Les Amitiés: un texte de Louise Portal

Dans ses mots empreints de tendresse, Louise Portal rend hommage aux personnes chères qui l’ont touchée et ont embelli sa vie au fil des années.

«Les amis sont la famille que le cœur se choisit»

Des amitiés, nous en aurons du commencement jusqu’à la fin de notre existence. Certaines, depuis l’enfance, nous les cultiverons comme les fleurs d’un jardin unique, celui qui fleurit chaque saison de la vie et jusqu’à tard dans la vieillesse. Nous aurons parfois le privilège de leur tenir la main dans les épreuves et lors du grand départ.

En écrivant ces mots, certains visages me reviennent en mémoire…

D’autres amitiés, particulièrement celles de nos adolescences, seront tumultueuses, vacillantes, entre la ferveur des alliances et les ruptures fracassantes. Sujettes à bien des expériences folles ou douloureuses, enivrantes et souvent joyeuses. D’autres seront fauchées en pleine trajectoire avant l’âge adulte. La fureur de vivre peut s’avérer mortelle.

J’ai eu moi aussi une meilleure amie dans ma jeunesse. Une douce complicité nous unissait. Elle est morte un jour de grand vent, épuisée de survivre à la maladie. « Volée par un cancer fulgurant. Elle qui était pourtant force de vie, magnifique, rieuse et joyeuse. Que s’est-il passé pour qu’elle nous quitte si rapidement ? » (L’enchantée, Québec-Amérique 2001)

Je lui rends hommage dans l’un de mes romans. Mystérieusement, elle est venue poindre au bout de ma plume.
D’autres amitiés féminines sont venues m’accompagner tout au long de mon parcours. Je leur confiais les rumeurs exacerbées de mon cœur fragilisé par trop de peines et d’espoirs déçus. Elles savaient m’écouter et me consoler.
Pour vous comme pour moi, ces amitiés de sœur ou frère de cœur ont été les piliers à la construction de notre équilibre affectif. Ces amis nous ont permis bien souvent de reconnaître notre potentiel d’aimer. Mais gare à l’attachement. Il peut s’avérer complexe et nous enliser dans des attentes et déceptions profondes.

Nos amis sont des alliés, des compagnons de route pour un bref ou long voyage. Ils viennent à nous et repartent à leur tour dans le tourbillon de leurs amours et de leurs rêves. Il faut savoir les laisser aller et les remercier de ce qu’ils sont venus déposer.

Un rêve cette nuit. Une amie disparue de mon paysage est venue me visiter. Depuis cinq ans, mes appels, mes envois postaux sont restés sans réponses. Mais je continue de rêver à elle. Étrange…j’ai accepté son silence même si cela demeure une énigme. Des chemins de vie se croisent et soudain, des carrefours se présentent pour l’un ou pour l’autre et on se perd de vue. Quand son image se présente la nuit ou le jour, je m’adresse à elle, en silence. Je lui souhaite d’avoir trouvé le lieu où se poser. Elle ne l’aura pas volé, tant sa vie fut fragilisée par de nombreux deuils.
Une amitié désormais endeuillée après plus de trente ans partagés d’un continent à un autre. Du Québec à Paris. C’est ainsi.

Au contraire, parfois, un ami lointain surgit de manière inattendue. Une joie renouvelée nous saisit et le plaisir est toujours au rendez-vous. D’autres fois, les revenants nous déçoivent. Trop de temps est passé et la magie n’opère plus. La relation a perdu de son insouciance, de sa ferveur, cette spontanéité qui nous unissait jadis. Fermer la porte à un revenant d’hier n’est pas toujours aisé. Mieux vaut user de délicatesse et de franchise et s’en aller sur la pointe des pieds.

Le cœur ne ment pas. Il sait reconnaître à qui et quand accorder sa confiance.

L’amitié vient aussi remplir une mission.

Parfois brève. Pour une saison. Celle de partager des instants qui viennent ajouter du plaisir. Permettre de goûter à l’inattendu.

Parfois ponctuelle. Pour une raison. Nous accompagner dans une traversée plus périlleuse et nous permettre de faire face à l’adversité parce que nous ne sommes plus seuls. Une leçon a été apprise et nous sera utile longtemps.
Les amitiés pour la vie se reconnaissent à cette chaleur qui enveloppe notre être à la seule pensée que l’autre sera là pour nous quoi qu’il advienne. Il est le lien immuable de la tendresse, de l’affection et de l’amour.

J’ai cette chance de connaître toutes ces amitiés qui font vibrer mon âme et enjolivent les heures de ma destinée.
Et vous?