Partenaires en affaires comme dans la vie, les fondateurs de l’entreprise Les Ensembliers forment une puissante paire créative, à la ville comme à la campagne. Avec la ferme Humminghill, le domaine qu’ils ont acquis en 2018, ces grands complices se cultivent un avenir à leur image.
Leur rencontre
Richard On s’est tout bonnement rencontrés par internet en 2007, on était jeunes! On a eu une date au restaurant Pullman, je me souviens encore de ce que je portais… J’étais célibataire depuis cinq ans. Max, lui, avait une vie plus olé-olé, moi, j’étais plus calme. Après ce souper, on ne s’est plus jamais quittés. Quelques jours plus tard, il m’a invité à l’accompagner à Paris. Il essayait de m’impressionner, et ça a marché!
Maxime On a déménagé ensemble deux mois plus tard.
Des débuts fulgurants
Richard À l’époque, Max, qui est architecte, avait lancé sa boîte d’architecture et de construction, tandis que moi, j’étais dans une agence de pub comme gestionnaire de projets en stylisme et design graphique. En l’espace de quelques mois, j’ai laissé mon emploi pour me joindre à lui, et on a réuni tous nos services sous le nom Les Ensembliers. Max s’occupe de l’architecture et de la construction, et moi, du design d’intérieur.
Maxime Nos affaires allaient super bien, puis la crise financière de 2008 est arrivée et a failli tuer notre entreprise. On a vécu un gros stress très rapidement, ce qui a eu pour effet de souder nos liens. Et comme dit l’adage, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. En 2012, face à d’autres difficultés, on s’est encore réinventés. On est partis avec notre valise à New York, on a réussi à obtenir une courte rencontre à la maison Brunschwig & Fils pour leur proposer une collection de tissus. Aujourd’hui, Richard en est à sa troisième collection de tissus. Il a réussi à créer des classiques qui se vendent partout dans le monde. Il fallait être un peu naïfs, un peu rêveurs, et y croire.
La pandémie qui change tout
Maxime Quand la COVID est arrivée, nos affaires marchaient bien, on avait une présence à New York, à l’international, puis, comme tout le monde, on a dû tout arrêter. On était rendus à 50 ans tous les deux, et ça nous a reconnectés à un esprit plus sédentaire, nous qui ne l’étions pas du tout !
Richard Alors, encore une fois, on s’est réinventés, cette fois en fermiers !
Une ferme en mal d’amour
Maxime On aurait pu avoir une émission de déco : en quinze ans, on a acheté, rénové et revendu vingt propriétés! En 2016, on a eu un coup de cœur pour un domaine abandonné à Bolton-Ouest, avec l’idée de ramener sa vocation agricole d’antan. Mais on s’est fait prendre à notre propre jeu, parce qu’on est tombés en amour avec la portion agricole de la propriété. Alors, on est devenus des agriculteurs du dimanche, on s’est fait un jardin et puis, la pandémie nous a fait prendre conscience que l’autosuffisance, l’autarcie, c’était ça, la vie dans un monde en perte de repères. Alors, on a laissé notre appartement à New York, notre bureau à Toronto, puis on s’est installés dans ce qui était à l’origine une annexe, qu’on a rénovée pour y vivre. Et notre projet d’agriculteurs du dimanche s’est mis à prendre de l’ampleur.
Richard Ma perception de tout ça est un peu différente! Max a toujours besoin d’être dans l’action, d’avoir mille et un projets, contrairement à moi qui suis capable de juste m’asseoir pour écouter les oiseaux.
Ciboulette!
Maxime Oui, mais il faut préciser qu’on n’a pas les moyens de faire entretenir un terrain aussi vaste. Alors, il fallait générer une activité économique. En bons gars de la ville qui ne connaissent rien, on a essayé le foin, le bûchage de bois, mais ça ne rapportait pas vraiment. Quand on a dessiné notre potager, au départ, on voulait y mettre des haies de buis, mais ça coûte 30 $ le plant et il nous en aurait fallu 1 000… Quelqu’un nous a suggéré de planter de la ciboulette. Au printemps, quand on a vu toute notre ciboulette en fleurs, j’ai pris une photo que j’ai publiée dans un groupe Facebook de jardiniers amateurs pour faire mon frais, et elle est devenue virale. Les gens nous demandaient ce qu’on allait faire avec toute cette ciboulette, et on avait l’air de deux épais parce qu’on n’avait pas pensé à ça ! Quelqu’un nous a alors suggéré de faire du vinaigre avec les fleurs de ciboulette…
Richard Très longue histoire pour dire que mon chum a maintenant son vinaigre dans une quarantaine de points de vente et qu’il est utilisé par des chefs ! On a été se chercher une licence de producteurs agricoles et on a construit une cuisine commerciale. Aujourd’hui, on fait des vinaigres, du miel et, depuis cette année, du sirop d’érable.
