Certains l’appellent The Rock (la pierre), mais ce gros caillou surpasse en taille les trois autres provinces maritimes réunies! Son nom en français, Terre-Neuve, dégage, lui, comme un parfum de promesse à laquelle cette province canadienne répond parfaitement. Terre-Neuve réserve des surprises de taille, dont ces majestueux icebergs qui dérivent le long des côtes au printemps et cette nature impressionnante. Des falaises vertigineuses peuplées d’aigles et de macareux, des saumons géants, des baleines à profusion et des orignaux en si grand nombre qu’on déconseille d’emprunter les routes après la tombée de la nuit… Mais même tout cela n’est que la pointe de l’iceberg: tant de belles découvertes nous attendent sur cette île!
Sur la trace des Vikings
En débarquant par le traversier à Channel-Port-aux-Basques, on pourra consacrer nos premiers jours à la partie ouest, à la suite des Vikings, en s’arrêtant au parc national du Gros-Morne et au lieu historique national de L’Anse aux Meadows, tous deux classés au patrimoine mondial de l’Unesco. En arrivant à l’aube par le traversier de nuit, on profitera des paysages uniques du Gros-Morne dès le premier jour. Ouvrons l’œil: le haut plateau des Tablelands, chef-d’œuvre de la nature sculpté par le passage des glaciers il y a des millions d’années, est le royaume des orignaux. Ensuite, partons naviguer dans l’imposant fjord de l’étang Western Brook, au beau milieu de ses falaises escarpées. Pour s’imprégner pleinement de la nature, on peut même dormir sur place, le parc proposant notamment des tentes oTENTik très bien équipées pour du glamping tout confort. Info: pc.gc.ca.
Le lendemain, reprenons la Route des Vikings, qui suit la côte nord-ouest pour rejoindre la pointe nord de la péninsule et L’Anse aux Meadows. Selon les archéologues, ce site porte l’empreinte de la colonie de Vinland, installée par Leif Ericson aux environs de l’an 1000. Ce serait le seul endroit en Amérique du Nord où les explorateurs scandinaves ont décidé d’habiter. Grâce au campement viking reconstitué, on replonge vraiment dans cette époque, d’autant que des guides costumés nous racontent avec passion l’histoire, la culture et les légendes de ces conquérants qui ont tellement marqué l’imaginaire collectif.
Face aux colosses
Après cette échappée dans l’histoire, redescendons vers Gander et Grand Falls-Windsor, au centre de l’île. Ici, les amateurs de pêche pourront taquiner le saumon dans les nombreuses rivières de la région ou voir comment ces poissons contournent les chutes de la rivière des Exploits, grâce à la passe migratoire du Salmonid Interpretation Center (exploitsriver.ca). Cap ensuite vers Twillingate, capitale des icebergs en mai et juin (et jusqu’en juillet certaines années). On parle ici d’une véritable «route des icebergs» (Iceberg Alley): des centaines d’entre eux se détachent du Groenland pour défiler dans ce couloir maritime, au large de la petite ville. On les aperçoit même de la côte par moments! On peut aussi partir à leur rencontre. La compagnie Iceberg Quest propose par exemple plusieurs excursions quotidiennes (icebergquest.com). À chaque sortie, les capitaines suivent les traces des icebergs repérés dans le secteur, pour que chacun puisse admirer aux premières loges ces colosses de glace majestueux et intimidants.
Retournons ensuite vers Farewell, pour emprunter le traversier vers la petite île de Fogo et sa sensation incomparable de bout du monde. À peine débarqués du bateau, un panneau routier nous souhaite la bienvenue à Little Seldom («Peu rarement» en français). Nous voilà prévenus! L’isolement et la tranquillité de Fogo font justement partie de son charme. Le premier ministre Justin Trudeau y a d’ailleurs passé quelques jours en famille il y a deux ans. Il faut dire que l’île fait aussi parler d’elle grâce au Fogo Island Inn (fogoislandinn.ca). Cet hôtel avant-gardiste héberge des artistes locaux en résidence et fait travailler de nombreux artisans du coin. Outre ses chambres à la vue exceptionnelle (on observe les baleines et les icebergs de son lit!), cet hôtel emblématique propose une cuisine typique et s’est doté de sentiers pédestres, aménagés sur les côtes voisines et parfaits pour approcher au plus près ces paysages sauvages, entre rochers dénudés et herbes folles fouettées par le vent, qui incitent à la rêverie. On peut en dire autant du village de Tilting, qui porte encore fièrement les traces de ses origines irlandaises: tout, du cimetière aux gîtes du coin, arbore encore des inscriptions gaéliques, au cœur d’un paysage très semblable en plus.
