Comment mettre fin à une succession interminable?

Comment mettre fin à une succession interminable?

Par Didier Bert

Crédit photo: iStock

«Ma mère est décédée il y a plus de 14 ans. Elle possédait un multiplex qu’elle a légué à ses cinq enfants par testament, dont deux habitent encore l’immeuble. La succession n’est pas encore réglée. Est-ce normal? Et le profit intégral ou de chacune des parts de la vente de l’immeuble sera-t-il considéré comme un gain en capital?»

― Lise Gallant

Voici la réponse de Me Éric Lavoie, notaire chez Novallier.

«Quatorze ans, c’est quand même long pour régler une succession. On n’est pas obligé d’attendre de vendre les biens pour clore celle-ci. Dans le processus de règlement, le liquidateur récupère les actifs, comme l’argent et les immeubles, il paye les dettes, produit les rapports d’impôt, fait l’inventaire des biens de la succession et rend compte de sa gestion aux héritiers.

«Quand il y a un immeuble à revenus dans la succession, le liquidateur le gère en s’assurant que les locataires ont un bail. Il paye les frais, produit les impôts pour l’année du décès ainsi que les années suivantes si la succession dure plus d’un an. Le liquidateur doit ensuite remettre une copie de l’inventaire à l’ensemble des héritiers: c’est une obligation légale. Il complète les formulaires prescrits pour obtenir un certificat de décharge au gouvernement fédéral et un permis de distribution des biens au gouvernement provincial afin de pouvoir remettre les biens aux héritiers.

«Une fois les documents fiscaux reçus, le liquidateur peut alors dresser la reddition de compte, qui est le compte-rendu définitif, indiquant ce qu’il a payé et ce qu’il a encaissé pour la succession. Il informe les héritiers de ce que le liquidateur a fait. Si tous les héritiers sont satisfaits du travail du liquidateur, ils lui signent une quittance le libérant de son rôle. Le liquidateur peut alors distribuer les biens. Les héritiers deviennent alors copropriétaires de l’immeuble à revenus. La succession est close. À ce moment, les copropriétaires peuvent décider de vendre l’immeuble. Le montant du gain en capital à payer dépend de la valeur que l’immeuble a pris depuis le décès.

«Puisque la succession a commencé il y a 14 ans, il faudrait vérifier comment les rapports d’impôts ont été faits. Les revenus locatifs ont-ils été imposés par la succession? Cela revient à se demander qui reçoit les revenus de l’immeuble: la succession ou les héritiers? Si effectivement, la succession n’est pas réglée, on peut se demander si le liquidateur a fait son travail. Fiscalement, il y a une conséquence: durant les trois premières années après le décès, une succession est imposée au taux progressif, comme un particulier. Après 36 mois, c’est le taux marginal d’imposition qui s’applique, ce qui peut conduire à être taxé à un taux de 53,31%.

«Un héritier peut contacter un avocat pour s’adresser à la Cour supérieure du Québec afin de l’autoriser à vendre sa part. En effet, le Code civil du Québec précise que personne ne peut être contraint de rester en indivision. Si les héritiers deviennent copropriétaires en indivision de l’immeuble, l’un d’eux peut donc demander au tribunal de forcer l’ensemble des copropriétaires à racheter sa part, ou lui permettre de la vendre à quelqu’un d’autre, ou encore d’obliger la vente totale de l’immeuble.

«Un partage successoral pourrait être envisagé pour faire une économie fiscale. Il s’agit d’un acte notarié dans lequel on attribue la part de Madame aux autres héritiers, et en contrepartie, celle-ci obtient davantage d’argent, mais à condition qu’il y ait de l’argent dans la succession en plus de l’immeuble. Cela évite une vente entre héritiers, qui donnerait lieu au paiement d’un droit de mutation, c’est-à-dire une taxe.»

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