Achetez maintenant, payez plus tard… De nouveaux modes de paiement gagnent en popularité avec la montée en puissance du commerce en ligne. Notre journaliste les a testés, et découvert quelques pièges.
Avant l’arrivée de ces nouvelles solutions numériques de paiement, un achat en ligne devait habituellement être réglé par le biais d’une carte de crédit Visa ou Mastercard. Parfois, une carte American Express était aussi acceptée. Certains marchands nous proposaient également d’acquitter nos achats par l’entremise d’un compte PayPal. Mais désormais, de nouveaux logos tapissent les pages transactionnelles de nos commerçants favoris. Devons-nous succomber à la tentation des paiements fractionnés?
Sezzle, Affirm, Paybright, Afterpay, Klarna: toutes ces sociétés et plusieurs autres nous proposent «une petite révolution budgétaire». Elles nous permettent de payer nos achats en plusieurs versements auprès de commerçants affiliés, sans intérêt et sans la nécessité préalable d’une enquête de crédit. Obtenir un bien dès maintenant, en différer le paiement, ça semble évidemment alléchant!
Les consommateurs sont déjà friands de ces nouveaux modes de paiement. Le cabinet Kaleido Intelligence évaluait, en 2021, que la valeur des paiements fractionnés devrait surpasser le cap des 250 milliards de dollars d’ici 2025. Et, tant qu’à écrire sur le sujet, je me suis lancé à mon tour!
En novembre 2022, j’ai procédé à l’ouverture d’un compte auprès d’un fournisseur «Buy Now, Pay Later» (BNPL). J’ai effectué la transaction désirée, pour un montant de 136,96 $ incluant les frais d’expédition et les taxes habituelles, à partir de la boutique virtuelle d’un marchand de chaussures. Une somme de 34,24 $ a été immédiatement facturée sur la carte de crédit rattachée au compte, ce qui ne représente finalement que 25 % du coût total de l’achat.
Un calendrier de paiements différés s’est ensuite affiché, me confirmant que trois autres paiements du même montant seraient effectués à intervalles périodiques de deux semaines. Les mêmes renseignements ont suivi par courriel, bien visibles dans la confirmation de la commande. Verdict: l’expérience s’est avérée positive. D’une grande simplicité, de l’ouverture du compte jusqu’à la fin du processus de remboursement. Il y a une certaine satisfaction à obtenir le bien convoité en différant 75 % du paiement envisagé. Voilà peut-être un premier signe qui recommande une certaine prudence…
Tout est prévu pour nous mettre en confiance. Avant chaque jour de paiement, le client reçoit un message lui rappelant qu’une opération sera effectuée sur sa carte de crédit au moment convenu. Une confirmation est émise une fois le paiement effectué. Et sur le tableau de bord fourni par chacun des fournisseurs de services, on peut suivre les achats acquittés et ceux en cours de remboursement. La question se pose: est-ce trop beau pour être vrai?
Heureusement, Sébastien Boulerice, avocat et conseiller budgétaire pour Option consommateurs, et Sylvain Sénécal, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de commerce électronique RBC Groupe Financier, ont accepté de conjuguer leurs efforts pour faire toute la lumière sur le sujet.
Un traquenard qui en cache d’autres
Qu’est-ce qui explique un tel engouement pour ces nouvelles solutions numériques de paiement? Sylvain Sénécal confirme nos premières impressions. «La facilité du processus pour obtenir du crédit est un premier élément de réponse. Le désir d’obtenir un produit ou un service immédiatement, même si nos moyens financiers ne sont pas au rendez-vous pour le moment, est un autre facteur d’importance.»
Et n’oublions pas, aussi, qu’en offrant de tels services de financement par le biais d’un intermédiaire, le commerçant prêche un peu pour sa paroisse. «Si ces outils lui permettent d’augmenter significativement ses ventes en échange d’un coût raisonnable, oui, le détaillant peut effectivement y trouver son compte», résume l’expert. Pour le consommateur qui ne se méfie pas trop du mirage des petits paiements reportés, toutefois, la table est mise pour un casse-tête financier. Voici quelques-uns des pièges qu’il faut éviter pour profiter judicieusement de ce type de financement à court terme.
