Je veux publier un livre!

Je veux publier un livre!

Par Julie Lavoie

Crédit photo: Jan Kahánek via Unsplash

Plusieurs rêvent de voir un jour leur roman près de ceux de Marie Laberge en librairie ou de côtoyer Michel Tremblay au Salon du livre. Mais pour y arriver, par où commencer?

Disons-le d’emblée: on n’écrit pas un livre pour s’enrichir. Un sondage réalisé auprès de 521 membres de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) a démontré que le revenu moyen tiré de leur travail d’écriture s’est élevé à 9169 $ pour l’année 2017. Les auteurs touchent généralement 10 % du prix de vente par livre. Un best-seller équivaut à 3000 exemplaires écoulés au Québec. Cela signifie que, pour un livre vendu 25 $, l’auteur gagnera alors 7500 $. Considérant le temps investi, il n’y a pas de quoi s’assurer une retraite dorée! De plus, les maisons d’édition québécoises traditionnelles publient environ 9000 titres par année*, auxquels s’ajoutent quelque 60 000 nouveautés étrangères**. Il faut donc un sacré bel alignement de planètes pour sortir du lot. Le talent seul ne suffit pas!

 

À compte d’auteur

Les succès littéraires sont rares, mais ils existent. Originaire de Val-d’Or, Lucille Bisson, qui se décrit comme une «très très jeune retraitée», séduit les ados avec ses séries Marianne Bellehumeur et Griffes Académie, publiées chez Boomerang. Avant de se lancer en littérature jeunesse, elle a d’abord publié un recueil de nouvelles à compte d’auteur aux Éditions de l’Apothéose, «qui se sont occupées de tout, sauf de la direction littéraire et de la correction», précise-t-elle. Elle avait alors 51 ans. 

Pourquoi ne pas être passée par le réseau d’édition classique? «Je n’ai pas trouvé preneur parmi la dizaine d’éditeurs à qui j’ai envoyé mon recueil. J’ai décidé de me tourner vers cette compagnie, qui offrait un service assez complet, parce que je ne voulais pas que ce premier livre dorme dans mon ordi. L’expérience s’est avérée enrichissante et m’a permis de réaliser le rêve que je caressais depuis l’enfance: avoir mon nom sur un livre.» 

De nombreuses entreprises proposent ce type de forfait «clés en main». Le prix varie beaucoup de l’une à l’autre, mais aussi selon le tirage. «On paie pour tout, explique Lucille Bisson. L’avantage est que le profit est plus intéressant.» En 2011, elle a déboursé 6 $ pour chacun des 600 exemplaires de son livre, qu’elle a ensuite revendu 20 $. Il y a toutefois quelques bémols. «Aucune direction littéraire, aucun système de distribution dans les librairies – du moins, au moment où j’ai publié –, donc beaucoup de travail de promotion en perspective.»

En 2016, Radio-Canada a rapporté le cas de l’éditeur Marcel Broquet, qui avait réclamé à une auteure plus de 11 000 $ pour publier 400 exemplaires de son manuscrit. Avant d’aller de l’avant, mieux vaut effectuer des recherches. «Certaines maisons d’édition se spécialisent dans la publication à compte d’auteur, c’est-à-dire que l’auteur doit assumer une part des frais encourus, peut-on lire dans la Foire aux questions du site de l’UNEQ. Bien que cette pratique ne soit pas mauvaise en soi, elle doit résulter d’un choix éclairé. Le contrat de publication à compte d’auteur – différent d’un contrat à compte d’éditeur – doit tenir compte de votre contribution. Par exemple, le taux de redevances doit être plus élevé (beaucoup plus que 10 %, en fonction du montant qui vous est demandé), et la licence consentie à l’éditeur devrait pouvoir être résiliée en tout temps.» Certains romans à succès ont d’abord été publiés à compte d’auteur. L’exemple récent le plus célèbre? Un certain Fifty Shades of Grey

 

L’édition traditionnelle

Pour publier chez un éditeur reconnu, il faut s’armer de patience, ces derniers étant inondés de propositions. Il arrive toutefois que les choses soient moins ardues qu’on ne le croit. À 54 ans, Michèle Hénen a vu son premier roman devenir un best-seller. «Je travaille comme designer graphiste. J’ai toujours aimé lire et un jour, j’ai eu envie d’écrire pour dire aux jeunes que la vie est magique. Que le bonheur, on le crée. Il m’a fallu trois ou quatre ans pour terminer mon premier roman.» Elle a fait parvenir son manuscrit à trois maisons d’édition, dont les Éditions de Mortagne, qui ont décidé de l’éditer. «J’ai eu énormément de succès au Salon du livre. Les lectrices m’ont demandé une suite, puis une autre. J’en suis donc à mon quatrième. J’ai beaucoup de chance!»

