Après le décès de son conjoint, Pierrette a mis en vente la maison familiale devenue trop grande. Sa fille lui a alors proposé de vivre sous son toit.
«Même si la relation avec ma fille et mon gendre était cordiale, j’ai d’abord refusé. J’avais peur de ne pas me sentir chez moi. Puis, après maintes discussions, j’ai finalement accepté. Trois ans plus tard, je ne regrette rien. Je partage la cuisine avec la famille, mais, pour le reste, j’ai mes propres quartiers: une chambre, une salle de bains et un petit salon. Je me sens en sécurité. Et j’ai la chance de voir vieillir mes petits-enfants.»
Jeannine, pour sa part, a expérimenté la cohabitation pendant un an. «J’ai accepté la proposition de ma fille sans même réfléchir, avoue-t-elle. J’étais en désaccord avec sa façon d’éduquer ses enfants, mais je croyais pouvoir faire abstraction de ce différend. Ça n’a pas été le cas. Sans compter qu’elle et son conjoint recevaient souvent des amis le week-end, ce qui m’empêchait de dormir. Cela créait des tensions entre nous et j’ai préféré partir.»
Manifestement, la cohabitation ne convient pas à tout le monde. D’où l’importance de bien peser le pour et le contre avant de faire le saut.
Vivre chez son enfant: les avantages et les inconvénients
Les avantages
Vivre seul vous angoisse? L’entretien de la maison vous pèse? Votre condition physique décline? Vous avez du mal à équilibrer votre budget? Voilà autant de raisons pouvant vous inciter à accepter la cohabitation. Les bénéfices sont réels. Vous serez rassuré en ne vivant pas seul. En partageant les dépenses, vous bénéficierez d’avantages financiers. «La cohabitation aide le parent à demeurer actif en participant à la vie familiale et sociale de la famille, assure Danis Prud’homme, directeur général du réseau FADOQ. Elle permet aussi l’entraide et le partage de services.»
En outre, elle favorise le resserrement des liens ou le rapprochement. «Cela permet à l’enfant de redonner quelque chose au parent qui a pris soin de lui durant sa jeunesse, et au parent, de recevoir des soins ou de bénéficier d’une présence rassurante à une étape de sa vie où il est plus fragile, estime Louise Fréchette, psychologue et psychothérapeute en analyse bioénergétique. Dans le cas d’un parent qui vient de perdre son conjoint, le fait de se retrouver entouré est réconfortant et constitue un soutien émotionnel important.»
Vous aurez également la possibilité de vous rapprocher de vos petits-enfants. Quand Pierre est venu vivre chez sa fille, ses petits-enfants avaient 5 et 7 ans. «Comme leurs parents rentraient tard du travail, je les accueillais après l’école et je les accompagnais à leurs activités sportives. Je suis devenu leur plus grand fan. Dix ans plus tard, ils m’en parlent encore. Nous avons développé une belle complicité. Ça me garde jeune.»
Les inconvénients
En contrepartie, quitter sa maison pour vivre chez son enfant entraîne forcément des bouleversements. Vous devrez notamment vous départir de la majorité de vos biens. Vous subirez inévitablement une perte d’intimité. Vous n’aurez peut-être plus la possibilité de recevoir vos proches et vos amis aussi souvent que vous le souhaitez, à moins de disposer d’une entrée et d’un salon privés. Vous devrez peut-être modifier certaines habitudes. L’environnement risque aussi d’être plus bruyant que ce à quoi vous êtes habitué, surtout s’il y a de jeunes enfants. Sans oublier la confrontation des caractères, les inévitables compromis, les conflits de valeurs ou les divergences dans la gestion du quotidien. Saurez-vous y faire face?
Les questions à se poser avant d’aller vivre chez son enfant
Les questions à se poser avant d’aller vivre chez son enfant
Pour vous guider dans votre réflexion, questionnez-vous: êtes-vous indépendant, tolérant et souple? Connaissez-vous bien vos limites? Quelles sont vos attentes et celles de votre enfant? Partagez-vous les mêmes valeurs?
Pouvez-vous discuter ouvertement avec lui lorsque des problèmes surgissent? Votre enfant a-t-il les ressources nécessaires pour vous accueillir chez lui (espace suffisant, aménagements nécessaires si vous êtes en perte d’autonomie ou avez besoin d’équipement médical spécial, etc.)?
Si vous traînez des conflits non réglés, si votre enfant risque d’être envahissant, si vous aimez la solitude ou si vous n’avez jamais été très proches, abstenez-vous.
Par ailleurs, assurez-vous que votre enfant vous propose d’habiter chez lui par élan du cœur, et non par devoir. «La présence du parent peut s’avérer lourde pour l’enfant si l’espace est restreint pour accueillir une personne additionnelle, si les besoins en soins dépassent ses capacités ou l’obligent à délaisser sa vie sociale, si les frères et sœurs se déchargent de leurs responsabilités sur ses épaules ou si elle le fait par obligation, signale Louise Fréchette. L’enfant qui prend en charge le parent risque de développer, tôt ou tard, du ressentiment, ce qui peut entraîner des rapports conflictuels au lieu d’un rapprochement. Une discussion franche s’impose.»
Enfin, compte tenu du fait qu’il faudra réaménager l’espace et revoir l’organisation du quotidien, toutes les personnes concernées – parent, enfant, conjoint et petits-enfants – doivent idéalement être d’accord pour vivre sous le même toit, question de se sentir à l’aise et respecté. Discutez ensemble des implications et des appréhensions de chacun.
