Tanger apparaît comme une île; la mer, comme suspendue en dessous de la ville blanche, scintille… D’un seul regard, on embrasse l’Europe et l’Afrique: une mer et un océan avec, pour les unir, le détroit de Gibraltar.
Étant donné sa situation stratégique, Tanger est marquée par les vents de l’Histoire. Phéniciens, Carthaginois, Berbères, Portugais et Espagnols y ont laissé des traces indélébiles avant qu’elle ne redevienne marocaine. Sa réputation de ville internationale pèse encore dans la mémoire tangéroise.
Porte d’entrée de l’Orient, ses collines verdoyantes exhalant l’odeur du girofle et du jasmin ont vu défiler la fine fleur artistique du monde entier. Elle a été une source d’inspiration pour plusieurs générations. Aujourd’hui, la ville mythique accueille, de nouveau, comédiens, peintres, chanteurs, cinéastes et simples touristes subjugués par ses couleurs exceptionnelles et par son atmosphère irréelle, une sorte de nostalgie grisante, hors du temps qui s’en dégage. On dit que Tanger pleure celui qui ne la connaît pas, et que l’on pleure quand on l’a vue. On vous demande encore en riant:
– Avez-vous votre billet aller-retour?
– Pourquoi?
– Parce que ceux qui y viennent pour deux semaines ne repartent plus, tant ils sont charmés…
La Dream City des Anglais
Grâce à son site magnifique, ses plages de sable fin, ses maisons aux balcons ouvragés, ses hôtels somptueux, ses rues animées, son port tourné vers l’Europe, sa lumière incomparable, Tanger a tout pour charmer les touristes. Ses rues très pentues se précipitent jusqu’à la mer ou bien escaladent les collines avec d’interminables escaliers qui mettent les mollets à rude épreuve! Mais c’est quand même à pied qu’elle se découvre.
Tanger est une mémoire pour ceux qui la visite. Du haut de la Kasbah, on peut traverser la médina et descendre vers les Petit et Grand Socco, en parcourant les lieux préférés de Matisse et admirer les perspectives qui l’ont inspiré. La végétation unique à Tanger, composée d’essences européennes et tropicales d’une rare luxuriance, a séduit le peintre. Sur le parcours, de nombreuses galeries d’art offrent des expositions de peintres contemporains ainsi que de très belles affiches de Majorelle datant de 1924.
Une fois franchie la Porte Bab El Assa – porte de la Bastonnade –, vous verrez la mer et le port à travers un porche fermé d’une grille en fer. À gauche, le Musée de la Kasbah loge dans le palais Dar El Makzen; son vestibule s’ouvre sur un patio rénové comme l’a découvert le peintre Eugène Delacroix: une splendeur!
L’architecture
Les vacances terminées, les touristes, il est vrai, repartent chez eux, mais nombreux sont les étrangers qui achètent des dars, les rénovent et ouvrent des maisons d’hôtes. Artistes, comédiens, chanteurs, écrivains de France et d’ailleurs donnent le ton et vont sur les traces d’autres artistes qui ont affectionné Tanger.
Le Grand Socco a toujours été source de fascination à cause de son animation et du grouillement de la place. Le dimanche, avec de beaux atours, on s’y promène en famille. Non loin, perché dans une rue en pente, le légendaire café Baba ne paie pas de mine, mais ses fenêtres s’ouvrent sur les magnifiques terrasses d’une célèbre voisine, Barbara Hutton, riche Américaine héritière de la chaîne de magasins Woolworth. La villa immaculée, immense, avec ses terrasses étagées et crénelées, s’ouvre sur la médina, sur la baie et sur un jardin tropical. Les murs croulent sous les bougainvilliers roses; sur le côté, un gigantesque cactus claque sur le blanc des murs. On peut visiter la villa dont la porte d’entrée s’orne d’une plaque portant, en langue arabe, l’inscription suivante: «Ici, c’est le paradis sur terre.»
Dans son jardin, un mausolée; par la fenêtre, on peut voir sa tombe de marbre blanc. Le café demeure une adresse pour les visiteurs à la recherche du temps perdu. Sur les murs des affiches, des photos d’artistes, de reines, de princes…
Harmonie dans l’architecture
Si, dans la ville moderne, l’architecture est contemporaine et empreinte du savoir-faire français, dans la médina, par contre, les influences hispaniques, notamment andalouses, sont particulièrement présentes.
Si tel est votre désir, vous aurez de la compagnie: de jeunes enfants vous indiqueront ce qu’il faut voir. Ils sont les meilleurs guides tant ils connaissent bien leur ville! Ils comprennent rapidement ce que vous cherchez. «Tu connais le café Hafa, madame?» Nous voilà partis sur les traces de Paul Bowles, écrivain et musicologue américain (1910-1999); venu pour un été, il y resta sa vie entière et contribua à la révélation d’écrivains marocains. Contrairement à nombre d’Américains de Tanger dans les années 1950, il a appris l’arabe et vécu parmi les Marocains. Il est l’auteur d’Un thé au Sahara, roman mis en scène par Bertolucci. «Comme tout romantique, j’étais plus ou moins certain qu’un jour, je trouverais un endroit magique qui, en me dévoilant ses secrets, me donnerait la sagesse et l’extase, voire la mort», a-t-il écrit. Le Café Hafa se dresse sur les collines dominant le port. C’est là qu’il venait rêver.
Secret et silencieux, le café est resté tel quel. Ses modestes tables en bois accueillent poètes et joueurs d’échecs; comme autrefois, c’est un endroit populaire. L’écrivain Bernard Henri Levy et sa femme, la comédienne et chanteuse Arielle Dombasle, sont les voisins immédiats du café. Leur villa immaculée s’étage sur sept terrasses dans une végétation luxuriante; le café, pour sa part, s’accroche en terrasses, et rien ne vient distraire le regard de la vue, et de l’atmosphère peuplée de fantômes.
