Une douleur chronique est une douleur qui dure plus de six mois. Elle s’installe parfois après une blessure mal traitée ou une chirurgie, mais elle est le plus souvent associée à une maladie chronique. Près de la moitié des Canadiens de 55 ans et plus sont touchés, dont une majorité de femmes. Et les impacts de cette douleur ressentie en permanence sont importants. «Puisqu’on est limité dans nos activités quotidiennes et sociales, on en vient à s’isoler, explique la psychologue Marie-Josée Rivard, spécialiste de la gestion de la douleur au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). La vie a moins de sens, la dépression n’est pas loin. Au quotidien, la douleur a aussi une incidence sur la vie sexuelle et les relations conjugales.» Le contrecoup économique, dû à un arrêt ou une réduction forcés du travail, n’est pas négligeable non plus. «La douleur peut freiner ou changer les plans de retraite dont on rêvait depuis longtemps. Elle fait parfois peur aussi. On s’inquiète de l’avenir: serons-nous de plus en plus handicapés physiquement et socialement? L’anxiété s’installe… On ressent de la frustration, de la colère, un sentiment d’injustice.»
L’impact le plus cruel? «Le regard empreint de doute de l’entourage et des médecins, se désole Céline Charbonneau, présidente de l’AQDC (Association de la douleur chronique, douleurchronique.org). « De quoi se plaint-il au juste? » Or, la douleur ne se juge pas.» La douleur et ses impacts psychologiques sont interreliés, observe d’ailleurs Marie-Josée Rivard: «On réagit parfois de façon plus importante aux conséquences négatives de la douleur sur notre vie qu’à la douleur elle-même. Résultat: son intensité empire.»
Combiner les solutions
Même avec les meilleurs soins, le traitement ne sera efficace que si la personne souffrante veut participer activement à sa prise en charge, souligne le Dʳ David Lussier, gériatre, directeur médical de la clinique de la douleur chronique à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Et quand on parle de prise en charge de la douleur à long terme, mieux vaut aller vers des thérapies complémentaires plutôt qu’un ajout de médicaments. Idéalement, chacune des méthodes choisies s’intègre alors dans une approche multidisciplinaire personnalisée accompagnant la médication. Les médicaments ne sont en effet qu’un élément d’une stratégie globale.
Souffrant de douleurs arthritiques, Céline Charbonneau a fait par exemple appel à une psychologue et à un massothérapeute: «Se prendre en charge est la meilleure solution, même si cela demande de la détermination, de la résilience et de l’énergie.» Quand vient le temps de choisir un thérapeute, on vérifie les sources et on se dirige vers un ordre, une association ou une société qui assure la formation, recommande Mme Charbonneau. Le site de la Société de l’arthrite (arthrite.ca) donne notamment des pistes sous l’onglet «Prendre en charge l’arthrite», puis «Vivre avec l’arthrite». Voici les nôtres pour tenter différentes approches, trouver celles qui apaiseront au mieux la douleur… et savourer à nouveau pleinement les plaisirs de la vie!
-> Le yoga
«Quand il y a douleur, il y a blocage énergétique. Le yoga permet une meilleure circulation de l’énergie et agit sur l’équilibre du corps», avance Annie Courtecuisse, auteure de Yoga pour soi: soulager la douleur chronique. Il agira, entre autres, sur les maux de dos, la fibromyalgie, la sclérose en plaques et les problèmes musculosquelettiques. «La pratique du yoga lubrifie les articulations et améliore la mobilité. Sa force réside dans la perception: il nous aide à sentir que nous avons un pouvoir sur notre corps, en réapprenant d’abord à respirer.» Boîte à outils, le yoga permet à chacun de trouver la forme la plus adaptée à ses besoins et à ses capacités. «Le yoga restaurateur permet d’aller plus profondément dans le corps. Si le hatha-yoga nous paraît trop exigeant, on choisit un yoga doux ou le yoga sur chaise, qui élimine les risques de blessures.»