L’enfant qui désire cohabiter avec son parent devrait informer ses frères et sœurs plutôt que de les mettre devant le fait accompli et leur demander ce qu’ils en pensent. «Parfois, il existe une rivalité entre frères et sœurs et certains peuvent être jaloux de cette proximité. C’est aussi l’occasion de discuter des règles de visites – de manière à préserver l’intimité du couple – et de s’entendre sur le partage des soins si la santé du parent décline», suggère Louise Fréchette.
Pour une cohabitation harmonieuse : établir des règles
Pour une cohabitation harmonieuse: établir des règles
Pour réussir votre cohabitation, préparez-la rigoureusement, de façon à prévenir les problèmes et les déceptions. Essentiel : discuter à l’avance des divers aspects de la vie en commun, établir des règles claires et négocier des accommodements satisfaisants pour tous.
En assumant certaines responsabilités – cuisiner, repriser les vêtements, faire quelques courses, etc. –, vous resterez alerte, tout en aidant la famille. Soyez clair toutefois: il n’est pas question de vous transformer en domestique ou en gardien à temps plein. Si possible, privilégiez les tâches que vous aimez.
Autonomie et indépendance
Il est essentiel de les préserver. Par conséquent, ne comptez pas sur votre enfant pour vous désennuyer ou faire les choses à votre place. Maintenez une vie sociale active. S’il s’agit pour vous d’un nouveau quartier, demandez à votre enfant de vous le faire découvrir. Informez-vous des loisirs, des organismes communautaires et des possibilités de bénévolat. Visitez la bibliothèque.
Intimité. Demandez que l’on respecte votre intimité et faites de même pour chaque membre de la famille. Ce n’est pas parce que vous vivez avec eux que vous devez passer vos soirées ensemble ou les accompagner dans leurs sorties. Il importe également de clarifier vos attentes à propos des visites de vos proches et de vos amis.
Règles de vie commune. Évitez de mettre votre «grain de sel» dans les conversations qui ne vous impliquent pas ou de commenter la manière de vivre de votre enfant. N’intervenez pas non plus dans la façon dont ils élèvent leurs enfants, à moins d’abus évidemment. Si les règles établies vont à l’encontre de vos valeurs, mieux vaut y repenser deux fois avant d’accepter la cohabitation. «L’idéal, c’est de se mettre d’accord avec les parents sur ce qui est toléré et sur ce qui ne l’est pas, et d’appliquer les mêmes règles, explique Louise Fréchette. En revanche, si un petit-enfant est impoli et manque de respect à notre égard, on ne doit pas fermer les yeux. On s’entend à l’avance avec les parents sur les conséquences.»
Cela dit, quel que soit le problème rencontré, parlez-en sans délai. «Souvent les personnes âgées se sentent tellement redevables de vivre chez leur enfant qu’elles vont tolérer des situations dans lesquelles elles ne se sentent pas bien, se désole Louise Fréchette. Il faut expliquer clairement ce qui ne nous convient pas afin de trouver une solution acceptable pour tous.»
Argent. Il est crucial de s’entendre sur le partage des coûts. «Il est normal que le parent paie un certain montant pour les dépenses de chauffage, d’électricité, de câble, de téléphone ou encore d’épicerie, puisqu’il en bénéficie. Mais celui-ci doit être idéalement calculé au prorata de l’espace habité ou de l’utilisation faite», note Danis Prud’homme. Attention: ne mettez jamais vos avoirs en commun. Vous devez conserver votre autonomie financière en ayant votre compte bancaire et vos propres économies.
La maison intergénérationnelle – Le droit de dire non
La maison intergénérationnelle
Ce concept d’habitation permet aux parents de cohabiter avec leur enfant et sa famille dans une maison unifamiliale, composée de deux logements distincts, mais de taille différente. Depuis cinq ans, Robert et Jeanne vivent dans un logement annexé à la résidence de leur fille. «Nos appartements communiquent, mais on garde les portes fermées. Ainsi, chacun conserve son autonomie et son intimité. Et pas question d’arriver à l’improviste. On annonce notre visite en se téléphonant ou en frappant à la porte. On n’hésite pas toutefois à se rendre mutuellement des services, ni à se recevoir à souper de temps à autre. De plus, chacun surveille la résidence de l’autre pendant les vacances. On n’a pas à s’occuper de l’entretien ni à assumer les coûts d’une grande maison. C’est vraiment parfait.»
L’idée vous intéresse? Avant d’entreprendre les travaux, pensez entre autres choses à insonoriser adéquatement les deux logements et entendez-vous sur les divers aspects du projet, y compris son financement. Précaution: faites rédiger un contrat par un notaire.
Vivre avec son enfant: le droit de dire non
Quand Nicole a finalement décliné l’offre de son garçon, celui-ci l’a vécu comme un rejet, ce qui a créé un froid entre eux. Depuis, elle se sent coupable de ne pas avoir accepté. «Il faut clairement faire comprendre à son enfant qu’il ne s’agit pas d’un rejet, dit Louise Fréchette. Ce n’est pas parce qu’on refuse sa proposition qu’on ne l’aime pas ou qu’on n’apprécie pas son geste. On peut être touché par la générosité de l’offre, mais considérer qu’elle ne correspond pas à nos besoins actuels. Il n’a pas à se mettre sur les épaules une responsabilité – notre bonheur et notre bien-être – qui ne lui appartient pas.» Vous avez le droit de décider de ce qui est le mieux pour vous, sans culpabiliser !