Il y a une dizaine d’années, cette icône de style a quitté le monde (et les horaires surchargés) du marketing de haut niveau pour se consacrer à sa passion: la céramique. Elle ne l’a jamais regretté.
La bougie d’allumage
Le déclic s’est produit le jour de mon cinquantième anniversaire. J’étais à l’époque vice-présidente du marketing pour une grande entreprise de mode, un milieu dans lequel j’ai évolué pendant une trentaine d’années. Sur le chemin du retour, ça m’a frappée : est-ce que j’allais passer le reste de ma vie à travailler jour et nuit ? J’ai réalisé que ce rythme, cet emploi ne me comblaient pas. J’ai aimé mon travail pendant de nombreuses années, mais je me suis demandé si je passais à côté de quelque chose.
Un faux détour
Au début, je me suis dit que j’en avais peut-être simple- ment assez de mon travail et que j’avais besoin de changer. Alors, je me suis trouvé un nouvel emploi dans le secteur de la beauté pour une entreprise française. Je voyageais beaucoup, j’allais à Paris tous les mois. Mais j’ai vite réalisé que ce dont j’avais besoin, ce n’était pas de changement, mais de sens.
Le plongeon
J’ai toujours fait de la céramique, à une fréquence variable. J’ai dans le passé suivi des cours dans un centre communautaire à Mont-Royal, que j’ai adorés. En parallèle, pendant les cinq, six dernières années de ma carrière de gestionnaire, j’ai tenu un blogue consacré à la déco, où je publiais mes inspirations du moment en matière de design d’intérieur. Après mon 50e anniversaire, un sentiment d’urgence s’est imposé: j’ai décidé que je devais renouer avec la céramique et me lancer. C’était bien sûr terrifiant de plaquer un emploi très bien rémunéré pour devenir artiste céramiste! Mais en même temps, c’est devenu une évidence.
Une vision
J’ai réfléchi à la direction que je voulais donner à ma collection, et le constat qui est ressorti, c’est que je voulais créer de la vaisselle que j’aimerais moi-même utiliser et avoir dans ma maison. Et qu’elle serait blanche. Mais je ne savais pas exactement comment la réaliser! Je me suis donc trouvé un studio, et j’y suis allée tous les jours. J’ai fait de nombreux essais, de nombreuses erreurs, de nombreux tests. À l’été 2012, je me suis sentie assez prête et j’ai lancé mon site web, sur lequel j’ai mis mes créations en vente. En raison de mon expertise en marketing, je savais comment me promouvoir, construire une communauté en ligne, tout ça. Je me suis fait des contacts, j’ai appris d’autres personnes et, à mon grand étonnement, les choses ont décollé assez rapidement!
Vivre, créer
Je n’ai jamais eu de plan B. Je me disais que si j’échouais, je pourrais retourner en marketing, même si ce n’était pas ce que j’espérais. À mes débuts, j’avais des petits contrats à droite, à gauche, pour subsister. J’assistais un architecte d’intérieur. Et je suis mannequin à temps partiel depuis plusieurs années. Mais ce que je voulais, c’était donner une nouvelle direction à ma vie, pour qu’elle soit centrée sur la création, l’art et la beauté. Je désirais plus que tout être authentiquement moi-même, c’est-à-dire une artiste. Créer me rend heureuse, et le fait que ça rende les autres heureux aussi, c’est comme un cadeau qui va dans les deux sens. Je ne mentirai pas, je travaille encore beaucoup, comme tous les entrepreneurs. La différence, c’est qu’aujourd’hui ma vie personnelle et ma vie professionnelle ne font qu’une, puisque la création et la créativité au centre de la première ont enfin rejoint la seconde.
Le blanc intégral
Le blogue que je produisais sur Tumblr au moment de quitter mon poste s’intitulait Looks Like White, et c’est ce qui est aujourd’hui devenu le nom de mon entreprise. À l’époque, le choix s’est fait instinctivement: je savais que je voulais publier des photos d’intérieurs, de céramique et de meubles blancs parce que cette couleur était très apaisante pour une personne comme moi, qui était chaque jour exposée à un kaléidoscope de couleurs au travail. J’aimais aussi que ça évoque un canevas vierge. Quand j’ai commencé à concevoir ma vaisselle, je voulais qu’elle soit organique, raffinée et épurée. C’est la nourriture qu’on y met qui lui donne de la couleur. Ma céramique est là pour la mettre en valeur.
L’art au quotidien
Même si je leur donne de la texture avec des éléments comme de la dentelle et du lin, mes pièces sont conçues pour aller au lave-vaisselle et au micro-ondes. Et j’encourage les gens à les utiliser au quotidien. Je ne suis pas en faveur de cette idée d’avoir de la vaisselle pour les grandes occasions, et d’autre pour la vie de tous les jours. Bien sûr, cela demeure de la vaisselle précieuse, au sens où elle est faite à la main et donc plus coûteuse, mais elle est solide et fonctionnelle même si elle a l’air délicate. Faites-moi confiance!
