Comme les voyages ont repris de plus belle, les trois conseils suivants arrivent à point nommé pour rendre nos déplacements moins polluants.
Difficile de parler de carboneutralité sans d’abord brosser un portrait de la situation. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) confirme l’urgence d’agir et les sérieuses conséquences de l’inaction. Si on ne limite pas le réchauffement planétaire à 2 °C et, si possible, 1,5 °C, quelque 3,5 milliards d’habitants pourraient connaître des inondations, des vagues de chaleur et des sécheresses d’ici 2050. Les pays en développement et les régions côtières sont particulièrement à risque. La santé, la vie humaine et des écosystèmes sont ici en jeu.
Interpellés par ces enjeux environnementaux, plusieurs voyageurs choisissent de neutraliser leur empreinte écologique lorsqu’ils se déplacent en avion ou en voiture. En août dernier, le rapport The Art of Integrity: The State of the Voluntary Carbon Markets, Q3 Insights Briefing, rédigé par l’organisme Ecosystem Market Place, souligne que la compensation volontaire a quadruplé en 2021 et représentait près de 2 milliards de dollars américains.
Il ne faut pas confondre le marché réglementé du carbone, qui touche principalement les entreprises québécoises émettant plus de 25 000 tonnes d’équivalent CO2 par année, avec le marché volontaire. Dans le dernier cas, il n’y a aucune réglementation et les fournisseurs décident individuellement s’ils veulent ou non faire certifier les projets proposés au public. Il est notamment question de plantation d’arbres, de projets liés aux énergies renouvelables, de récupération du biogaz dans les sites d’enfouissement, etc.
1. Mesurer son empreinte carbone
C’est la première étape pour compenser ses émissions. Plusieurs calculateurs en ligne permettent de mesurer la distance et, surtout, l’équivalent en tonnes de carbone d’un déplacement en avion ou d’un voyage en voiture. Ainsi, sur le site planetair.ca, un vol direct aller-retour Montréal-Paris en classe économique représente 1,89 tonne de CO2. Et il faut compter 1700 km environ pour un aller-retour Québec-New York, soit l’équivalent de 0,31 tonne de CO2 si on roule en voiture intermédiaire à essence.
Les résultats sont assez semblables du côté de l’organisme Carbone boréal, alors que le même voyage Montréal-Paris d’une distance de 5524 km à l’aller et au retour représente 1,73 tonne d’équivalent CO2. Pour l’automobile, on calcule 0,35 tonne de CO2. Pour avoir un ordre de grandeur, le Québécois moyen émet environ 10 tonnes de CO2 par année. Une fois ce calcul effectué, l’étape suivante consiste à compenser les gaz à effet de serre (GES) émis.
2. Choisir le bon projet
Des milliers de projets environnementaux à travers le monde sont recensés sur le Web. C’est sans compter les agences de voyages ou transporteurs aériens qui invitent les voyageurs à neutraliser leur empreinte carbone en payant leur forfait un peu plus cher. Mais, bien souvent, on ignore comment l’argent est dépensé et quelles initiatives sont encouragées.
Comment savoir, alors, si le fournisseur sélectionné va compenser efficacement nos émissions de GES? «On veut minimalement se conformer à la norme ISO 14064, qui donne des lignes directrices en lien avec les projets sur les émissions de GES, ainsi que respecter certains critères et s’assurer que la compensation est, notamment, permanente, additionnelle, cohérente, unique et vérifiée», dit Jean-François Boucher, professeur en éco-conseil à l’Université du Québec à Chicoutimi. Ce dernier est aussi cofondateur de Carbone boréal, un programme de compensation de GES par plantation d’arbres et une infrastructure de recherche sur la séquestration de carbone en forêt boréale.
Ces critères, reconnus à l’échelle internationale, sont à la base de la certification des projets et des crédits carbone d’organismes de vérification comme Gold Standard ou Verra. Cela permet d’assurer une certaine uniformité et d’augmenter la crédibilité des projets puisqu’une tierce partie indépendante va effectuer une inspection des déclarations de séquestration des GES, par exemple. Un grand nombre d’organismes comme Carbone boréal vont générer des crédits carbone en vertu de programmes maison. Il pourrait alors être plus difficile de savoir si ces crédits sont valables. Dans le cas de Carbone boréal, c’est le Bureau de normalisation du Québec qui vérifie les déclarations de GES.