-> L’acupuncture
En utilisant aiguilles, ventouses, laser ou stimulation électrique, selon le type de douleur et le degré de sensibilité de la personne, l’acupuncture vise à rétablir la circulation d’énergie dans les cas de migraine, par exemple, quand l’apport d’énergie à la tête est trop important et la circulation sanguine entravée», explique Éric Chabot, membre de l’Ordre des acupuncteurs du Québec. L’acupuncture soulage les douleurs musculaires et arthritiques: «En Chine, on reconnaît les facteurs climatiques parmi les causes de douleurs arthritiques. Cette thérapie qui veut chasser le froid et l’humidité accumulés s’utilise en prévention avant la saison froide.» La détente est l’un des effets secondaires positifs. À noter, toutefois: l’acupuncture est contre-indiquée si on prend des coagulants (même si les saignements sont très rares) ou des corticostéroïdes.
-> La massothérapie
Cette technique consiste en un ensemble de manœuvres manuelles sur les tissus, les muscles et la peau. «Elle aide à nourrir les muscles et élimine les déchets métaboliques. Bonne pour la santé globale, elle détend et réduit le stress, décrit François Grenier, massothérapeute agréé. La clé du succès? S’adapter à la sensibilité de la personne massée.» Cette thérapie réduit les douleurs de l’arthrose et soulage les symptômes de la sclérose en plaques, comme la raideur musculaire. Le drainage lymphatique manuel serait quant à lui efficace pour alléger la douleur associée à la fibromyalgie et à l’arthrite rhumatoïde aiguë. «Cette manœuvre légère active la circulation, aide à réduire l’inflammation et à nourrir les tissus.» Par contre, on évite la massothérapie en cas de fractures.
-> L’ostéopathie
«L’ostéopathe écoute avec ses mains, résume Claire Brouillard, membre de la Société des ostéopathes du Québec. Notre lecture est différente de celle de la médecine traditionnelle. Il faut savoir détecter l’origine du problème. Nous traitons avec des mouvements subtils, adaptés à l’intensité de douleur de chacun, en cherchant d’abord la cause du mal, pour ensuite enlever les blocages décelés et optimiser le fonctionnement, la mobilité, la souplesse et l’harmonie des systèmes.» Cette thérapie évalue le patient dans son ensemble, ce en quoi elle est unique. En travaillant sur les causes ou les symptômes, elle agit notamment sur l’arthrose, la migraine, la fatigue chronique, les maux de dos et l’ostéoporose.
-> La psychothérapie
«On ne peut dissocier la douleur physique de la douleur émotionnelle, prévient Marie-Josée Rivard, psychologue, spécialiste de la gestion de la douleur au CUSM. Il ne faut surtout pas tenter d’amener les gens à accepter la douleur. On vise plutôt l’adaptation. Il nous faut d’abord écouter, croire la personne et la diriger vers un changement. On commence par travailler sur ses attentes, souvent élevées. Elles doivent être réalistes: la douleur ne se guérit pas, elle se gère. Le deuxième objectif est de retrouver une qualité de vie satisfaisante avec ce corps qui a mal, dépourvu d’une partie de ses capacités. Enfin, le traitement – de l’anxiété, par exemple – influence parfois l’intensité ou la sensation de douleur. Les gens disent éprouver la même douleur, mais se sentir mieux.»
-> L’autogestion
Le CUSM propose le programme «L’ABC de l’autogestion de la douleur chronique». Composé de six ateliers d’information, de conseils et de stratégies d’adaptation, il aide à mieux contrôler la douleur. Info: mytoolbox.mni@mcgill.ca ou 514 934-1934, poste 71585.
-> Les habitudes de vie
Comme pour la majorité des problèmes de santé, opter pour de bonnes habitudes de vie fait souvent une vraie différence. Pour bien fonctionner, il faut se nourrir suffisamment et adéquatement, bien dormir, faire de l’exercice, boire modérément et arrêter de fumer. Il faut aussi s’adonner à des activités plaisir, ajoute Céline Charbonneau: «Lire, peindre, écouter de la musique, méditer sont aussi des façons de se prendre en main. Quand on est occupé physiquement ou intellectuellement, on ne pense pas à la douleur, on a moins mal.»
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