Gilbert.

Cette clause testamentaire précise donc de façon claire la responsabilité de la succession d’acquitter les frais associés aux funérailles. «Si le testateur avait prévu qu’il n’y aurait pas d’exposition du corps après son décès, mais que la famille désire faire autrement, les frais devront être assumés par la famille et non la succession.» Et, en vertu du Code civil du Québec, à défaut de dispositions à cet effet dans un testament, ce sont les héritiers qui décident.

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