Vive l’imperfection!
Est-ce que je casse parfois de la vaisselle quand le résultat ne me plaît pas? Non! Il est même très rare que j’en jette. Je trouve d’ailleurs que mes plus belles pièces sont les plus imparfaites. La seule perfection que je vise a une vocation pratique: je veux que mes assiettes puissent bien s’empiler, ce qui ne pourrait être le cas si elles étaient irrégulières. Mais si la texture de l’une est plus rugueuse, eh bien, ça me rappelle la nature, où il y a peu de choses polies. Je trouve que c’est une métaphore de la vie: il faut être patient et accepter que tout ne soit pas parfait, lâcher prise.
Style perso
Il a beaucoup évolué, surtout depuis que je suis devenue céramiste. J’ai laissé tomber les vestons et j’ai réduit ma garde-robe à l’essentiel. Je porte des jeans, des t-shirts blancs et des pulls presque tout le temps. Mon style est simple, j’aime les vêtements confortables et les couleurs neutres et unies : beige, blanc, noir. Je crois que je possède une robe à imprimé fleuri, et une à carreaux, c’est tout! En fait, mes vêtements reflètent tout simplement ma vie.
Vie intérieure
J’habite le Vieux-Montréal, dans une maison qui date des années 1860. J’ai longtemps été locataire sur la même rue, mais je suis devenue propriétaire il y a peu. Mes plafonds sont en bois, avec des poutres apparentes, il y a des murs de briques et tout le reste est blanc et beige. J’aime ce style chaleureux et naturel, en harmonie avec la nature. Cela dit, je ne vis pas dans une page de magazine déco, ma maison est vivante, et même quand ma fille Chloé était petite, mes canapés étaient blancs. Des housses, ça se lave ! Je veux que les gens se sentent bienvenus chez moi, et non inquiets de renverser du vin. Et puis, j’adore vivre dans ce quartier où les bâtiments ont une histoire.
Chevelure signature
J’ai commencé à avoir des cheveux blancs à 23 ans. Je les ai longtemps teints. Ma couleur naturelle est le blond clair. À 40 ans, ma coloriste m’a demandé pourquoi je me faisais faire des mèches pour obtenir un look qui au fond correspondait à celui que j’affichais quand j’entrais dans son salon! Elle m’a suggéré de les laisser blancs, et c’est devenu ma signature. À l’époque, ce n’était pas à la mode, et mon amoureux du moment trouvait que j’étais trop jeune pour avoir une tête blanche. Mais je ne suis jamais revenue en arrière. Ça fait partie de qui je suis maintenant.
Rituels beauté
Je me fais des shampoings violets pour éviter que mes cheveux ne deviennent jaunes, et de temps en temps, j’applique un masque capillaire. Sinon, je prends un soin jaloux de ma peau, parce que je travaille constamment dans la poussière. J’utilise des sérums, de bonnes crèmes et je m’offre des traitements à la lumière rouge. Je crois en outre au principe «on est ce que l’on mange»… et ce que l’on boit! Chaque jour, je bois beaucoup d’eau pour rester hydratée, et je suis devenue végétalienne il y a plusieurs années. Aussi, je pense que quand on est heureux, qu’on est fidèle à soi- même, ça se reflète sur notre apparence.
Au diable les diktats!
Je n’aime pas l’idée qu’on doive se vêtir, se coiffer ou se maquiller en fonction de notre âge. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai adopté les cheveux blancs à 40 ans. J’estime qu’on doit s’habiller comme on le sent. L’important, c’est avant tout d’être bien avec soi-même.
Sa philosophie
Je crois qu’on doit vivre en demeurant fidèle à notre nature. Et qu’on ne doit pas se laisser freiner par la peur, que ce soit la peur du changement ou celle du jugement. On doit s’autoriser à vivre nos envies, à mordre dans la vie et à faire ce qu’on aime vraiment. Cela ne peut que nous apporter de la joie.
Ses sources d’inspiration
Je m’inspire de mes voyages, de mes visites au musée, de l’art en général, de la nature, et même des objets dans ma maison. Je lis beaucoup, et je suis passionnée de décoration intérieure. Un simple détail peut faire germer une idée, qui m’habite et mûrit en moi. L’inspiration peut vraiment venir de partout. Comme cette fois où ma sœur m’a envoyé plusieurs dentelles qu’elle avait trouvées en France. En les admirant, j’ai eu l’idée d’en faire l’empreinte dans ma céramique pour lui donner une texture unique.
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