Par ailleurs, le type de projet choisi a également une importance. Certains reprochent aux programmes de plantation d’arbres de ne pas tenir compte du long délai d’absorption du CO2. Chez Carbone boréal, on se base sur la séquestration d’une épinette noire en forêt boréale et on estime qu’il faudra 70 ans suivant la plantation pour capter 0,14 tonne d’équivalent CO2. «Les crédits sont vendus par anticipation et ne sont pas admissibles dans le marché réglementé», concède Jean-François Boucher. Et qu’arrive-t-il si un feu ou une maladie détruit une portion de cette forêt? Une réserve ou zone tampon devrait alors être prévue afin de planter plus d’arbres. Chez Carbone boréal, elle représente entre 20% et 30% de l’ensemble des plantations qui ne sont pas attribuées pour la compensation.
Autre aspect non négligeable: les multiples « co-bénéfices » des projets forestiers qui contribuent à augmenter la qualité de l’air, la rétention d’eau, la biodiversité et les zones protégées. «Une plantation d’arbres dans le sud du Québec permet aussi de réduire les îlots de chaleur en plus d’offrir des parcs aux citoyens», souligne Luc Baillargeon-Nadeau, directeur développement durable chez LCL Environnement, une firme de Granby spécialisée en consultation environnementale.
La compensation des projets ne détenant aucune certification internationale comme Gold Standard demeure toutefois symbolique, d’après Marc Paquin, directeur général de Planetair/UNISFERA. «On pose des gestes qui vont avoir un impact climatique, mais ce n’est pas aussi efficace que d’investir dans un projet faisant l’objet de vérifications basées sur des normes de séquestration carbone strictes», observe-t-il. Dans le cas de Planetair, tous les projets compensés sont certifiés par l’organisme Gold Standard, qui fixe des normes parmi les plus élevées au monde.
Quels sont, alors, les projets dignes d’intérêt ? L’énergie renouvelable comme l’éolien et le solaire, la conversion de fours traditionnels en fours performants dans les pays en développement ainsi que les projets de captage du méthane dans les sites d’enfouissement se démarquent. Quant au captage et au stockage de CO2 souterrain, ces projets encore en phase d’essai sont très coûteux pour la compensation, confirment les experts consultés.
Chez Planetair, tous les projets certifiés sont à l’étranger. Pour ceux désirant soutenir des projets climatiques locaux, un volet québécois a été ajouté en utilisant une partie de l’argent versé pour encourager des initiatives québécoises. Celles-ci ne détiennent toutefois pas la certification Gold Standard. On appuie, par exemple, des projets de recherche avec l’École de technologie supérieure (ÉTS) afin de trouver des solutions aux changements climatiques. L’achat et l’entretien de terres protégées de même que la plantation d’arbres sont également proposés.
Luc Baillargeon-Nadeau aime aussi l’idée de favoriser des programmes éducatifs comme Carbone Scol’ERE, qui incite les élèves du primaire à adopter des comportements durables afin d’atténuer le réchauffement climatique. On vend des «crédits carbone éducatifs» qui sont ni plus ni moins des émissions de GES évitées grâce aux gestes posés par ces enfants et leur famille. «C’est susceptible d’amener de plus gros changements que ce qui est mesuré si on parvient à sensibiliser toute une génération à modifier ses manières d’agir ainsi que leur famille et leurs amis, d’où un effet d’entraînement», croit-il.
Quant à Solutions Will, l’entreprise permet aux gens d’acheter des crédits carbone liés à des microprojets issus d’initiatives locales au Québec et en Ontario et vérifiés par l’organisme Verra. « On peut changer le système de chauffage au mazout d’une église avec de la biomasse, ou encore permettre à une serre de se chauffer à l’électricité plutôt qu’au propane », précise-t-il.
3. Compenser sa dépense carbone
Une fois le fournisseur et les projets sélectionnés, il ne reste plus qu’à compenser la quantité de CO2 émise. Sur le marché volontaire, le prix de la tonne de carbone est très variable et dépend du type de projet choisi et des volumes équivalents de tonnes de CO2 évités ou séquestrés. Ce prix oscille présentement entre 10$ et 50$ la tonne. Ainsi, pour compenser un voyage aller-retour en avion Montréal-Paris, ce qui représente environ 1,8 tonne de CO2, il en coûtera entre 18$ et 90$, selon le projet.
Remarque importante: le coût réel, appelé aussi coût social, de la tonne de carbone avoisinerait plutôt les 185$ la tonne, selon une étude publiée en septembre dernier par la revue Nature. Il tient compte des dommages causés aux biens et à la santé des populations en plus des pertes économiques dans certains secteurs comme l’agriculture, par exemple.
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