Négliger sa capacité de remboursement
Croire que 4, 6 ou 12 paiements étalés dans le temps font moins mal qu’un seul paiement équivalent effectué d’un seul coup est une erreur en soi. Il est probable que notre capacité de remboursement ne le permette tout simplement pas. Après tout, une mensualité de 150 $ pendant douze mois ou un déboursé unique de 1800 $ ont le même impact sur notre budget annuel.
Sébastien Boulerice reprend les données de l’expérience d’achat précédente. «L’idéal aurait été de prévoir cette dépense en amont. Avant d’acheter cette nouvelle paire de bottes d’hiver en novembre, nous aurions pu prévoir au budget le même versement de 34,24 $ à un compte d’épargne pendant quatre mois, à partir d’août. En dirigeant cette somme périodique vers l’épargne, il aurait été ensuite possible de faire l’achat désiré sans recourir aux paiements fractionnés», explique-t-il.
S’endetter sans le réaliser
Et qu’arrive-t-il lorsqu’on néglige notre véritable capacité de remboursement? Lentement mais sûrement, le surendettement graduel s’installe sans crier gare. On succombe une fois à la tentation, et quelques mois plus tard, on se retrouve avec plusieurs engagements, avec lesquels on jongle au mieux possible…
«Si l’on en vient à devoir assumer 200 $ par mois en paiements différés, c’est souvent du côté de l’épargne qu’on coupe ensuite pour respecter les engagements qu’on avait sous-estimés. Donc, qu’arrive-t-il si cette somme n’est plus dirigée vers notre coussin de sécurité? Dès qu’un imprévu survient, le consommateur s’appuie sur sa carte de crédit pour l’assumer», explique-t-il. Le premier piège se referme donc sur un autre…
Perdre le bénéfice du terme
Et qu’arrive-t-il ensuite si on est incapable de respecter l’un des versements différés prévus à l’entente? «Les pénalités peuvent être assez importantes», confirme Sylvain Sénécal. Pire, louper une mensualité peut entraîner une pression additionnelle sur notre gestion budgétaire. «On pourrait même perdre le bénéfice du terme, c’est-à-dire que le paiement dans son intégralité deviendrait exigible, plus les intérêts et autres charges administratives prévues au contrat», renchérit Sébastien Boulerice.
On décide malgré tout d’avoir recours à ces facilités de paiement? «Assurons-nous périodiquement d’avoir l’espace requis sous la limite autorisée de notre carte de crédit», dit Sébastien Boulerice. N’hésitons pas, aussi, à intégrer le calendrier de paiement fourni par la société de financement à notre agenda, question de voir venir les échéances prochaines. Il est aussi recommandé de bien lire les modalités du contrat concerné: celui-ci diffère évidemment d’un fournisseur à l’autre.
Payer davantage pour un produit
Sylvain Sénécal rappelle que tout crédit a un coût, et que rien n’est gratuit. «Le marchand absorbe ce coût, mais tôt ou tard, cette charge sera reflétée dans le prix des produits et des services», dit-il. Rien ne sert de bénéficier d’une facilité de paiement si le prix déboursé à l’achat est supérieur au prix réel de l’article convoité. «Comparons le prix d’un détaillant à l’autre pour s’assurer qu’il soit avantageux malgré le financement obtenu», recommande à son tour Sébastien Boulerice.
Revenons-en à la question initiale: devons-nous succomber à la tentation des paiements fractionnés? Avec parcimonie, peut-être, dans le respect de notre capacité de payer et avec une dose de discipline et d’organisation. Mais une fois l’article obtenu et le premier versement effectué, un malaise s’est installé de mon côté. Non, nul besoin de faire l’autruche: le recours à du financement BNPL, c’est une dette. Les bottes sont à mes pieds, et pourtant, le paiement de celles-ci s’étire. Un peu comme notre hiver, finalement.
Des mariages dans l’industrie
Ces sociétés ont convolé en justes noces:
- Afterpay, achetée par Square (Block) en 2022 (29 milliards $ US).
- Paybright, acquise par Affirm en 2021 (340 millions $ CA)
- Klarna, disponible au Canada depuis 2022, s’est emparée de Moneymour en 2020, la rachetant d’un groupe de fondateurs et d’investisseurs minoritaires.
Je me suis fait prendre a ces gamiques. Fructueuses que pour le vendeur. Le texte explique très bien: on achete et 2 semaines après, un autre achat, même impulsivité, cercle vicieux onéreux.