Le lendemain, partons à la rencontre des peintres, des potiers et des couturières qui confectionnent encore des courtepointes traditionnelles dans les nombreux studios et boutiques qui bordent la route principale. Puis on s’offre une randonnée sur le rocher mythique de Brimstone Head, qui domine la baie de Fogo de sa silhouette très distinctive. On y célèbre chaque été un festival populaire qui attire des milliers de personnes. En dehors de cet événement, on accède aisément à son sommet, lieu idéal pour admirer le coucher du soleil en savourant un petit verre de Moose Joose, un vin à base de bleuets et de canneberges de Terre-Neuve. Au retour, on ne manque pas de faire un tour au Nicole’s Cafe, un des meilleurs restaurants de Terre-Neuve, situé à Joe Batt’s Arm (nicolescafe.ca). Dans une ambiance à la bonne franquette, la chef invite à goûter une foule de spécialités réinventées, préparées avec de la morue et les meilleurs produits locaux. Pour le dessert, impossible de résister aux glaces artisanales du Growler’s Ice Cream Shop, juste à côté. Là encore, plusieurs saveurs rivalisent d’originalité, mettant en vedette les groseilles, bleuets, mûres et autres baies sauvages de la région.
Après quelques jours à Fogo, on reprend le traversier vers Farewell ou on continue jusqu’à l’île Change, encore plus petite et moins peuplée, qui séduit par sa tranquillité, ses paysages sauvages et ses habitants hauts en couleur (changeislands.ca). Des personnages tels que Peter Porter, le propriétaire du Olde Shoppe Museum, qui raconte l’histoire du village avec beaucoup d’humour à l’aide de sa collection de machines et d’objets antiques (instruments nautiques, vêtements, photos d’époque). En fin de journée, on part marcher sur les sentiers Squid Jiggers ou Shore Line, au milieu des cabanes sur pilotis, des barques de pêcheurs, des fleurs sauvages et des rochers couverts de mousse se réfléchissant sur l’eau en un bel effet miroir.
Cap sur les fjords
De retour à Farewell, on continue de longer la côte vers l’est, jusqu’à Newtown. Là encore, la petite église anglicane, la baie, les cabanes de pêcheurs et les casiers de homards forment de véritables tableaux impressionnistes à certains moments de la journée. Sur place, le Barbour Living Heritage Village fait découvrir l’âge d’or de la chasse aux phoques dans la région, en visitant l’école, les anciens entrepôts et la demeure d’une importante famille de marchands. On peut également y casser la croûte et assister au spectacle du théâtre d’été (barbour-site.com). Pour terminer en beauté, rendons-nous ensuite jusqu’au parc national Terra-Nova, bordé par deux fjords. Après avoir exploré certains secteurs à pied, on embarque en zodiac dans le fjord Newman pour profiter des panoramas spectaculaires, tout en apercevant les nombreux aigles en vol ou perchés sur leurs nids, au sommet des arbres. En juillet, on y croise également des baleines comme à plusieurs endroits des côtes terre-neuviennes. Info: oceanquestadventures.com.
Si on souhaite prolonger le plaisir (ou rejoindre le traversier partant d’Argentia), on continue plus à l’est encore, voire même jusqu’à la capitale, St. John’s, où on pourrait assister à un concert de musique celtique ou jaser avec les «Newfies», si sympathiques. Car, quel que soit l’itinéraire, c’est surtout l’incroyable sens de l’humour et l’autodérision des habitants qu’on découvre, cachés sous la pointe de l’iceberg… Ça et tous les autres petits détails qui font de Terre-Neuve une île vraiment à part.
En pratique
Y aller Air Canada et Westjet desservent les villes de St. John’s et Gander. En voiture, on emprunte le traversier entre North Sydney (Nouvelle-Écosse) et Channel-Port-aux-Basques (env. 7 h) ou celui vers Argentia (env. 16 h): marine-atlantic.ca. Pour le traversier vers les îles Fogo et Change (45 min.): www.tw.gov.nl.ca/ferryservices.
Où loger Il y a beaucoup de petites auberges, de gîtes, de chalets et de campings, dont le Freshwater Inn & Bistro, entre St. John’s et Deer Lake (freshwaterinn.com), le Quirpon Lighthouse Inn (sur une île, à la pointe nord), le Seven Oakes Inn and Cottages, sur l’île Change, une maison centenaire avec cuisine familiale typique (sevenoakesislandinn.com).
À noter Il faut compter deux ou trois semaines pour bien explorer Terre-Neuve. Pour compléter le circuit suggéré ici, on pourrait par exemple ajouter quelques jours dans la péninsule d’Avalon ou se rendre jusqu’à Cape Spear, le point le plus à l’est du pays (newfoundlandlabrador.com).
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