À voir la vitesse à laquelle la nouvelle administration des États-Unis s’attaque aux faits scientifiques, à la recherche en santé, à l’éducation et aux médias, la prochaine cible pourrait-elle être Wikipédia?
Dès l’automne 2023, Elon Musk critiquait l’existence même de Wikipédia et de ceux qui donnaient des sous pour soutenir l’existence de cette «encyclopédie libre». En janvier 2025, il en appelait à «définancer» Wikipédia, l’accusant d’être «biaisée». Il avait apparemment été mis en colère par une mise à jour sur la page qui lui est consacrée: un nouveau paragraphe pointait son salut à une foule et le fait que quantité de gens y avaient vu un salut nazi.
Deux semaines plus tôt, le magazine Forward, qui se décrit comme «juif et indépendant» avait obtenu un document de la Fondation Heritage intitulé «Cibler les éditeurs de Wikipédia». On y appelait à identifier ceux qui écrivent dans l’encyclopédie sous pseudonyme, à partir de l’analyse de textes ou de données techniques. Heritage est ce groupe de réflexion conservateur qui est derrière le Projet 2025, inspiration d’un grand nombre des initiatives et des nominations de l’administration Trump depuis le 20 janvier.
La neutralité en cause
Or, les mécanismes qui sont derrière le fonctionnement de Wikipédia ont démontré depuis longtemps leur capacité à offrir une information le plus neutre possible. Études à l’appui, on a pu constater que le fait même d’avoir des centaines de milliers de contributeurs — presque tous bénévoles — qui peuvent corriger à tout moment n’importe quel article, est ce qui conduit les articles sur des sujets controversés à tendre vers un équilibre entre différentes factions.
Le système n’a pas la prétention d’être parfait, mais pour ce qui est de combattre les biais et les erreurs factuelles, notait le mois dernier la Columbia Journalism Review, il est de loin supérieur au système des «notes de la communauté» sur X, la plateforme que possède Musk.
En même temps, des études ont également établi depuis longtemps que des groupes politiques ou idéologiques n’aiment pas ceux qui les confrontent aux faits, lorsque ceux-ci contredisent leurs croyances. Et cette attitude, ces dernières années, a été au cœur de beaucoup d’attaques contre des universitaires, des militants et des journalistes. Ces attaques, écrivait l’an dernier la chercheuse Renee Di Resta, de l’Université de Georgetown — qui a été elle-même une cible — n’ont pas pour but de pointer des erreurs ou de demander des corrections. Elles ont pour but d’intimider: «ce qui allait se produire était prévisible pour ceux d’entre nous qui étudient la propagande et la désinformation».
Les contributeurs les plus actifs de Wikipédia pourraient-ils être les prochaines cibles? Un article du magazine 404 nuance qu’il n’est même pas clair s’il serait techniquement possible d’identifier ces contributeurs. Mais la Fondation Wikimedia prend la chose suffisamment au sérieux pour avoir envoyé, depuis la mi-janvier 2025, des avertissements indiquant qu’elle renforçait les mesures de sécurité pour rendre plus difficile d’identifier l’endroit par lequel une personne entre sur le site.