Une vitrine pour les artisans
Richard À force de passer du temps à la ferme, de rencontrer nos voisins, dont une qui est potière, on a découvert plein d’artisans du coin et… on s’est lancés dans un autre projet ! Celui de faire rayonner le talent local, même si certains étaient déjà établis et n’avaient pas besoin de nous. On a sélectionné une bonne vingtaine d’artisans, et on leur offre une vitrine sur notre site web, où on peut acheter leurs créations. Mais on fonctionne encore une fois à notre manière, c’est-à-dire qu’au lieu de leur commander des objets à la pièce en fonction de la demande, on leur achète toute une série pendant leur saison morte, et on l’entrepose ici. On a longtemps siégé à des conseils d’administration d’hôpitaux, et on voit ça un peu comme la continuité de cette philanthropie : on investit en eux et on se fait un porte-voix pour leur travail.
Révérer la terre
Maxime Tout ce qu’on fait à la ferme est ancré dans le respect de ce qui nous entoure. On fait de la permaculture, on respecte les méthodes de construction LEED, nos poules nous donnent des œufs, mais aussi du fumier, on cultive des fleurs qui servent à nos pollinisateurs, puis on vend des bouquets par abonnement. Et l’an prochain, même si je n’aurais jamais pensé qu’on se rende là, on aimerait débuter le pâturage rotatif avec des vaches, une façon écologique de fertiliser la terre.
Le bonheur est dans le pré
Richard On dit souvent qu’on est deux Candide, comme dans le roman de Voltaire. On est allés chercher le bonheur sur la planète au complet, et il était dans notre jardin. On est en train de se bâtir une maison à laquelle vont contribuer plein d’artisans qu’on aime et qui, pour la première fois de notre vie, n’est pas à l’image du rêve d’un de nos clients, mais à notre image à nous. Notre entreprise se porte à merveille, on apprécie chaque moment passé ici. On vit nos plus belles années, notre golden age.
Maxime On travaille fort, mais on s’est créé une vie à l’image de nos passions. Alors, tout ça n’est pas un boulot, mais un style de vie qui nous représente, un environnement où la création passe toujours avant tout. Être reconnus pour ce qu’on crée, c’est le plus beau et extraordinaire des cadeaux.
Leur philosophie (Une phrase la résume sur @fermehumminghill, leur compte Instagram: Building meaning into beauty every day.)
Maxime Ça veut dire que c’est le sens qui donne la beauté à un projet. On n’aime pas faire du beau pour faire du beau.
Richard Le sens vient de la connexion aux gens et au lieu. C’est d’abord le lieu qu’on priorise : qu’est-ce que cette maison doit révéler, comment la respecter, la transformer tout en gardant son esprit ?
Maxime Et c’est ce qui s’est passé à la ferme. Dans les années 60, elle était devenue un domaine de villégiature : beau, mais qui dénaturait son essence même. On a découvert une fondation qui datait de 1930 et qu’une des premières familles à y avoir établi leur ferme étaient les MacPherson. C’est ce qui nous a incités à y ramener son sens premier.
L’avenir
Maxime Notre objectif est que cette maison devienne notre lieu de travail principal. J’ai hâte de me promener en bottes de pluie à la semaine longue, puis de rentrer chez moi pour un meeting de design dans notre nouveau studio.
Richard On ne veut pas travailler comme des fous encore dix ans pour en profiter plus tard, on veut moduler notre façon de faire pour vivre non pas une retraite, mais une transformation de nos activités, tant des Ensembliers que de la Ferme Humminghill.
Maxime On a la chance de préparer le terrain pour un avenir selon notre vision : vivre, travailler, manger, profiter de la vie, respecter l’environnement et être entouré de gens qu’on aime.
Richard On a des clients qui ont fait construire leur maison de rêve à 77 ans, un même à 95 ans. Moi, ma maison de rêve, je veux la commencer à 52 ans et en profiter pendant les 30 prochaines années. C’est un cadeau qu’on se fait aujourd’hui de bâtir notre avenir à notre goût.
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