L’art de vivre
Il semble que Tanger exerce toujours sur les nouveaux arrivants cette fascination telle que l’a décrite Paul Bowles: «Tanger me frappa comme étant une ville de rêve, il faut prendre l’expression dans son sens littéral. Sa topographie est riche de scènes typiquement oniriques: des rues couvertes semblables à des couloirs avec, de chaque côté, des portes ouvrant sur des pièces, des terrasses cachées dominant la mer, des rues qui n’étaient que des escaliers, des impasses sombres, des petites places aménagées dans des endroits pentus, si bien qu’on aurait dit les décors d’un ballet dessiné au mépris des lois de la perspective, avec des ruelles partant dans toutes les directions. On y trouvait aussi des tunnels, des remparts, des ruines, des donjons et des falaises, autant de lieux classiques de l’univers onirique.» Rien n’a changé ! Où que l’on aille, la mer est présente et lorsqu’elle apparaît, c’est toujours une surprise…
Tanger recèle de nombreux chefs-d’œuvre d’architecture musulmane comme la Kasbah ou encore le grand jardin du palais, célèbre pour ses plantes exotiques et ses arbres fruitiers. Outre cela, la Perle du Détroit offre une architecture quasi unique au Maroc: un mélange de néo-mauresque, d’oriental et de méditerranéen. Aujourd’hui, l’image de Tanger reste à peu près inchangée. La ville s’est agrandie en périphérie. Les gens y viennent toujours en rêvant de se plonger dans l’atmosphère faite d’excès et de prodigalité qui régnait ici dans les années 1940; parfois, ils prétendent même que le rêve est devenue réalité…
Un art de vivre
Chaque maison possède une ou plusieurs terrasses sur le toit, et l’on y vit de l’aube jusqu’au soir. Certains y dorment même dans des alcôves. Une profusion de plantes, de canapés, de coussins moelleux, de tables fait de cet espace un endroit recherché. La vue sur Tanger en 360° est hypnotisante. Moments incomparables au cœur de la lumière !
De la terrasse qui domine la ville, on assiste aux premières lueurs du matin, au miracle des couleurs, des odeurs et des parfums: des bouffées d’épices, de menthe, de jasmin… Peu à peu, les ruelles tortueuses aux murs aveugles s’animent. Des milliers d’étoiles argent scintillent à travers la brume.
On ne quitte pas Tanger sans faire un saut au Grand Café de Paris situé place de France, en face du consulat français. Lieu de rencontre des écrivains, ce jour-là, la terrasse est bondée d’hommes. Seules deux femmes sur la terrasse font exception. C’est bien ici que s’est tournée la scène du film Casablanca, celle où se retrouvaient Humphrey Bogart et Ingrid Bergman. Le serveur, Mohamed, se rappelle très bien l’événement et combien Ingrid était belle. Il recommande de faire un saut à l’hôtel Menzah, juste de l’autre côté de la rue. À l’entrée de la médina, il se dresse, imposant, majestueux, embrassant d’un seul regard ce tableau exotique qu’est Tanger. Allez voir le bar et toutes les photos de célébrités: la chambre de Churchill, de Bertolucci et de tant d’autres.
Il va de soi que vous êtes descendu dans un hôtel mythique ou une maison d’hôtes, un dar. La porte franchie, les rumeurs de la ville s’estompent… Coupé du monde, vous contemplez les beautés du décor, de la nature, car Tanger est la campagne, la montagne, la ville et la mer, le tout se juxtaposant sans solution de continuité… À la fois Orient et Occident où que vous soyez, à Tanger vous serez réveillé par un cocorico et par le muezzin.
Se loger et se restaurer
Le muezzin
Le muezzin, «celui qui fait appel» est le membre de la mosquée, chargé de lancer l’appel à la prière au moins cinq fois par jour, souvent depuis le sommet du minaret de la mosquée. Cet appel, par la voix, a été choisi pour se démarquer de l’appel juif, lancé au moyen d’une corne, et de l’appel chrétien, par une cloche. Il a aussi été choisi parce qu’il est le moyen le plus naturel d’appeler! Le muezzin est choisi pour sa voix et sa personnalité.
À ne pas manquer
Les Grottes d’Hercule. Une escapade dans les environs: d’abord Tétouan, puis Chefchaouen, le village bleu, et enfin Assilah, sur l’océan, belle, blanche, aux murs blancs peints de fresques naïves et aux magnifiques tapis à petits prix.
Le cap Spartel, pour son magnifique coucher de soleil et ses tables sur les rochers. Sur le chemin du cap Spartel, on peut voir une partie de Tanger dorée par les rayons du couchant. Le rendez-vous des Tangérois? Un petit resto sous les pins, juste avant d’arriver au cap.
Où aller…
Se restaurer: Au Grand Café, Place de France. Au Relais de Paris, le meilleur restaurant, complexe Dawliz, 42, rue de Hollande, à Tanger. Casino Movenpik Malabata. Casa Espana, boul. Pasteur.
Se loger avec des vues époustouflantes et à des prix intéressants.
À Tanger: Dar Djameel, 6, rue Mohamed Bergach, Médina,
Dar Nour, 20, rue Gouma, La Kasbah,
Dar Sultan, 49, rue Touila, La Kasbah,
Riad Tangerina, 19, Riad Sultan,
Nous remercions l’Office national du tourisme marocain de Montréal et la Royal Air Maroc pour leur aimable collaboration.
Mise à jour: avril 2009