«Achetez canadien»: l’engouement pour les produits locaux est réel

«Achetez canadien»: l’engouement pour les produits locaux est réel

Par Melise Panetta, Wilfrid Laurier University

Crédit photo: iStock

L’escalade des tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis a déclenché une vague de patriotisme chez les consommateurs canadiens, qui choisissent consciemment des produits fabriqués dans leur pays par souci de protection économique et fierté nationale.

Le président Donald Trump a imposé des droits de douane sur la plupart des produits canadiens et mexicains le 4 mars, après un report d’un mois. Cette mesure, ainsi que les appels de Trump à faire du Canada le 51ᵉÉtat américain, ont incité les Canadiens à adhérer au mouvement «Achetez canadien».

Des études récentes ont révélé qu’un nombre important de Canadiens affichent désormais une préférence marquée pour les produits locaux, et que beaucoup d’entre eux sont prêts à modifier leur comportement d’achat. Selon un sondage récent, 42% des Canadiens interrogés feraient «absolument tout» pour éviter d’acheter des produits américains. Et 88% d’entre eux ont déclaré qu’ils achèteraient un produit promu comme «fabriqué au Canada».

Un autre sondage nous a appris que 56% des Canadiens se disent prêts à renoncer à un produit s’ils ne trouvent pas un équivalent fabriqué au Canada.

Si le mouvement d’achat local a des racines profondes et refait souvent surface en période de tensions économiques, son essor actuel s’explique par le désir des consommateurs de soutenir les marques et les fabricants locaux qui, selon eux, reflètent leurs valeurs.

Défis du mouvement

Si le mouvement «Achetez canadien» gagne du terrain, son maintien s’accompagne de défis notables. Des experts affirment que la réduction de la dépendance à l’égard des importations américaines est un processus graduel qui nécessite un engagement continu.

Deux obstacles majeurs s’opposent à un changement durable: le prix plus élevé des produits fabriqués au Canada, en particulier avec la crise du coût de la vie que nous traversons, et la difficulté d’identifier les produits d’ici.

Il est essentiel de s’attaquer à ces deux problèmes pour assurer la viabilité à long terme du mouvement «Achetez canadien».

L’achat local peut coûter cher

Le premier obstacle auquel se heurte le mouvement «Achetez canadien» est l’écart de prix entre les produits d’ici et leurs équivalents importés.

Les articles fabriqués au Canada sont souvent plus chers en raison des coûts de production, de l’économie d’échelle, des transports et d’autres facteurs économiques. Ces éléments font qu’il est difficile pour les fabricants locaux de rivaliser avec le prix des articles étrangers.

La crise du coût de la vie, qui fait grimper le prix des biens et des services dans différents secteurs, accentue le problème. Le coût de l’épicerie, une des plus importantes dépenses des ménages, a subi une hausse de 7,8% en 2023, soit la plus élevée depuis près de 40 ans.

L’augmentation des prix dans presque tous les secteurs a conduit 71% des Canadiens à nommer le coût de la vie comme l’une de leurs principales préoccupations domestiques, ce qui en a fait le premier sujet d’actualité dans le pays en 2024.

Bien que de nombreux consommateurs se déclarent prêts à soutenir les entreprises locales, même si elles sont plus chères, le fait de devoir payer davantage pourrait les empêcher de choisir systématiquement des produits d’ici plutôt que des produits étrangers plus abordables.

«Fait au Canada», vraiment?

Le deuxième obstacle important au mouvement «Achetez canadien» provient de la confusion autour des étiquettes. Pour de nombreuses personnes, il peut être difficile de distinguer les produits véritablement canadiens des produits importés.

Selon un récent sondage, 42% des Canadiens croient que les denrées alimentaires qu’ils trouvent à l’épicerie proviennent du Canada. Cependant, la proportion de ces aliments qui sont entièrement produits ici se situe autour de 10%.

Pour compliquer encore davantage la situation, l’étiquetage d’origine n’est pas toujours évident à comprendre. Les mentions «Fait au Canada» et «Produit du Canada» ont des définitions bien précises.

«Fait au Canada» signifie que la dernière transformation substantielle du bien ou du service a eu lieu au Canada, mais que jusqu’à 49 % des ingrédients peuvent être importés. La mention «Produit du Canada», pour sa part, indique que la totalité, ou presque, des coûts de fabrication et de transformation ont été engagés au Canada.

Cette nuance dans l’étiquetage et les similitudes dans la formulation peuvent prêter à confusion, ce qui rend difficile pour les consommateurs de faire des choix éclairés.

Profiter de l’engouement pour l’achat local

Les entreprises et les détaillants canadiens ont répondu à la demande croissante des consommateurs pour les produits canadiens par des stratégies promotionnelles. Par exemple, l’entreprise Loblaw, le plus grand détaillant alimentaire du Canada, s’est engagée à redoubler d’efforts pour offrir des aliments cultivés et fabriqués localement.

Les épiceries tentent également de faciliter l’identification des produits locaux. Plusieurs chaînes d’épiceries ont réaménagé leurs étalages en utilisant des étiquettes de rayon, des autocollants et des panneaux situés au bout des allées pour désigner clairement les produits alimentaires fabriqués au Canada.

Les détaillants et les marques mettent de plus en plus l’accent sur les produits locaux en présentant des promotions ciblées. Les grandes chaînes d’alimentation ont commencé à proposer d’importantes baisses de prix et des promotions exclusives sur les articles portant la mention «Fait au Canada».

En outre, les Canadiens sont nombreux à se tourner vers des sites web tels que Madeinca.ca, qui visent à démystifier l’origine et l’étiquetage, afin que les consommateurs puissent distinguer les produits nationaux des produits importés.

Bien qu’il puisse être difficile de maintenir l’élan d’achat local, les Canadiens souhaitent démontrer leur patriotisme au moment de passer à la caisse. Les entreprises et les responsables politiques s’emploient activement à améliorer la transparence des produits et à résoudre les problèmes de coûts, ce qui profite au mouvement «Achetez canadien». Après tout, rien n’incarne mieux l’unité qu’un peu de magasinage patriotique, à la manière canadienne.La Conversation Canada

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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