Les bottes d’hiver les plus coûteuses sont-elles efficaces pour éviter de glisser?

Les bottes d’hiver les plus coûteuses sont-elles efficaces pour éviter de glisser?

Par Agence Science-Presse

Crédit photo: iStock

Avec l’hiver reviennent les trottoirs glacés… et les chutes. Certains sont prêts à payer très cher pour des bottes anti-dérapantes. Toutefois, même les meilleures marques ont un gros défaut.

L’origine du problème

À la base, c’est une banale question de physique: il faut augmenter la friction entre la surface de la semelle et la glace. Une semelle anti-dérapante comporte donc des rainures qui ont pour but de faire s’écouler les liquides de manière à ce que le soulier ou la botte soit fermement en contact avec le sol.

Mais une fois qu’on a établi ce fait, encore faut-il le tester en situation réelle, et non uniquement sur un tapis roulant, comme le font plusieurs laboratoires.

Un laboratoire anti-dérapant

Il existe à l’Université de Toronto le «WinterLab»: un genre de cube de glace géant.

Le cube repose sur un vérin hydraulique qui peut l’incliner jusqu’à 15 degrés, créant une pente dangereuse. À l’intérieur de ce cube, la plus petite patinoire au monde: un plancher de glace, frigorifié grâce à des tubes de glycol sous la surface, mesurant 4,5 mètres par 4,9 mètres. On enfile des bottes et on essaie de marcher sur la glace. Si on glisse, un harnais anti-chute fixé à un pont roulant au plafond nous évite une visite aux urgences.

WinterLab fut créé par Geoff Fernie, l’ancien directeur de ce qui s’appelle maintenant l’Institut de recherche KITE au University Health Network de Toronto. Le labo met chaussures et bottes à l’épreuve dans le cadre de projets de recherche mais aussi comme service payant pour l’industrie qui désire mettre à l’essai ses dernières moutures.

L’idée est simple: on incline jusqu’à perte d’équilibre. En tout, quatre personnes enfilent des bottes d’une marque donnée à l’intérieur du WinterLab. Après chaque essai, la pente augmente. On leur demande de marcher vers le haut de la pente, puis vers le bas. Elles marchent lorsque la glace est froide et sèche, mais aussi lorsqu’elle est couverte d’une mince couche d’eau, comme lorsque la glace fond. Le résultat global n’est pas le meilleur de tous ces essais mais bien le pire. On l’appelle l’angle maximal atteignable.

Les bottes qui ont été testées par le WinterLab sont listées sur le site Rate My Treads avec le résultat final.

«À la suite des essais initiaux, nous avons appris rapidement que la majorité des bottes d’hiver en vente sont terribles», déclare Tilak Dutta, de l’Institut de recherche KITE et professeur adjoint à l’Institut d’ingénierie biomédicale de l’Université de Toronto.

La petite minorité qui obtient les meilleures notes, ce sont des bottes avec des technologies dernier cri, où le fabricant a mis des pointes de métal dans la semelle extérieure, ou bien a créé un matériau composite qui utilise des minerais durs (la technologie Green Diamond) ou des fibres de verre microscopiques (les technologies Icelandic Grip et Vibram Arctic Grip), incorporées dans la semelle. Parfois, ces concepts sont combinés, comme pour la technologie IceFX.

Le gros bémol: l’usure

Mais il y a un hic. Même la meilleure technologie s’use vite. Les études sont souvent faites sur des bottes neuves, ce qui introduit un biais. L’équipe a publié en 2022 les résultats d’une étude-pilote sur l’usure des bottes et leur performance.

Elle a choisi deux marques de bottes d’hiver (une marque d’homme, l’autre de femme) qui avaient des semelles soit Vibram Arctic Grip, soit Green Diamond —les meilleurs types de semelles en terme d’anti-dérapage. Des participants ont marché un total de 100 000 pas autour du pâté de maisons et leurs bottes ont été testées à tous les 25 000 pas. Étonnamment, on a remarqué «une perte d’adhérence significative à la glace après 75 000 pas, qui équivaut à un usage relativement mince», conclut l’article. Si vous accumulez de 3000 à 4000 pas dans une journée pour vous rendre au travail et revenir chez vous, vous atteindrez 75 000 pas au bout d’un mois. Qui d’entre nous se munira de multiples paires de bottes à chaque hiver?

Cette étude-pilote a été déclenchée par des commentaires reçus lors d’une autre étude qui, publiée en 2019 avait été, elle, effectuée en Ontario chez des préposés au soutien des patients à la maison. Ces préposés avaient reçu des bottes d’hiver à tester. Certains s’étaient plaints que les bottes devenaient plus dérapantes à la fin de la période d’essai de huit semaines. Ce phénomène a maintenant été confirmé par l’étude-pilote.

Certaines technologies anti-dérapantes durent-elles plus longtemps que d’autres? Est-ce que nos semelles peuvent être obstruées par des particules de glace durant la marche, ce qui réduirait la friction? Est-ce que les variations d’une marche à l’autre font en sorte qu’une semelle s’use plus vite chez une personne versus une autre? Davantage d’études sont nécessaires.

 

Cet article est une adaptation du texte de Jonathan Jarry, publié sur le site de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill. 

Vidéos