Tout un party… et toute une vie! Née dans une famille de 16 enfants au Bic, institutrice dans le Bas-du- Fleuve puis à Montréal, dans Rosemont, elle rappelle à chacun de ses anniversaires les trois préceptes que lui répétaient ses parents: «Le travail nous fait vivre, le rire nous garde en santé, la prière nous aide.» On porte tous en nous ce qu’on nous a appris.
Au-delà de «Mange ta main et garde l’autre pour demain», du goût des légumes frais cueillis du potager et de l’art délicat du repassage des chemises, mes grands-parents m’ont montré l’importance de redonner aux autres, à travers une association féminine pour l’une, Saint- Vincent de Paul pour l’autre. Ils m’ont bercée d’Histoire. La Seconde Guerre mondiale vécue en Belgique (le pays d’où je viens), avec la faim, les bombes, les radios cachées, ceux qui résistent et ceux qui pactisent, mon arrière-grand-père envoyé dans un camp de concentration après avoir été dénoncé par un jeune voisin éconduit par sa fille, mais également l’incroyable solidarité des gens, leur immense courage et leur foi inébranlable en l’avenir. Tant d’anecdotes aussi, et de magie, dans le récit des premiers pas sur la Lune ou de l’Expo 58 à Bruxelles, puis en écho, à mon arrivée au Québec, Expo 67, de Gaulle au balcon…
Quand mes amis se souviennent de la dernière victoire du Canadien à la Coupe Stanley ou, encore amers, des référendums sur l’indépendance, mes deux grands ados écoutent, tout aussi intéressés que moi, posant mille et une questions. Et chaque fois, je me demande ce qu’ils vont bien pouvoir raconter, eux, plus tard. L’élection de Trump à la tête de la plus grande démocratie du monde et ses bordées de tweets rageurs? Avec la chute des Weinstein, Salvail, Rozon, Brûlé et autres de ce monde, que leurs victimes ont eu le courage de dénoncer ces dernières semaines, j’ai pensé que je pourrais faire en sorte que, cet automne 2017, mes fils s’en rappellent peut-être un peu plus tard… J’ai discuté avec eux des gestes bordeline et des commentaires grivois qu’une femme peut accumuler au fil des années, venant de proches ou d’inconnus, sans jamais vraiment s’en plaindre parce qu’il «n’y a rien là». L’animatrice Catherine Bachand disait avoir décidé de témoigner à visage découvert des agissements de son ancien collègue Gilles Parent en pensant à ses filles. Parler pour changer, faire réfléchir, susciter le dialogue ou le débat…
Le Musée McCord, à Montréal, a lancé une magnifique opération avec la Société Alzheimer du Canada: des élèves du secondaire rencontrent des aînés pour les écouter, réveiller leur mémoire et apprendre de leur passé. En page 30 de ce numéro, notre journaliste Linda Priestley évoque les différentes façons d’aider ses petits-enfants quand ils rencontrent un problème, soulignant elle aussi la place privilégiée que l’on peut occuper en tant que grand-parent.
Éduquer n’implique alors plus vraiment de cadrer et de poser des règles comme on l’attend de parents, mais relève avant tout de la transmission. Plutôt qu’«éduquer», on devrait d’ailleurs dire «élever», dans le sens de faire grandir… Les grands-parents ont cette immense chance de pouvoir transmettre leurs valeurs, leurs souvenirs, leurs convictions et cette sagesse, tellement précieuse, de l’expérience. Dans un monde aux valeurs pas toujours très claires, ils deviennent des repères, qui remettent du sens. Un rôle en or à jouer! Et ça tombe bien, avec décembre qui s’en vient, les occasions de se rapprocher et de raconter ne devraient pas manquer!
Aline Pinxteren, rédactrice en chef
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