Sergine Desjardins a pour sa part décidé de se consacrer à l’écriture à l’aube de la cinquantaine. Son premier roman, Marie Major, est inspiré de la vie de son ancêtre. Publié par Guy Saint-Jean Éditeur, l’ouvrage a été réimprimé à quatre reprises et a reçu le prix littéraire international indépendant Marguerite Yourcenar, décerné par l’agence italienne Punctum, en 2013. Par ailleurs, sa biographie en deux tomes de Robertine Barry, première femme journaliste canadienne-française, lui a permis de remporter le prix Jovette-Bernier en 2011. Pourtant, rien ne laissait présager un tel succès. «J’ai un parcours atypique, écrit-elle. J’ai quitté l’école à 16 ans et exercé différents métiers avant de retourner aux études à la mi-vingtaine.»

Ses conseils à ceux et celles qui rêvent de suivre ses traces? «Le premier: ne pas avoir trop d’attentes. Le deuxième: être discipliné. Comme l’a conseillé Stephen King, les Muses doivent savoir où et à quelle heure nous trouver: il faut être à sa table de travail pour que l’inspiration soit ou non au rendez-vous.» Michèle Hénen abonde dans le même sens. «Il faut écrire d’abord et avant tout pour se faire plaisir. Lire énormément. Et écrire plusieurs fois par semaine.»

 

L’auto-édition 

Ugo Monticone a publié son premier récit de voyage, Chroniques de ma résurrection, dans une maison traditionnelle, les Éditions du CRAM, à l’âge de 22 ans. Au cours des 20 années suivantes, il a fait paraître six autres ouvrages chez un éditeur classique, puis quatre en auto-édition. Plutôt que de passer par une entreprise proposant des services «clés en main», il a préféré tout faire de A à Z. «Dans l’édition traditionnelle, une fois le texte en Word envoyé, tout est pris en charge. Le bon côté de l’auto-édition est qu’on reste totalement maître de son projet. On est libre. On doit gérer la correction, la mise en page, la couverture, l’impression, la distribution, l’impression, la vente… Le fait de n’avoir à attendre après personne fait aussi que le processus est plus rapide. Et puis, on a un taux d’acceptation de nos projets de 100 %!»

Avoir déjà publié ne garantit pas qu’on le sera de nouveau. «C’est de plus en plus difficile d’être publié aujourd’hui, constate l’auteur. Certaines maisons reçoivent 800 manuscrits par année et en choisissent cinq ou six. D’autres sélectionnent leurs livres pour les trois ou quatre prochaines années. Avec l’auto-édition, on peut aller de l’avant sans se soucier de ces barrières.» 

Afin de se distinguer, Ugo Monticone mise sur l’innovation. Pour son projet Le vendeur de goyaves, en réalité immersive, il a d’abord lancé une campagne de socio-financement pour s’assurer de vendre au moins 200 exemplaires. «Aucun éditeur ne voulait embarquer dans ce projet. C’est ce qui m’a convaincu de me tourner vers l’auto-édition. J’ai ainsi pu garder le contrôle sur tout. Finalement, Tryptique a décidé de publier la version papier, mais j’ai gardé les droits sur le numérique.»

Son expertise en auto-édition l’a amené à offrir des formations à quelques reprises. «Le nerf de la guerre est de trouver comment faire en sorte que le livre se démarque. Non seulement il faut faire notre promotion nous-même, mais il faut aussi trouver une manière de sortir de l’océan de gens qui ont publié. Le travail ne s’arrête pas quand on termine l’écriture.»

Au final, peu importe le moyen choisi, l’essentiel est de conserver intact le plaisir d’écrire. «Le plus important est l’accomplissement personnel. Si je regarde l’ensemble de ma carrière, j’ai été souvent très déçu par les ventes et les critiques. Un moment donné, j’ai réalisé que j’écris d’abord parce que c’est ma passion. Je suis fier d’aller au bout de mes projets et de les partager. Il faut cesser de chercher la satisfaction chez les autres et revenir à soi. C’est le cheminement qui fait que le projet en vaut la peine.»

* Source: BAnQ, chiffres de 2017.

** Source: La Presse+.

Où trouver de l’aide?

-> uneq.qc.ca: le site de l’Union des écrivaines et écrivains québécois regorge d’informations pertinentes: par exemple, comment faire publier un manuscrit ou comment le présenter à un éditeur. On trouve aussi un lexique des termes utilisés dans les contrats d’édition. 

-> lulu.com: site populaire pour publier son manuscrit en version numérique. 

-> bouquinbec.ca: site québécois offrant des services de coaching, de correction, de mise en page et d’impression. 

-> wattpad.com: plateforme où l’on peut partager ses écrits. Plusieurs auteurs reconnus l’utilisent pour tester leurs histoires, dont la Québécoise Isabelle Laflèche. 

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